Jean-Jacques Aillagon : "La remise en cause d’un système"

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 13 juin 2003 - 759 mots

Après la communication en Conseil des ministres de Jean-Jacques Aillagon sur la réforme des musées nationaux le 4 juin, le ministre de la Culture a répondu à nos questions sur l’un de ses volets, à savoir les changements de missions, d’organisation et de financements de la Réunion des musées nationaux.

Vous avez présenté en Conseil des ministres une réforme concernant la Réunion des musées nationaux. Cette structure était l’outil de mutualisation des musées français. S’agit-il d’une remise en cause de ce principe ?
Je dirais plutôt que c’est une étape majeure dans la remise en cause d’un système en vertu duquel le produit du droit d’entrée des trente-trois musées nationaux, centralisé par la RMN, est redistribué à l’ensemble de ces musées, à travers le financement des acquisitions d’œuvres. Depuis janvier, le Louvre et Versailles conservent la totalité de leur droit d’entrée. Orsay et Guimet, qui vont devenir eux aussi établissements publics en janvier 2004, feront de même, et ces quatre musées se verront dotés chacun de leur propre commission d’acquisitions. L’ancien système subsiste cependant pour les autres musées nationaux, et la RMN se voit confirmée dans ses métiers fondamentaux d’éditeur et de diffuseur des musées nationaux, ainsi que d’organisateur majeur des expositions nationales.

Les musées nationaux semblent désormais se partager en deux catégories : d’une part, les grands établissements d’Île-de-France qui bénéficient d’une autonomie forte et d’importantes recettes propres ; d’autre part, les musées nationaux plus modestes, répartis sur l’ensemble du territoire et placés sous la tutelle de la direction des Musées de France. Ne craigniez-vous pas que la réforme de la RMN ne crée un système à deux vitesses ?
Il est un fait que les grands musées, qui reçoivent le plus de public, sont concentrés sur Paris et l’Île-de-France. Mais le mouvement d’autonomisation peut, le cas échéant – cela est encore à étudier –, se poursuivre par la transformation en établissements publics d’autres musées nationaux. Cependant, je considère que la Réunion des musées nationaux peut, dans l’immédiat, continuer à assurer, d’une manière efficace, ses fonctions à leur égard. Pour ce qui concerne les moyens d’acquisition, l’État veillera à ce qu’aucun musée ne soit pénalisé par la réforme.

Le Louvre, Orsay et Guimet ne contribuant plus au financement de la RMN, de quel montant sera la subvention que lui versera l’État et sur quelles bases a-t-elle été calculée ?
Le montant de la subvention n’est pas encore fixé. L’État procédera à une opération de “vases communicants” : au moment où la subvention reçue par la RMN sera accrue, la subvention de l’État aux établissements publics sera diminuée à due concurrence puisque ceux-ci encaisseront directement leurs recettes de billetterie. L’apport essentiel de la réforme sur ce point tient à la clarification qu’elle permet. La RMN remplit des missions de service public, en contrepartie de quoi il est légitime qu’elle reçoive une subvention directe de l’État. Les grands musées récupèreront de leur côté la totalité de leurs recettes de billetterie.

Quelles seront, pour la RMN, les premières conséquences de cette réforme en termes de missions, de financements et d’effectifs ?
La RMN va pouvoir conforter ses grands métiers d’organisateur national d’expositions, d’éditeur et de diffuseur de tous les musées nationaux ; elle continuera de prendre en charge les prestations antérieures, mais pour un coût de gestion plus raisonnable, qu’elle assumait pour les musées nationaux non transformés en établissements publics. Les personnels de la RMN travaillant actuellement exclusivement pour les deux nouveaux établissements publics dans les fonctions d’accueil, de perception du droit d’entrée ou d’administration, rejoindront les effectifs de ces deux musées nationaux. Ainsi la RMN réduira-t-elle, du simple fait de ces transferts – de l’ordre de 10 % de ses effectifs –, sa masse salariale. Ses frais de gestion devraient également diminuer.

En quoi cette réforme peut-elle endiguer le déficit chronique de la RMN ?
En termes de moyens, grâce à la subvention versée par l’État au titre du financement de ses activités de service public, la RMN sera moins exposée aux effets de la conjoncture et devrait donc travailler sur des bases plus solides. Mais le rétablissement de ses marges financières dépend du travail de réorganisation interne en cours, qui tient compte de la redéfinition des métiers de l’ÉPIC (établissement public industriel et commercial) et des conclusions de différents contrôles externes et audits internes commandés depuis deux ans. Bien que ce travail s’effectue dans une conjoncture économique peu favorable, et sans que les effets induits par les événements internationaux de l’automne 2001 aient été encore complètement effacés, je suis confiant dans les atouts et les capacités d’évolution de la Réunion des musées nationaux.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°173 du 13 juin 2003, avec le titre suivant : Jean-Jacques Aillagon : "La remise en cause d’un système"

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