Un athlète grec sauvé des eaux croates

Découverte en 1997, la statue en bronze vient d’être restaurée sans encore livrer les secrets de son attribution

Le Journal des Arts

Le 29 août 2003 - 521 mots

Une statue antique en bronze d’un athlète, découverte en mer Adriatique il y a quatre ans, vient de quitter l’Institut croate de restauration à Zagreb. D’abord attribuée au sculpteur grec Lysippe, les doutes subsistent quant à son attribution et à sa nature : original du IVe siècle avant J.-C. ou copie romaine ?

ZAGREB - Repérée par un touriste belge en 1997, une sculpture antique gisait dans les profondeurs au large de la petite île croate d’Orjula. Une équipe du département d’archéologie sous-marine du ministère de la Culture croate l’a récupérée deux ans après sa découverte, et a entrepris des recherches puis sa restauration avec l’aide d’experts de l’Opificio delle Pietre Dure de Florence. Si la sculpture présentait de sérieux dommages lors de sa découverte – le pied droit, la base et la tête étaient partiellement arrachés –, le travail mené à l’Institut croate de restauration de Zagreb a permis une reconstitution des pièces, révélant ainsi la véritable posture du personnage.
Le doute subsiste quant à l’origine de l’œuvre : s’agit-il du chef- d’œuvre du sculpteur grec Lysippe, datant du IVe siècle avant J.-C., ou d’une simple copie romaine ? Selon les premières analyses, la statue aurait coulé à la suite d’un naufrage le long d’une route de cabotage au Ier siècle après J.-C. La datation au carbone 14 sur un morceau de bois prélevé à l’intérieur de la sculpture indique que l’alliage dont elle est en partie constituée date du IVe siècle avant J.-C. Une datation exacte sera réalisée grâce à l’examen comparatif de la sculpture avec une statue analogue, aujourd’hui dans les collections du Kunsthistorisches Museum de Vienne. En effet, l’œuvre présente des caractéristiques identiques à celles d’une sculpture trouvée lors de fouilles autrichiennes à Ephèse en 1896, et dont les 200 morceaux avaient pu être assemblés grâce à plusieurs équipes d’experts.
Le bronze de Vienne a conservé l’empreinte de chevilles – habituellement fixées sur une pièce originale de manière à effacer les irrégularités provoquées par le moulage –, qui démontre que la statue autrichienne est une copie exécutée dans l’Antiquité. Si le bronze croate présente ces mêmes empreintes, il s’agira alors d’une reproduction sérielle, pas nécessairement de l’ère romaine, car cette pratique existait déjà au temps de Lisistrate, frère de Lysippe. À l’inverse, si la statue ne comporte aucune empreinte, alors il pourrait s’agir, selon toute vraisemblance, de l’œuvre originale dont la statue de Vienne serait une copie.
L’athlète croate présente des similitudes avec l’Apoxyomène décrit dans l’ancien catalogue des objets provenant de Sicyone, la ville de Lysippe, et connu aujourd’hui par des copies en marbre au Vatican et à Side, en Turquie. L’attribution au sculpteur grec Lysippe de la statue croate semble toutefois erronée. En effet, son chef-d’œuvre l’Apoxyomène représente un athlète se servant d’un strigile pour racler l’huile de son corps. Or les dernières recherches ont révélé que la posture des statues croate et viennoise n’était pas celle du fameux Apoxyomène, mais bien celle d’un athlète qui a terminé de se nettoyer et fait courir son pouce gauche le long du strigile pour en éliminer le sable et l’huile dont les lutteurs s’oignaient avant le combat.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Un athlète grec sauvé des eaux croates

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