Premier bilan pour Bergé

La SVV Bergé et associés termine une saison en dents de scie

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 29 août 2003 - 865 mots

La SVV Bergé et associés laisse un goût pour le moment mitigé. Lancée en avril 2002, cette société de ventes volontaires, dont les premiers coups de marteau sont tombés en octobre de la même année, promettait pourtant des perspectives plus enjouées. Quatre commissaires-priseurs complémentaires, une logique d’entreprise inhabituelle dans les arcanes de Drouot, un investissement important en communication... toutes les bonnes fées semblaient réunies. Pourtant, les résultats d’une saison d’exercice ne semblent pas à la mesure de l’investissement : ventes peu étoffées, catalogues luxueux mais au lustre inadapté à une marchandise de moyenne gamme. Mais malgré une saison en dents de scie, la direction se déclare confiante.

PARIS - “Lumière, beauté, espace : tout cela se trouve au 12, rue Drouot, la maison de ventes aux enchères de Pierre Bergé & associés. Un travail d’architecte exceptionnel, inspiré par l’art, le design, le graphisme, invente sur mesure le cadre idéal à cette nouvelle aventure. Chaque objet y trouve sa noblesse, son âme. Ce n’est pas la moindre éclosion de ce printemps exubérant.” Cette prose hyperbolique, que ne désavouerait pas le magazine de Jacques Tajan, L’Optimiste, émane du deuxième numéro de la revue trimestrielle publiée par la maison de ventes Bergé & associés. Ce lyrisme semble incongru puisque, au terme d’une saison d’activité, la société ne peut s’enorgueillir de ventes exceptionnelles. Pourtant, l’addition des carnets d’adresses des commissaires-priseurs, la manne financière de Pierre Bergé – qui n’a pas hésité à investir sur le plan immobilier (1 million d’euros) et en termes de communication, sans par ailleurs faire preuve de dirigisme –, laissaient présager le meilleur. Pris individuellement, les commissaires-priseurs comptent dans leurs annales des ventes importantes. Spécialisé dans les arts décoratifs du XVIIIe siècle, Raymond de Nicolay a orchestré des vacations prestigieuses, même si la source a nettement tari ces dernières années. Bibliophile averti, Éric Buffetaud a dirigé de main de maître la dispersion des collections Dubourg de Beausace, Sicklès, Paul-Louis Weiller… Quant au benjamin de l’association, Frédéric Chambre, il est à l’origine des ventes de bijoux organisées avec Laurence Calmels et Cyrille Cohen du temps de leur association. “Il n’y a pas de décalage entre les ventes sous l’enseigne Bergé et celles faites auparavant séparément par chaque commissaire-priseur. Il y a eu certainement une petite déperdition de la clientèle vendeuse. Il faut un peu de temps pour que les clients prennent le chemin du 12, rue Drouot. Avant, chaque commissaire-priseur avait un rapport privilégié, alors qu’on s’achemine vers un modèle comme Tajan ou Christie’s”, estime Olivier Ségot, directeur général de la société.
Les motivations des commissaires-priseurs, qui ont signé un contrat pour cinq ans, étaient sans doute hétérogènes. Une véritable cohésion n’est pas encore apparue dans cette affaire qui ressemble plus à une juxtaposition d’études qu’à une fusion de compétences. La vente de tableaux modernes de décembre 2002, qui aurait pu donner ses galons à la maison, a été un échec. Les lots phares, notamment plusieurs Van Dongen et un Fernand Léger, n’ont pas trouvé preneurs. À leur décharge, il est vrai que, par temps de crise, les ventes d’art moderne de toutes les sociétés sont plus difficiles. Les ventes de photographies sont davantage plébiscitées – à l’exception notable de celle consacrée à David Hamilton – de même que celle de bijoux organisée le 13 mai à Genève. À cette occasion, la société a obtenu 2,4 millions de francs suisses (1,55 millions d’euros), soit un peu plus que Tajan le 11 février à Gstaad (1,1 millions euros). Cette première tentative suisse est appréciable, mais reste éloignée des 11,7 millions de francs suisses (7,57 millions d’euros) enregistrés par Christie’s à Genève le 19 février. Les ventes de bibliophilie ont aussi été relativement moyennes, malgré le produit de 628 080 euros relevé en juin. Beaucoup d’observateurs murmurent que le statut de salarié n’insuffle pas suffisamment de mordant aux anciens officiers ministériels...
Bergé et associés ne renonce pas pour autant à sa stratégie. “Nous cherchons à installer une marque qui soit assimilée à long terme. Nous avons une stratégie de communication sur deux à trois ans. Il était hors de question que nous fassions une vente plus prestigieuse que celles que nous avons faites, mais nous avons sur le feu de belles ventes pour décembre prochain. Si on suit nos objectifs chiffrés, on devrait être bénéficiaire cette année. On s’est fixé comme objectif d’acquérir une notoriété et d’arriver d’ici à fin 2004 à une rentabilité normale, autour de 10 %”, affirme Olivier Ségot. La société, qui compte une vingtaine de salariés, escompte “raisonnablement” un chiffre d’affaires situé entre 20 et 30 millions d’euros pour 2003. Une prévision optimiste quand les résultats de janvier à juillet sont sensiblement inférieurs à 8 millions d’euros.
De son côté, Pierre Bergé tire un bilan “sympathique et agréable” : “Je suis content de notre vente de bijoux à Genève, où il existe une grande concurrence et où pourtant nous avons réussi à prendre pied. Nous venons de passer une mauvaise période économique. Je ne suis pas le moins du monde inquiet. C’est une affaire qui ne me coûte pas d’argent.” Malgré cette satisfaction, Bergé et associés devra se mesurer à la concurrence de petites structures qui, à l’image des Beaussant-Lefèvre, tracent fermement leur sillon.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Premier bilan pour Bergé

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