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Le World Trade Center corrigé

Le projet de Daniel Libeskind est revu par le promoteur immobilier du bâtiment

Par Jason Edward Kaufman et Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 10 octobre 2003 - 1081 mots

NEW YORK / ETATS-UNIS

Le Lower Manhattan Development Corporation vient de présenter une version revue et corrigée des plans imaginés par Daniel Libeskind pour le nouveau complexe du World Trade Center. Si les éléments caractéristiques du projet Libeskind ont été conservés, comme la Freedom Tower ou le parc des Héros, l’aspect anguleux des gratte-ciel annexes a été gommé et l’espace réservé aux commerces, augmenté. Le lauréat du concours pour la réalisation du mémorial aux victimes des attentats du 11 Septembre, situé en sous-sol, ne sera désigné qu’à la fin de l’automne. De nombreux projets en hommage aux victimes verront également le jour dans les parcs et musées des environs du site.

NEW YORK - Le 17 septembre, la Lower Manhattan Development Corporation (LMDC, l’entreprise de développement immobilier du sud de Manhattan) a dévoilé le “Refined World Trade Center Site Master Plan”, une nouvelle version du projet d’ensemble de Daniel Libeskind pour le complexe du World Trade Center. Les responsables de la reconstruction du site de 6,5 hectares avaient assuré que les plans de l’architecte new-yorkais seraient respectés quasiment à la lettre. La Freedom Tower, d’une hauteur de 1 776 pieds (541 mètres) en référence à la date de l’indépendance américaine, et le parc des Héros restent les points forts de ces plans. La viabilité commerciale de l’ensemble a été renforcée, les cages d’escaliers et locaux techniques s’effaçant légèrement devant le besoin d’espace pour des infrastructures marchandes. Ces 55 740 m2 incluront, entre autres, un musée sur les attentats de 1993 et 2001, un centre d’art contemporain et d’autres structures destinées à des projets culturels. Certaines sources ont révélé qu’une compagnie d’opéra briguerait l’un des emplacements stratégiques.

Cette annonce vient taire les rumeurs selon lesquelles le projet de Libeskind devait se plier aux souhaits de Larry A. Silverstein, le promoteur qui détient le contrôle de l’espace commercial du site. Ce dernier avait signé, en juillet 2001, le bail emphytéotique du site pour une période de quatre-vingt-dix-neuf ans.

Un hommage à chaque victime
Daniel Libeskind ne sera pas responsable de l’ensemble du complexe. Sa vision d’ensemble d’un arc de cercles formé par les gratte-ciel, qui se finit en apothéose avec la Freedom Tower, fait directement allusion au bras de la statue de la Liberté armée de son flambeau. Or les divers architectes chargés de réaliser chacune de ces tours – le Britannique Norman Foster, le Français Jean Nouvel et le Japonais Fumihiko Maki – ne seront pas obligés de respecter le concept architectural de Libeskind. Larry A. Silverstein a insisté pour que la Freedom Tower soit réalisée par David Childs de Skidmore, Owings and Merrill, un constructeur de gratte-ciel chevronné. Le propriétaire du terrain, New York Port Authority, a choisi l’architecte espagnol Santiago Calatrava pour réaliser une gare ferroviaire, la Grand Central Station, au sud de Manhattan. Célèbre pour ses ponts dont celui d’Orléans, ses gares – avec celle pour le TGV à Lyon-Saint-Exupéry –, ses aéroports, et son extension du Milwaukee Art Museum, Calatrava disposera pour ce projet d’un budget fédéral. Daniel Libeskind aura lui un rôle de consultant dans toutes ces constructions, dont les aspects anguleux ont été adoucis.

Le troisième élément majeur du plan, peut-être le plus délicat, est le mémorial aux victimes de la tragédie. Le concours, qui a pris fin le 15 septembre, a attiré 5 200 candidats de 62 pays. Le monument commémoratif, de 19 000 m2, sera situé à 9 mètres en sous-sol et inclura un mur souterrain, seul vestige du World Trade Center, qui fera office de façade ouest. Ce programme ambitieux souhaite rendre hommage à “chaque individu qui a été victime des attaques” à New York, Washington, et en Pennsylvanie. Il ne devrait pas simplement réunir les restes non identifiés des victimes, mais “évoquer l’importance historique et mondiale du 11 septembre 2001” et, d’une certaine manière, “évoluer avec le temps”. Les artistes Maya Lin et Martin Puryear, Lowery Sims, directeur du Studio Museum de Harlem, et divers universitaires et officiels de la municipalité comptent parmi les jurés qui désigneront le lauréat avant la fin de l’année.

La Lower Manhattan Development Corporation devrait donner entre 200 et 300 millions de dollars (175 et 262 millions d’euros) pour l’ensemble du projet.

Plusieurs autres monuments aux morts sont en train d’être érigés au sud de l’île, aux abords de Ground Zero. Sphere, la sculpture de Fritz Koenig qui a miraculeusement survécu au désastre, a été déplacée dans le Battery Park voisin et a été dotée d’une flamme perpétuelle. Le Museum of Jewish Heritage, également situé sur les quais, inaugure une nouvelle aile offrant un jardin sur le toit, le Holocaust Memorial Garden, réalisé par Andy Goldsworthy. Il sera constitué de 18 rochers évidés et remplis de terre d’où pousseront de jeunes arbres dont les troncs, avec le temps, se fondront dans la pierre.

Sur Hanover Square, au sud de Wall Street, un jardin du Souvenir britannique, composé de haies d’if, d’arbres taillés et de plates-bandes, sera réalisé par Julian et Isabel Bannerman –les paysagistes proches de la famille royale d’Angleterre –, un cadeau de la communauté britannique new-yorkaise à la ville. Le consulat général britannique et la St. George’s Society de New York sont en train de réunir les 3,5 millions de dollars pour “un endroit de souvenir, pas seulement pour les sujets britanniques qui ont perdu la vie lors des attaques du World Trade Center, mais aussi pour les dizaines de milliers de militaires britanniques qui se sont sacrifiés aux côtés de leurs camarades américains lors de conflits armés”.

Ainsi, le Union Flag devrait flotter aux côtés du Stars and Stripes, et une sculpture d’un artiste britannique devrait “représenter les liens entre le peuple américain et britannique”. Le nom d’Anish Kapoor serait sur toutes les lèvres, mais le choix du comité de sélection, qui inclut John Elderfield du MoMA et Teresa O’Malley de la National Gallery of Art de Washington, ne sera pas connu avant la fin du mois de juin 2004, lorsque le jardin sera achevé (1).

De son côté, La New York Public Library – la bibliothèque municipale de la ville – abrite les archives des photographies des événements du 11 Septembre. Après avoir été rassemblés pour une présentation dans une galerie d’art de SoHo, les 3 000 images et textes réalisés par plus de 700 amateurs et professionnels de 40 pays ont fait le tour du pays, s’enrichissant de nouveaux documents à chaque étape. Ils sont aujourd’hui conservés dans le département d’Art et de Photographie de la bibliothèque new-yorkaise.

(1) Pour plus de renseignements, consulter :  www.britishmemorialgarden.org

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°178 du 10 octobre 2003, avec le titre suivant : Le World Trade Center corrigé

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