La Fiac souffle ses trente bougies porte de Versailles

Avec 175 galeries, la foire parisienne reste un événement incontournable

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 26 septembre 2003 - 1529 mots

Trentenaire, la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) annonce pour 2003 une édition confirmant les orientations prises ces dernières années par le salon parisien : un secteur contemporain qui ne cesse de gagner de la place sur l’art moderne, et une volonté d’internationalisation. Ainsi, si quelques galeries étrangères présentes l’an passé ont fait faux bond, d’autres, parfois plus jeunes, les remplacent. Avec 175 galeries et malgré la concurrence cette année de la nouvelle foire de Londres, Frieze (lire p. 20), la FIAC continue d’exercer son attrait auprès des amateurs et du grand public.

Comme toutes les foires, la FIAC est une affaire de chiffres : pour 2003, 175 galeries dont 85 françaises et 89 issues de 22 pays. Oubliant 2002 et une large participation américaine qui n’a pas été reconduite, cette édition se console donc en se faisant l’apôtre de la diversité, accueillant le Canada (Artcore, Toronto), Cuba (galerie La Casona, La Havane), le Japon (Mizuma Art Tokyo) ou, sous des latitudes plus proches, le Luxembourg avec la galerie Alimentation générale. Ouverte en 2001 et accompagnant une génération qui a réinvesti la peinture dans toutes ses dimensions, abstraites (les géométries de Jens Wolf) ou figuratives (les architectures de Jan Stieding ou l’iconographie urbaine de Wawrzyniec Tokarski), cette dernière enseigne situe son activité et ses choix à la jonction de l’Allemagne, de la Belgique et de la France. Après Art Brussels et la Liste (Bâle) cette année, Alimentation générale ne pouvait donc pas ignorer la FIAC. “La proximité avec le Luxembourg est importante, note Alex Reding, cofondateur de la galerie avec Véronique Nosbaum. C’est valable pour la FIAC comme pour Cologne et Bruxelles. Faire des foires permet de fidéliser notre clientèle et de se montrer dans une sélection internationale. Au Luxembourg, nous sommes dans une situation provinciale et ce type de rendez-vous est essentiel. Ensuite, par rapport à Paris, il y a des artistes français que je souhaite défendre.” Outre ceux cités plus haut, leur stand sera donc aussi l’occasion de voir les dessins de Damien Deroubaix. C’est par le biais de la galerie Mário Sequeira que le Portugal fait son entrée à la FIAC. “Habituellement, je participe à la foire de Cologne, mais cette année j’ai choisi la FIAC”, explique Mário Sequeira, qui voit dans la foire l’occasion de contacts français et européens. Remarquée lors des dernières éditions d’ARCO, la foire de Madrid, la galerie installée à Braga, dans le nord du pays, se distingue par une programmation alliant grands noms internationaux (Alex Katz, Francesco Clemente, Richard Long…), artistes confirmés issus de la scène nationale (Helena Almeida, João Penalva, Pedro Cabrita Reis) et jeunes (Luís Coquenão, Natacha Marques). “Les collectionneurs portugais sont habituellement versés dans les artistes du pays, estime le galeriste. Toutefois, le marché s’est largement développé ces dernières années et un public jeune est apparu.”

Un lieu où la communication peut l’emporter sur la vente
Autre nouvelle venue, la galerie Catherine Bastide, installée à Bruxelles, offrira des travaux de Janaina Tschäpe et de Catherine Sullivan, cette dernière étant invitée par ailleurs à la Biennale de Lyon. “L’année est favorable pour montrer le travail que j’ai mené ces trois dernières années et poursuivre celui que j’ai entrepris avec des acteurs français”, estime Catherine Bastide.
Pour la France, la FIAC est devenue la vitrine et le rendez-vous incontournable de la création contemporaine. Après avoir fait “stand commun” avec son collègue new-yorkais Leo Koenig, Michael Janssen (Cologne) est revenu avec une large sélection d’artistes : le Japonais Yoshitaka Amano, dont les dessins au style manga ont déjà séduit le public de la foire, mais aussi le Portoricain Enoc Perez, la Californienne Kristin Calabrese, l’Anglais Paul Morrisson ou l’Allemand Thomas Grünfeld et ses animaux hybrides. “Cela ne sert à rien de venir seulement une fois. Pour être présent sur le marché, nous devons nous inscrire dans une continuité, explique le galeriste. La FIAC nous permet de rencontrer aussi bien des collectionneurs que des commissaires d’exposition et des directeurs d’institutions.” Codirectrice de la galerie & : gb agency (Paris) avec Nathalie Boutin, Solène Guillier observe un mouvement comparable. “La FIAC est une foire bonne commercialement, mais elle décide aussi beaucoup de conservateurs, d’où l’intérêt pour nous d’y montrer des projets de jeunes artistes.” Pour la deuxième année consécutive, la galerie jouera donc la carte du one-man-show, alternant une présentation de peintures et sculptures d’Alban Hajdinaj avec des maquettes et collages de Pia Rönicke, jeune Danoise montrée cet été à Paris dans le cadre de l’exposition “GNS” au Palais de Tokyo. Dans le secteur “Perspectives”, consacré aux jeunes galeries, d’autres optent pour une stratégie comparable. La Dvir Gallery de Tel Aviv offre ses cimaises aux tirages de Pavel Wolberg, engagé dans la représentation de la société israélienne contemporaine ; Finesilver (San Antonio, États-Unis) présente des photographies de Chuck Ramirez, tandis que la galerie Loevenbruck (Paris) offre son espace à Alain Declercq, artiste passé maître dans la manipulation et la paranoïa sécuritaire. La formule monographique fait aussi des émules dans toutes les allées. On notera Kristina Solomoukha chez Martine et Thibault de La Châtre (Paris) et Bruno Gironcoli chez E. & K. Thoman (Innsbruck), pendant que Roger Pailhas (Marseille) expose Marie Bovo, Flatland (Utrecht) Erwin Olaf, et que Claude Bernard et Thessa Herold (Paris) réalisent des accrochages respectivement de Raoul Ubac et de Roberto Matta. “Nous proposons cette année un ensemble d’œuvres peintes par Hervé Télémaque dans les années 1960-1970, après son retour de New York. La formule de la monographie est la plus lisible qui soit, explique Patrick Bongers, directeur de la galerie Louis Carré & Cie (Paris). Pour la FIAC, nous espérons 100 000 visiteurs ; il s’agit donc pour nous de montrer l’image de la galerie.” Car, d’après le galeriste, la FIAC est un lieu où la communication peut l’emporter sur la vente. “Une bonne FIAC est celle qui réussit un équilibre entre des galeries modernes ou contemporaines ‘classiques’ faisant un travail à long terme, d’autres exclusivement là pour faire des affaires, et des avant-gardistes qui défendent avec conviction la jeune création.”

La qualité prime dans la sélection
Mais, à côté de la répartition entre secteur moderne et secteur contemporain, qui a vu – sens de l’histoire oblige – le second l’emporter, c’est la question de son envergure internationale qui taraude sans cesse la Foire. “La FIAC, comme Cologne, est une bonne foire, même si les deux restent encore un peu nationales”, résume Michael Janssen. Participante en 1974 au SIAC, salon qui donnera plus tard naissance à la FIAC, Ursula Krinzinger insiste sur l’évolution marquante de la Foire. “En tant que membre du Cofiac (comité organisateur de la FIAC), j’ai vraiment vu la qualité primer de plus en plus dans la sélection. La foire a pris de l’importance dans le contexte international et j’espère que cela va encore s’améliorer”, estime la galeriste viennoise. Cette année, au côté des figures “historiques” de l’actionnisme viennois (ainsi Schwarzkogler), elle montrera des nouveaux venus, comme le Hollandais Erik van Lieshout, turbulent artiste du pavillon hollandais de la Biennale de Venise 2003. Mais, en faisant également le voyage à Londres pour Frieze (lire page 20), Ursula Krinzinger n’exprime-t-elle pas les limites de cette internationalisation ? “Non, je souhaitais faire les deux. Mais il est certain que le démarrage de Frieze n’a pas été sans répercussions sur la FIAC, même si celles-ci restent faibles. Quoi qu’il en soit, dans le futur, les deux événements ne devraient pas être aussi proches dans le temps, aucun n’a à y gagner.” Si des galeries étrangères présentes l’année dernière – et des galeries parisiennes majeures telles que Chantal Crousel ou Air de Paris – ont déserté la porte de Versailles au profit de Regent’s Park, d’autres font leur retour. Ainsi d’Art & Public (Genève), qui promet un accrochage de haut niveau avec des travaux de Yan Pei-Ming, Louise Lawler, Lisa Ruyter, Franz West et Albert Oehlen. “Cette année est celle du 30e anniversaire et nous avons décidé de revenir. Nous faisons peut-être le chemin inverse de nombre de nos collègues, mais c’est bien de ne pas suivre la majorité, sinon tout cela devient un ghetto. Je suis contre le fait de participer à un cirque qui bougerait d’une ville à l’autre. Et puis, si tout le monde est à Londres, cela laissera plus d’amateurs pour nous”, s’amuse Pierre Huber, directeur de la galerie genevoise.

La FIAC, trentième anniversaire

Née en 1974 à la Bastille, la FIAC fête cette année sa trentième édition. Un anniversaire souhaité par quelques galeristes mis sur leur “trente et un”? avec des accrochages d’exception. Zao Wou-ki chez Marlborough (New York), Thomas Ruff chez Nelson (Paris), Jean Arp chez Nathalie Séroussi (Paris), Yayoi Kusama chez Pièce Unique (Paris), “30 ans de FIAC”? chez Anne Lahumière ou encore un panorama de la création chinoise sous le titre, là aussi nostalgique, de “Cent fleurs”?, proposé par les galeries Xin Dong Cheng (Pékin) et Albert Benamou (Paris). La galerie Maisonneuve (Paris) a elle profité de l’occasion pour lancer la radio qu’elle souhaite développer dans un futur proche. Originellement conçu sur Internet, le projet inspiré des travaux de l’artiste Lincoln Tobier fonctionnera sur la bande FM en permanence, avec une programmation mêlant performances, entretiens et pièces sonores. Des postes de radio seront prêtés sur le salon.

Foire internationale de l’art contemporain

Du 9 au 13 octobre, hall 4, Paris Expo, porte de Versailles, Paris, jeudi 9 octobre 12h-22h (nocturne), vendredi 10 octobre 12h-20h, samedi 11 et dimanche 12 octobre 11h-20h, lundi 13 octobre 12-18h. Après-midi professionnel (sur invitation) mercredi 8 octobre de 14h à 19h, vernissage (sur invitation) de 19h à 22h, www.fiac-online.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°177 du 26 septembre 2003, avec le titre suivant : La Fiac souffle ses trente bougies porte de Versailles

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