La vente Breton bouscule les hiérarchies

Bon semestre parisien pour les ventes publiques marquées par des ventes exceptionnelles

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 12 septembre 2003 - 777 mots

La saison parisienne, ponctuée par quelques ventes remarquables, a permis au marché de l’art français d’affirmer un peu plus sa place sur la scène internationale grâce à la vente Breton, unique en son genre, qui marquera à jamais les annales de Drouot. Cette vente a profondément modifié la hiérarchie des maisons de ventes ce semestre : Tajan a été détrônée par Calmels-Cohen, mais aussi distancée par Christie’s et Artcurial, qui ont bénéficié des bons résultats des ventes d’automobiles. En retrait, Sotheby’s a décidé de privilégier à Paris le second semestre.

PARIS - Après un lent démarrage, le bilan semestriel des ventes à Paris a finalement été concluant. L’événement majeur reste bien sûr la dispersion de l’atelier Breton à Drouot,  avec 46 millions d’euros de produits vendus. L’hôtel des ventes fanfaronne, avec un chiffre d’affaires de 215 millions d’euros, soit une progression du produit des ventes sur l’ensemble de ses deux sites (Drouot-Richelieu et Drouot-Montaigne) de 12 % pour le premier semestre 2003 par rapport à 2002. Cependant, la vente Breton est l’arbre qui cache la forêt et, sans cette vacation qui revêt un caractère exceptionnel, l’hôtel Drouot aurait frôlé une baisse de 10 %. Le temple parisien des enchères souffre d’une demande faible et d’une offre médiocre dans la conjoncture actuelle. La marchandise moyen de gamme, le lot quotidien à Drouot, ne trouve pas preneur. Les professionnels s’en défient. Ils manquent de clientèle pour ces pièces. Quelques commissaires-priseurs se font sans doute des cheveux blancs...
En revanche, pour les objets d’art d’une grande valeur et rareté, les acheteurs répondent présents quel que soit le lieu de vente. Sur les 24 enchères de plus de 500 000 euros (dont 13 à plus de 1 million d’euros), 17 ont été enregistrées à Drouot (dont 8 pour la vente Breton et 3 pour la vacation Arp), et ce, dans toutes les spécialités (tableaux, mobilier, sculptures, bijoux, archéologie...). La concurrence entre les maisons de ventes s’est donc accrue. La SAS Calmels-Cohen, qui a mené tambour battant les vacations Breton et Arp (l’autre événement du semestre avec 10,3 millions d’euros), s’en tire excellemment bien avec 57,6 millions d’euros de produit de ventes en un semestre, soit 4 fois son chiffre d’affaires annuel 2002. Affichant 37,1 millions d’euros, la SVV Tajan a maintenu son niveau de 2002, qui était en baisse par rapport à 2001. Sa plus belle réussite de la saison reste la vente de la bibliothèque François Ragazzoni qui, avec six enchères comprises entre 250 000 et 400 000 euros, a cumulé un total de 6,3 millions d’euros. Christie’s et les trois marteaux d’Artcurial se sont lancés dans une compétition plutôt féroce. La première indique un chiffre de 41,2 millions d’euros, soit une hausse de 13 % de ses ventes à Paris. “Le marché parisien est porteur et actif”, a indiqué son dirigeant français François Curiel, qui explique la croissance de Christie’s sur cette place par “l’attrait de la nouveauté”. Après tout, Christie’s vend à Paris depuis moins de deux ans. Son créneau demeure les dispersions de collections particulières, qui, ayant doublé ce semestre, représentent la moitié de son chiffre d’affaires. Également investie dans le secteur de l’automobile de collection, Christie’s a organisé le 8 février une vente au salon Rétromobile, qui a rapporté quelque 6 millions d’euros (une somme incluse dans son bilan semestriel).
Pour Artcurial aussi, les belles carrosseries ont pesé lourd dans la balance : 11,7 millions d’euros sur les 37,2 annoncés pour le semestre. La maison de ventes note pour le semestre 2003 une progression de 20 % de ses ventes comparativement à l’an passé. Leader français dans le secteur de l’art moderne et contemporain, Artcurial-Briest-Poulain-Le Fur a pourtant attiré ses plus beaux lots tardivement, la clientèle hésitant à vendre en ce début d’année marquée par le conflit en Irak. Lors de la dernière semaine de juin, une série de ventes de prestige lui a permis d’emmagasiner 17 millions d’euros. Sotheby’s ne semble pas s’inquiéter outre mesure de ses 11 ventes parisiennes du semestre qui n’ont totalisé que 17,2 millions d’euros. L’auctioneer, qui a démarré sa saison plus tard que ses concurrents, se dit satisfait d’avoir marqué des points dans le domaine de l’Art déco en dispersant avec succès le 15 mai la prestigieuse collection Karl Lagerfeld pour 6,9 millions d’euros. Ensuite, Sotheby’s avoue avoir chargé son programme des ventes sur le second semestre, lequel promet quelques réjouissances. Le véritable bilan est donc pour la fin de l’année. Drouot nous réserve-t-il d’autres surprises pour cette rentrée ? La vente Breton lui laisse une marge confortable de 12 % de hausse sur le premier semestre, mais il ne faudrait pas que l’hôtel des ventes s’endorme sur ses lauriers.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°176 du 12 septembre 2003, avec le titre suivant : La vente Breton bouscule les hiérarchies

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