Les coulisses du stade

Roland-Garros inaugure son musée du tennis, le Tenniseum

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 30 mai 2003 - 817 mots

Inauguré officiellement le 25 mai, entrouvert du 26 mai au 8 juin durant les Internationaux de France, le Tenniseum de Roland-Garros, le nouveau musée du tennis voulu et conçu par la Fédération française de tennis (FFT), sera accessible au grand public à partir du 17 juin. Collection permanente et expositions temporaires s’y côtoieront dans un volume tout de subtilité.

PARIS - Qui donc était Roland Garros ? Un aviateur français, né à la Réunion, qui le premier traversa la Méditerranée en 1913, inventa le procédé de tir à travers l’hélice, et trouva la mort au cours d’un combat aérien durant la Grande Guerre. Ceux que l’“ovalie” passionne savent qu’il fut également un remarquable joueur de rugby. Mais que vient faire un aviateur rugbyman dans l’antre du tennis ? À l’époque glorieuse des “mousquetaires” et de leurs exploits en Coupe Davis, Paris décide de se doter d’un grand stade de tennis. Mais où l’installer ? Ce sera à la porte d’Auteuil, en bordure des admirables grandes serres et à la frontière de Boulogne. Le terrain est déjà occupé, conjointement par le Racing Club et le Stade français. Négociations entreprises, l’accord se fait très vite : le premier partira pour le bois de Boulogne, le second pour le parc de Saint-Cloud. Une seule condition est posée : que le futur stade de tennis porte le nom d’une grande figure du Racing ou du Stade. Condition acceptée. Au sortir de la guerre, la figure du héros stadiste Roland Garros s’impose...

L’essence du sport
Cette histoire-là, parmi des dizaines d’autres, est racontée au Tenniseum, le musée du tennis voulu et conçu par la Fédération française de tennis qui lança un concours en 1997, remporté par l’architecte d’intérieur et designer Bruno Moinard.
Mais voilà, à Garros, il y a crise du logement. On ne sait où installer les nouveaux courts pourtant nécessaires. La solution est donc souterraine. Soit 2 200 m2 de travaux menés par l’architecte de Roland-Garros, et creusés sous l’emprise du court n° 3 et du Pavillon fédéral. L’entrée du Tenniseum se fait par le pavillon du Jardinier, petite maison forestière de style anglo-normand, seule excroissance à l’air libre du musée. La porte passée, la rupture est complète : l’intérieur est entièrement tapissé de bois Mansonia, avec, au sol, de la pierre bouchardée de Tunisie. Et, malgré la rupture, une justesse évidente... L’esprit tennis est là, qui ne cessera plus tout au long de la visite. Jouant essentiellement des matériaux précités alliés au verre, Bruno Moinard a su créer l’ambiance à la fois fraîche et chaleureuse qui sied à une telle entreprise.
Parvenu au pied de l’escalier, s’ouvre une vaste rue intérieure inondée de lumière zénithale provenant d’une grande verrière. À gauche, donnant sur la rue, l’atelier pédagogique et la médiathèque (140 m2), bordés d’un mur en verre blanc insonorisé. À droite, la salle d’exposition permanente (270 m2), où sont présentés objets, pièces rares ou historiques et œuvres d’art qui constituent le fonds du musée ; là, un tulle de maille cuivrée dialogue harmonieusement avec le bois et la pierre.
À l’extrêmité de la rue, la grande salle des expositions temporaires (800 m2, 4 mètres de hauteur sous plafond), également équipée d’une verrière partielle et amovible afin de permettre le passage par le haut des œuvres hors format. Tout au long de la visite, la banque d’accueil, les tables, les sièges, les étagères, tous dessinés par Bruno Moinard, scandent le parcours avec élégance, convivialité et confort.
Et partout, des écrans plasma et des postes multimédia. C’est que le Tenniseum, selon les vœux de son concepteur et directeur Jean-Christophe Piffaut, est un musée où l’image est reine. Certes, Piffaut est à l’origine un documentariste, et il a passé de nombreuses années à Arte. Mais surtout, les archives audiovisuelles de la FFT sont exceptionnelles. Parfaite manière de ressentir ce qui fait l’essence même du sport, le mouvement, le déplacement, la chorégraphie, la temporalité.
D’ailleurs, l’exposition inaugurale, mise en scène par Bruno Moinard (auquel on doit, par ailleurs, les scénographies de la Fondation Cartier, du Musée Rodin, du Musée des arts décoratifs, du Musée de la vie romantique ou encore de la Bibliothèque nationale de France…), s’inscrit idéalement dans la thématique voulue par Piffaut : “Cent objets, cent histoires de tennis”. Où l’on apprendra entre autres, pourquoi lorsqu’il débute le tennis, vers l’âge de dix ans, l’Argentin Guillermo Vilas exige de ses parents une raquette bleue, alors quasiment introuvable : une vingtaine d’années plus tard, il découvrira dans le carton des affaires de sa toute première année, religieusement conservé par sa mère, un émouvant hochet bleu. Cette “madeleine” exprime parfaitement l’idéologie du Tenniseum. Un lieu proche, immédiat, sensible, amical, chaleureux, narratif bien plus que “sacré”. Et dont Bruno Moinard a su parfaitement saisir l’essence.

Tenniseum, stade Roland-Garros, 2 avenue Gordon-Bennett, 75016 Paris, ouvert tous les jours sauf lundi de 10h-18h, tél. 01 47 43 48 48 ; exposition “Cent objets, cent histoires de tennis�?.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°172 du 30 mai 2003, avec le titre suivant : Les coulisses du stade

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