Guy Loudmer : L’art du rebond

Entretien avec Guy Loudmer

Par Adrien Grandet · Le Journal des Arts

Le 30 mai 2003 - 890 mots

PARIS

Commissaire-priseur réputé dans les années 1980, Guy Loudmer s’était distingué le 25 mars 1990 avec la vente de la collection de Lucien et Marcelle Bourdon, dénommée parfois “vente du siècle” pour son produit de 500 millions de francs.

Sept ans plus tard, Guy Loudmer se retrouvait pourtant sous le coup d’une mise en examen pour abus de confiance aggravé. Il passe six mois en détention préventive avant d’être condamné le 18 septembre 2001 à dix-huit mois de prison avec sursis et 500 000 francs d’amende. Son étude se trouve depuis décembre 1998 en liquidation judiciaire. Malgré ces démêlés avec la justice, l’ancien commissaire-priseur ne manque pas de sens du rebond. Alors qu’on imagine sa carrière s’achever sur cette note négative, on le retrouve ordonnateur de la vente René Gaffé, puis de la vente Cavalero et enfin, en juin, de la vente Arp. Il a répondu à nos questions.

Deux mois après votre condamnation en 2001, vous dirigez en coulisse la vente René Gaffé. Ont Suivi la dispersion Cavalero et, cette année, la collection Arp (lire p. 21). Votre retour sur le terrain des ventes publiques ne manque pas d’étonner...
Cet étonnement m’étonne. Je vis dans le monde de l’art depuis plus de quarante ans. C’est mon métier. Les circonstances m’ont amené à m’occuper de ces ventes. Mme Gaffé, décédée en septembre 2000, m’avait désigné dans son testament pour diriger les ventes de ses collections après son décès. J’ai pu le faire malgré un travail de sape de mes anciens confrères. Les Cavalero sont des amis que j’ai connus dans les années 1950, bien avant de m’établir comme commissaire-priseur. Ils m’avaient confié le tableau le plus important de leur collection, la petite Udnie de Picabia. Le docteur Gubler est aussi un ami de longue date. La vente de la collection Arp était, à l’origine, prévue au printemps 1998, mais à cette époque j’étais “en vacances”, au 42, rue de la Santé. Le docteur Gubler s’est donc adressé à Laurence Calmels et Cyrille Cohen, mais la vente n’a pu se faire en raison de l’opposition de la Fondation Arp. Aujourd’hui, il m’a demandé d’y collaborer.

Plutôt que de reprendre le chemin des enchères, vous auriez pu opter pour le courtage ?
J’ai dirigé quelques opérations de courtage vers la vente publique, mais c’est un autre métier.

Les catalogues des dernières ventes vous présentent en tant que consultant. Que recouvre ce terme ?
Cela recouvre beaucoup de choses dans la mesure où, pour les ventes Gaffé et Cavalero, ma collaboratrice Marie-Laure Amrouche et moi-même avons entièrement rédigé les catalogues. Pour la vente Arp, nous n’avons pas eu à le faire car le catalogue était déjà prêt. J’ai seulement repris un travail de recherche sur les bronzes.

Quel est votre statut, puisque votre étude est en liquidation ?
Fiscalement, je suis retraité. Juridiquement, je suis encore en liquidation judiciaire. Je suis dans une situation particulière, car la liquidation d’une personne non commerçante n’a pas été prévue. Tous les honoraires que je perçois sont adressés à mon mandataire liquidateur. Vraisemblablement, cette affaire se terminera par une extinction du passif dans les mois ou les semestres à venir.

Quels sont les honoraires de vos prestations ?
Ils sont très variables selon l’importance du travail. Il va de soi que je toucherai moins pour la vente Arp que pour celles de Gaffé et des Cavalero. Je ne souhaite pas communiquer leur montant, ni exorbitant, ni ridicule.

Ce sont précisément les honoraires prélevés sur la vente Bourdon qui, entre autres points, avaient été considérés à l’époque comme excessifs.
Considérés par qui ? Le jugement du tribunal correctionnel m’a rendu justice sur tous les points de cette affaire. Le tribunal a jugé et personne d’autre n’a à le faire. Les honoraires dépendent de l’accord que l’on a avec le vendeur.

Vos démêlés judiciaires n’ont-ils pas entamé la confiance des collectionneurs à votre égard ?
Je ne crois pas. Mes anciens clients étaient contents de me revoir. J’ai reçu en prison des centaines de lettres me témoignant de la sympathie. J’avais un fichier de 8 000 personnes, avec lesquelles je continue à entretenir des relations.

Quelles sont vos relations avec vos anciens confrères de la Compagnie parisienne des commissaires-priseurs, dont la responsabilité collective avait été mise en jeu ? Pourquoi avez-vous par ailleurs choisi les sociétés Calmels-Cohen et Artus pour mener à bien les différentes ventes ?
Je n’ai pas plus de rapports avec mes anciens confrères qu’avant. Laurence Calmels, Cyrille Cohen et Daniel Boscher ont été particulièrement chaleureux à mon égard. Laurence et Cyrille sont deux de mes anciens stagiaires, de surcroît spécialisés dans l’art moderne. Il était normal que je les associe à ces ventes. Daniel Boscher a été l’administrateur provisoire de l’étude. Il s’est montré formidable dans ce rôle un peu ingrat.

Entretenez-vous toujours des relations professionnelles avec votre fils Philippe ?
Non, son départ précipité a sabordé l’étude. Je ne compte pas relancer d’affaire familiale.

Des confrères vous ont-ils proposé des associations ?
On me l’a proposé voilà deux ou trois ans, mais j’ai refusé. J’avais reçu des propositions de maisons anglo-saxonnes, mais c’est une chose à laquelle j’aurais pu penser si j’avais trente ans de moins.

Une fois que le passif de votre SCP sera apuré, envisagez-vous de créer une société de ventes volontaires (SVV) ?
L’idée m’a traversé l’esprit, mais sans se constituer en priorité.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°172 du 30 mai 2003, avec le titre suivant : Guy Loudmer : L’art du rebond

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