FIAC : la crise de la trentaine ?

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 16 mai 2003 - 1027 mots

Après une dernière édition acclamée pour le sérieux de sa sélection, quoique mitigée commercialement, des dissensions ont pointé au sein de la FIAC. On pouvait escompter une crise d’identité à la suite du départ de Véronique Jaeger, commissaire de la manifestation, et de la démission de Rodolphe Janssen, membre du Cofiac. Pour souffler ses trente bougies, la FIAC, organisée du 9 au 13 octobre porte de Versailles, à Paris, revendique pourtant un nouveau tournant.

PARIS - La FIAC n’échappe pas à l’une de ses constantes : la polémique. D’une première sécession en 1978 de marchands lassés du manque de représentation des jeunes galeries à la grogne manifestée en 1995 pour dénoncer les privilèges des membres du comité de sélection, le Cofiac, l’histoire de la foire se révèle jalonnée de controverses. Cette année est marquée par le départ de Véronique Jaeger, commissaire de la manifestation, et la démission du galeriste belge Rodolphe Janssen du Cofiac. Pourtant, la FIAC s’est bonifiée depuis l’an 2000. De l’avis général, sa dernière édition présentait une liste alléchante et enviable de ténors de la profession grâce à une internationalisation massive de ses recrues. Longuement courtisées, les galeries américaines de la section “Perspectives” ne sont toutefois venues que timidement, tant elles semblaient convaincues de la torpeur du marché français. Elles n’ont pas toutes joué le jeu, se contentant parfois de pièces moyennes. Pourtant, selon les données de Reed, la société organisatrice du salon, 559 couples de collectionneurs, dont 33 % étrangers, auraient fréquenté le salon. Les enseignes modernes du quartier de la rue de Seine s’estimaient retranchées dans un ghetto au profit de jeunes galeries plus turbulentes. “On se demande si on a encore notre place”, nous confiait à l’époque Marc Larock, de la galerie Larock-Granoff (Paris), qui ne reconduit pas sa participation. La FIAC semblait tiraillée entre la volonté légitime de mettre en avant les galeries montantes de la scène internationale, et le risque de s’aliéner les galeries modernes, principalement hexagonales.
Le salon souffre cette année de la toute nouvelle concurrence de Frieze, foire organisée par la revue éponyme à Londres du 17 au 20 octobre. Tout comme les Belges Rodolphe Janssen (Bruxelles) et Micheline Szwajcer (Anvers), la galerie Hauser & Wirth (Zurich), un des poids lourds de la profession, privilégie cette nouvelle venue, d’autant que cette dernière compte ouvrir à l’automne une antenne londonienne. “La qualité de la FIAC était meilleure l’an dernier que les années précédentes. Mais elle n’est pas au niveau des grandes foires. Faire la FIAC, ce n’est pas un must”, estime Marc Payot, directeur de la galerie Hauser & Wirth.
Un parfum de déjà-vu, après l’éclipse de quelques ténors comme Bruno Bischofberger (Zurich), ou, pas plus tard que l’an passé, de Gmurzynska (Zoug, Suisse).
Ces défections pointent tacitement du doigt l’organisation de Reed. Les rapports entre galeristes et organisateurs de foires sont traditionnellement tendus. “Reed n’arrive pas à créer une image forte autour de l’événement. On nous avait promis l’an dernier une soirée ‘Preview’ qu’ils ont finalement supprimée”, déplore Rodolphe Janssen. “On a pêché par manque de communication auprès des galeries, qui ne sont pas toujours au courant de ce que nous faisons”, reconnaît Jean-Daniel Compain, directeur général de Reed. Et de surenchérir : “Contrairement à ce qui se dit, Reed investit beaucoup. On a développé des parcours privés pour les collectionneurs et des opérations VIP d’une grande qualité. On a juste fait une bévue en promettant une soirée qu’on n’a pas pu tenir. On ne commettra plus ce genre d’erreur. Par ailleurs, depuis cette année, je m’implique beaucoup plus qu’avant dans la FIAC.” Pour fêter les trente ans du salon, Reed entend investir. Outre le Preview et une soirée chez Maxim’s, le retour de la Nocturne du jeudi soir est prévu. Le Café des Arts fait aussi peau neuve en donnant la parole aux artistes.
Dans un contexte international particulièrement frileux, seulement deux galeries américaines seront présentes en octobre, Peres Project (Los Angeles) et Finesilver (San Antonio, Texas), inscrites dans la section “Perspectives”. Cette dernière se veut musclée avec seize participants. Aux côtés de Grégoire Maisonneuve (Paris), figurent la Cubaine La Casona (La Havane), la Madrilène Fabrica et la Londonienne MW Projects. Malgré les défections susmentionnées, cette année marquera le grand retour de Karsten Greve (Cologne-Paris), de Louis Carré & Cie (Paris) et de Christian Stein (Milan). L’appel du Sud se ressent avec l’arrivée du Portugais Mario Siqueira (Braga) et de l’Espagnol Pepe Cobo (Séville).
Reste à régler la question épineuse de la section moderne, animée depuis longtemps par un esprit trop franco-français et pâtissant peut-être d’un manque de prospective. Car si l’art moderne représente l’épine dorsale de la Foire de Bâle, cette section de la FIAC souffre de l’absence des grosses pointures étrangères. Le départ de Waddington (Londres), qui ne “souhaite faire que des foires de première classe”, n’arrange pas les choses. Ainsi susurrait-on l’an dernier dans les allées d’Art Paris que certaines galeries dépitées pourraient opter pour la foire sise au Carrousel du Louvre. Bien qu’il refuse de communiquer pour le moment la liste des soixante participants fermement inscrits, le directeur d’Art Paris, Henri Jobbé-Duval, reconnaît qu’une vingtaine de galeries de qualité venues de la FIAC ou vierges de toute participation auraient témoigné de l’intérêt pour sa manifestation. La galerie Applicat-Prazan (Paris) rejoindra quant à elle le Salon du collectionneur, organisé par le Syndicat national des antiquaires en septembre. D’un autre côté, Bernard Cats (Bruxelles), qui avait participé avec succès à Art Paris en 2002, retourne à la FIAC cette année. Les salons sont coutumiers de ces allers-retours.
Reed souhaite enfin capitaliser sur la place parisienne, des négociations étant en cours avec la municipalité, et sur la marque “FIAC” selon un objectif triennal ou quinquennal. Cette stratégie suppose le lancement ou l’acquisition de nouvelles foires. “On nous avait proposé de récupérer une des foires de Miami. On ne l’a pas fait, et cela a été une erreur”, estime Jean-Daniel Compain. Des boutures de la FIAC et de Paris Photo, que Reed possède aussi dans son escarcelle, sont envisagées. Cette bonne volonté affichée ne devrait pas exclure à l’avenir un démarchage plus précoce des galeries et une révision du nombre, trop important, des membres du Cofiac.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°171 du 16 mai 2003, avec le titre suivant : FIAC : la crise de la trentaine ?

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