L’automne du Pavillon

Le salon aura valeur de test pour le marché

Le Journal des Arts

Le 29 août 2003 - 1009 mots

Alors que le marché de l’art vit plutôt au ralenti depuis plusieurs mois, c’est un véritable test qui attend les quelque soixante-cinq exposants du 7e Pavillon des antiquaires et des beaux-arts. Sa tenue a été décalée entre le 20 et le 28 septembre pour éviter de se retrouver en concurrence avec le Salon du collectionneur, organisé par le Syndicat national des antiquaires dix jours plus tôt et qui lui vole incontestablement la vedette. Les collectionneurs seront-ils encore là pour le Pavillon ?

Cette première édition automnale du Pavillon des antiquaires et des beaux-arts arrive à un moment où les professionnels subissent une crise profonde et persistante deux ans après les attentats du 11 Septembre. Nonobstant la participation de galeries aussi prestigieuses que Aveline, Jean-Luc Baroni Ltd, Bellier, Cazeau-La Béraudière, De Jonckheere, Fabius, Yves Gastou, Hopkins-Custot, Étienne Levy, Perrin, Segoura, Vanderven & Vanderven ou Tamenaga, ce salon risque de demeurer dans l’ombre du Salon du collectionneur, plus largement plébiscité par les professionnels avec plus de cent participants contre une soixantaine seulement.
L’édition du printemps 2003 organisée dans le cadre des jardins des Tuileries avait cependant attiré plus de 40 000 visiteurs, et surtout permis de sauver de nombreux exposants inquiets de voir leurs galeries désertées. Comme le signale Yves Gastou, spécialiste du XXe siècle : “Délaissant les galeries, les gros acheteurs éprouvent désormais le besoin de plonger dans l’ambiance d’une vente publique ou d’un grand salon international en adoptant une attitude très show-off, les poussant à des duels avec des rivaux et les forçant ainsi à surpayer une marchandise de qualité qui se révèle chez nous moins onéreuse.” L’antiquaire a fait ainsi le pari de présenter des pièces très abordables des années 1940, 1950 et 1970 comme du mobilier en acier ou en Altuglas, des luminaires spectaculaires, des meubles de l’Atelier A, de la galerie Lacloche, des œuvres d’Arbus, de Gilbert Poillerat ou encore de créateurs italiens . “Ma pièce la plus spectaculaire devrait être une console en acier faite pour Armani dans les années 1970.”
Pour Emmanuel Moatti, devenu spécialiste de la peinture ancienne en 1988 après un passage obligé à l’Institut Courtauld de Londres, “le Pavillon des antiquaires [lui] permettra certainement de trouver de nouveaux débouchés”. Cofondateur du Salon du dessin, cet amoureux de la peinture maniériste et collectionneur de photographies modernes et contemporaines, notamment des tirages d’Andres Serrano, admet que la grande difficulté que rencontrent les marchands en temps de crise est de persuader des collectionneurs de se séparer de pièces intéressantes, ceux-ci préférant en ces temps d’incertitude les garder. Le marchand misera avant tout sur des œuvres de peintres français des XVIIe et XVIIIe siècles, encore très abordables pour une clientèle composée en majorité de Français. À l’opposé de certains de ses confrères spécialisés dans l’art moderne, Emmanuel Moatti ne craint pas la concurrence des salles de ventes, où les enchères pour les tableaux anciens dépendent souvent des connaissances des acheteurs. Toutefois, un salon comme le Pavillon des antiquaires conserve toute son importance lorsqu’il s’agit de vendre. Le galeriste reconnaît néanmoins que la clientèle a changé de profil, et que les collectionneurs issus des milieux médicaux ou intellectuels ont été supplantés depuis belle lurette par des amateurs appartenant pour la plupart au monde de la finance.

Objets séduisants à prix attractifs
Digne et unique représentant des arts primitifs, Bernard Dulon attend avec impatience de voir si l’immobilisme du mois de juin, causé par une série de mouvements sociaux à Paris, peut apparaître comme un mauvais souvenir. “Si ce salon ne marche pas, nous serons alors forcés de nous poser des questions sur l’avenir de la profession”, a-t-il déclaré, faussement inquiet cependant. “La raréfaction de la bonne marchandise est un problème patent qui fait qu’il est désormais impossible d’acquérir une belle statuette fétiche à clous du Zaïre ou une splendide statue Fang du Gabon pour moins de 300 000 euros, mais il est utile de rappeler que l’Afrique a 3 000 ans d’histoire derrière elle et que ce continent recèle encore de nombreux trésors à découvrir. C’est ce que je m’attacherai à démontrer au Pavillon des antiquaires en présentant des objets séduisants à des prix attractifs”, a-t-il indiqué à propos de sa sélection d’objets nouveaux d’Éthiopie ou du Zaïre jamais montrés en galerie.
Pour sa part, Floris Van der Ven, spécialiste hollandais de l’art chinois, est avant tout désireux de voir les choses bouger à Paris dans l’attente de l’incontournable Biennale des antiquaires. Il souhaiterait que les responsables du SNA (Syndicat national des antiquaires) opérent une véritable révolution en décidant d’organiser la Biennale tous les ans pour redonner à Paris son lustre de naguère. “En tant qu’étrangers, nous estimons qu’il est important pour nous d’être présents à Paris tous les ans. Il est important de maintenir le contact avec ses clients”, a-t-il fait remarquer. En réalité, la situation économique n’affecte guère un marchand de l’envergure de Van der Ven, qui s’attache essentiellement à ne vendre que des pièces rares et chères. “Les gens aisés sont en fait dans une position privilégiée en temps de crise, car ils ont encore pas mal de liquidités à leur disposition pour acheter des pièces exceptionnelles dont les prix ne cessent de monter. Nous avons eu un bilan excellent à l’issue de la Foire de Maastricht en mars comme à celle de Londres en juin, et il nous suffira de faire plaisir à six ou sept acheteurs pour rencontrer le succès à Paris”, s’est-il enorgueilli. Fort d’une expérience de plus d’une trentaine d’années, Van der Ven proposera de la porcelaine chinoise de la “famille verte” et des poteries Tang exceptionnelles, notamment une paire de chameaux qui sera affichée à 200 000 euros. Bref, le Pavillon des antiquaires constituera un test important pour le marché de l’art à l’occasion de cette rentrée de septembre, que certains professionnels appréhendent néanmoins avec une certaine angoisse.

7e Pavillon des antiquaires et des beaux-arts

Du 20 au 28 septembre, jardin des Tuileries (face au 234 rue de Rivoli), 75001 Paris, tél. 01 53 30 85 20, tlj 11h-20h, 14h-20h le samedi, nocturnes jusqu’à 22 heures mardi et jeudi.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : L’automne du Pavillon

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