Fan des années 1960-1970

Artcurial disperse l’importante collection de mobilier et d’œuvres d’art de Bruno Mouron

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 10 octobre 2003 - 1110 mots

Les ventes publiques consacrent le jeune marché du design avec la collection Bruno Mouron, un passionné des années 1960-1970 qui a chiné pendant une quinzaine d’années meubles et objets, à une époque où personne ou presque n’en voulait. Environ 400 000 euros sont attendus pour 250 lots comprenant aussi de l’art contemporain et un ensemble d’une quarantaine d’affiches.

PARIS - Le 21 octobre, Artcurial dispersera la collection Bruno Mouron, un photographe paparazzi qui a collecté pendant quinze ans meubles et objets des années 1960-1970, une période qu’il affectionne particulièrement pour “ ses rondeurs, ses couleurs et ses matières comme le plastique”. C’est en chinant aux puces, dans les vide-greniers et les salles de ventes aux enchères qu’il a pu assouvir sa passion à moindre coût, mais aussi sur les marchés voisins belges et anglais. “Il y a dix ans, c’était facile. Peu de personnes s’intéressaient à ces objets qualifiés d’‘horribles’”, s’amuse le collectionneur. Aujourd’hui, la mode s’est emparée du phénomène des années 1970 dans la décoration. Pour acheter des pièces d’époque, il faut désormais se rendre dans des galeries quelquefois tenues par des ex-brocanteurs, à l’exemple de Ben, qui a commencé au marché Serpette de Saint-Ouen avant d’ouvrir sa boutique parisienne sous le nom de “XXO”. “Depuis cinq ans, c’est de la folie. D’ailleurs, je n’ai pas acquis de grosses pièces ces dernières années”, assure Bruno Mouron. Il avoue avoir auparavant très bien acheté, en bon état, ajoutant : “Maintenant, je peux vendre.”
La collection Bruno Mouron, extrêmement variée, va de sièges en mousse ou fibre de verre à l’accumulation d’objets en plastique d’une même série comme des téléphones, radios et télévisions déclinés en plusieurs tons. “C’était devenu une drogue!”, reconnaît-il. Les incontournables sièges “Djinn” d’Olivier Mourgue de 1965 – une paire de chauffeuses, un pouf et une chaise longue attendus autour de 1 000 euros l’unité – sont célèbres depuis leur apparition dans le film de Stanley Kubrick 2001 : l’Odyssée de l’espace tourné en 1967. Aucune pièce n’a été restaurée et tous les tissus sont d’origine. Sans entrer dans le détail, le collectionneur indique que, pour certains objets, la plus-value attendue sera équivalente au passage du franc à l’euro. On peut spéculer sur les deux fauteuils Bulle de Christian Daninos, une création de 1970 peu connue de son temps et pour laquelle il faut à présent compter autour de 6 000 euros l’unité. La vente comprend aussi deux créations de Yonel Lebovici, dont la cote a explosé ces dernières années : une lampe Épingle de nourrice (1975), estimée 30 000 euros, et une lampe Fiche mâle (1978), estimée 18 000 euros. En 2001, Bruno Mouron a prêté une dizaine de pièces au Centre Pompidou à l’occasion de l’exposition “Les Années Pop” dont : trois lampes Pillola de Casati et Ponzio, une édition Studio DA de 1968, estimées 700 euros chacune ; une lampe Rupsa de 1967 créée par Gae Aulenti, estimée 2 000 euros ; des téléphones Ericsson de toutes les couleurs à 100 euros pièce, et deux cendriers, le modèle Biglia de Joe Colombo (1968) et un exemplaire Spyros de Eleonore Peduzzi Riva (1970), estimés environ 150 euros pièce. Cette collection est très bien documentée puisque Bruno Mouron, tout en chinant, s’est attaché à constituer une belle bibliothèque d’ouvrages de référence. Celle-ci ne sera pas mise en vente et pour cause : elle a été intégralement acquise par Artcurial afin de compléter son fonds documentaire. Sans doute une excellente opération pour la maison de ventes !

83 seaux à glaçons
La cinquantaine passée, le collectionneur souhaite tout vendre. “Je fais le grand pas et me sépare de tout.” Conscient de la valeur ajoutée de sa collection, il a choisi la maison Artcurial et l’écrin prestigieux et moderne de l’hôtel Dassault pour la présenter, de préférence à l’hôtel Drouot où il s’est pourtant beaucoup approvisionné. L’un des lots-phares de la vente est sans doute le bureau Boomerang de Maurice Calka (1969), accompagné de son siège d’origine. Il provient de la Fondation Cartier et est estimé 30 000-35 000 euros. Deux pièces de Roger Tallon sont aujourd’hui introuvables : une table basse circulaire de la série “Module 400” (1966) en fonte d’aluminium et verre, estimée 3 000 euros, et une grande table à six pieds de la même série, estimée 7 000 euros. Beaucoup de lampes autour de 2 000 euros retiendront l’attention, des créations italiennes principalement, à l’instar d’une rare lampe à mécanisme d’ouverture électrique Frine, conçue en 1968 par le studio Tetrach, estimée 2 500 euros. Signalons aussi quelques réalisations singulières comme une lampe BD d’André Cazenave, un prototype de 1968 estimé 2 000 euros, ou encore un lampadaire tertiaire, une pièce unique de Jacques Mizrahi estimée 6 000 euros. Certains lots seront peut-être plus difficiles à vendre – comme le Système Malitte, un module canapé noir et rouge en mousse de Roberto Matta (une seconde édition de 1970) estimé 4 000 euros –, les meubles d’artistes ne déchaînant généralement pas les passions. Et le siège Homme de Ruth Francken n’est toujours pas au goût du plus grand nombre : un exemplaire de l’édition originale de 1971 numéroté 2/20, ayant appartenu à Jacqueline Delubac, est proposé à 15 000-20 000 euros.
Plus étonnante et définitivement ludique, une collection de 83 seaux à glaçons en forme de pommes, de tailles, matières et couleurs variables, à 400 euros l’ensemble, et un lot de services à orangeade en forme d’ananas à 100 euros. Deux boîtes à décor pour poupée Barbie de 1978, la chambre à coucher et le living-room, estimées 150 euros l’ensemble, sont également à emporter.
L’art contemporain et les affiches, qui ont aussi fait partie de l’univers de Bruno Mouron, font l’objet d’une vente à part. Plus exactement, ils constitueront deux sections dans la vente d’art contemporain du 22 octobre chez Artcurial. “Commercialement, design et peinture ne fonctionnent pas ensemble, regrette le collectionneur. Alors que j’ai acheté une période dans son ensemble.” Il a sans doute raison si l’on considère que plusieurs artistes sont davantage connus des amateurs de design que des collectionneurs de peinture, tel Eric Beyron, dont deux sérigraphies très “pop art” sur toile cirée marouflée sont à saisir autour de 2 000 euros. À noter également dans la même veine, trois cellulosiques sur toile de 1964 par Alain Jacquet estimés 6 000 à 8 000 euros et un lot intéressant d’affiches de mai 1968, à partir de 100 euros.

DESIGN, COLLECTION BRUNO MOURON

Vente le 21 octobre à 20 heures, Artcurial-Briest-Poulain-Le Fur, hôtel Dassault, 7-9 Rond-Point des Champs-Élysées, 75008 Paris, expert : Fabien Naudan, tél. 01 42 99 20 19, www.artcurial.auction.fr. - Exposition : les 17, 18 et 19 octobre 11h-19h et le 20 octobre, 11h-16h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°178 du 10 octobre 2003, avec le titre suivant : Fan des années 1960-1970

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