Home sweet home

Matali Crasset expose sa maison à Hornu

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 27 juin 2003 - 769 mots

Produite, fin 2002, par le Musée de design et d’arts appliqués contemporains de Lausanne, l’exposition itinérante “Un pas de côté, 1991-2002 “ a été reprise en mars par le Victoria & Albert Museum de Londres sous l’intitulé “Unpacking Design”?. Cette première rétrospective sur la designer française Matali Crasset occupe cette fois, dans une version augmentée, plusieurs salles du site du Grand-Hornu, en Belgique. Titre de ce troisième opus : “Home Made”? (Fait maison).

C’est un lieu majestueux qui accueille l’exposition itinérante de la designer française Matali Crasset : le site du Grand-Hornu, non loin de Mons (Belgique), ancienne houillère du XIXe siècle transformée depuis l’an passé en vaste pôle culturel et musée des arts contemporains (lire le JdA n° 153, 30 août 2002). Baptisée “Home Made”, cette première rétrospective est ici répartie dans plusieurs salles : l’atrium, la lampisterie et le magasin aux foins. Le ton est donné dès l’entrée par une chaise-caméléon de couleur bleue : la Decompression Chair (2000). En quelques secondes, grâce à une extension gonflable, le frêle siège en hêtre se métamorphose en un imposant fauteuil club. À l’étage, sous les voûtes de briques oblongues de la lampisterie, la designer a planté Casaderme, la maison qui respire, une installation réalisée en 2002 pour un salon de mode masculine à Florence. Cet étrange tunnel de textile élastique jaune citron est truffé de multiples bras qui, selon les situations, deviennent lampe, siège ou porte-vêtements. Une volée de marches plus haut, dans l’atrium, est déployé, entre quatre maigres colonnes métalliques, le Pop up Space (2002), simple disque de bois astucieusement découpé qui, lorsque qu’on le relève par le centre, se transforme en “igloo d’intérieur” ajouré, d’une hauteur de 2,30 mètres. Mais la partie la plus importante de l’exposition se situe dans le magasin aux foins, longue salle de briques blanchies à la fine charpente de bois, où Matali Crasset a réuni moult créations de ces douze dernières années. Hormis une utilisation abusive de vocables anglais – l’espace dédié au bureau s’appelle Home Flat, celui pour le jardin Home Pack… Est-ce vraiment inévitable pour satisfaire à une carrière internationale ? –, la scénographie est placée sous le signe de l’humour. Ainsi, la maison In-Outside Home fait penser à celle de Mon oncle de Tati : en un tour de main, la cheminée d’intérieur devient barbecue d’extérieur. Idem pour la table Tray & Shelves (2003), dont les plateaux amovibles se transforment en étagères murales.

Un monde profondément optimiste
On pourrait évidemment décortiquer les objets un à un, et il y en a à foison. Or cette exposition est davantage l’occasion de regarder un travail dans sa globalité. À l’évidence, Matali Crasset possède une acuité des rituels du quotidien, imaginant des objets dont l’usage est immédiat. “Matali rend familier ce qui ne l’est pas, estime l’ethnologue Emmanuelle Lallement. Elle invente des nouveaux rites, comme celui de faire la sieste quelques minutes au bureau, grâce au tabouret-lit Téo de 2 à 3 (1999). Elle crée des objets qui rendent possibles ces micromoments, ce qui nous oblige à revoir nos comportements afin de redevenir maîtres de notre quotidien.” Le monde de Matali est profondément optimiste. Même si, parfois, certains meubles apparaissent raides, voire balourds, tels les fauteuils du récent hôtel Hi, à Nice. Les installations, en revanche, sont impeccables. Pas étonnant qu’elle ait été choisie par Germano Celant, le commissaire de l’exposition “Super Warhol” (lire p. 10), à Monaco, pour en réaliser la scénographie. Il y a de la générosité chez Matali Crasset. Dans le magasin aux foins, une “yourte” en bois découpé n’a pu être concrétisée que “grâce à l’habileté des menuisiers du Grand-Hornu”, souligne la designer, s’escrimant à afficher coûte que coûte l’importance de la fabrication dans le processus de création. Pour elle, le design est tout sauf un acte solitaire. D’ailleurs, sur les cartels sont toujours cités les noms de ceux qui ont pris part à la réalisation des objets. Au contraire de tant de designers désespérément muets au moment de commenter leur travail, Matali Crasset, elle, n’économise pas ses mots lorsqu’il s’agit d’expliquer le sien. Et quand son fils Arto, pas même deux mois le jour du vernissage, a faim, elle s’isole quelques minutes dans le tunnel jaune de la Casaderme, le temps de l’allaiter. Avant de poursuivre la visite, naturellement.

HOME MADE

Jusqu’au 31 août, Le Grand-Hornu, 82 rue Sainte-Louise, 7301 Hornu, Belgique, tlj sauf lundi, 10h-18h, tél. 32 65 65 21 21, cat., “Imagier n° 2”?, www.grand-hornu.be Et aussi, sortie de Hometrack 01/02, de Matali Crasset, “DVD’ART”?, collection d’œuvres d’art en DVD conçues par les artistes, éd. ill., 50 euros, éd. art-netart, tél. 01 56 53 54 48, info@art-netart.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°174 du 27 juin 2003, avec le titre suivant : Home sweet home

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