Odile Decq

Vacances romaines pour l’architecte française

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 21 novembre 2003 - 573 mots

La Ville Éternelle s’ouvre de plus en plus à la modernité architecturale. Après Renzo Piano et Zaha Hadid qui s’affairent respectivement à la réalisation du Parco della Musica et du Musée national d’art contemporain, c’est au tour de l’architecte française Odile Decq d’entrer en lice avec son projet du Macro, le musée d’art contemporain de la ville de Rome.
C’est véritablement en 1990 qu’Odile Decq et Benoît Cornette font leur apparition sur la scène architecturale avec un projet « décoiffant », celui de la Banque populaire de l’Ouest à Rennes. Trois ans plus tard, au Magasin/Centre national d’art contemporain de Grenoble, ils exposeront leur théorie de l’« hyper-tension » sous un titre mystérieux, « Application et implication, mode de pensée, acte de présence » ; une exposition étrange et violente, en forme d’installation et au cœur de laquelle se dessinait un voisinage avec Richard Serra. Puis, ce sera, en 1996, le Lion d’or remporté à la Biennale de Venise...
En 2001 est lancé le concours pour le Musée d’art contemporain de la ville de Rome, dont l’ouverture est prévue pour début 2006. Un concours ouvert auquel 120 candidats répondent. Une première sélection limite leur nombre à 5 et, en 2002, c’est Odile Decq qui est déclarée lauréate par Walter Veltroni, le maire de Rome.
Un musée existe déjà qui regroupe l’art moderne et l’art contemporain. Il est installé dans les locaux reconvertis des anciennes Brasseries Peroni sur la via Reggio Emilia, toute proche de la gare centrale. Il s’agit de le consacrer exclusivement à l’art contemporain et d’en plus que doubler la capacité avec un bâtiment de 10 000 m2 à édifier sur la via Nizza. Architecte et personnalité phare de la vie culturelle romaine, Massimiliano Fuksas s’émerveille : « Le projet d’Odile Decq n’est ni respectueux ni iconoclaste, n’affiche aucun tic ni aucun cliché. Il est d’une grande justesse et, surtout, est le témoignage d’une sensibilité nouvelle. » Jugement repris par Danilo Eccher, le directeur du musée, qui voit là « le projet qu’il fallait ».
Un projet qui fait la part belle à cette « hyper-tension » si chère à Decq et Cornette (décédé en 1998), mais que vient tempérer une réelle sensibilité et enflammer une non moins réelle sensualité. D’abord et avant tout une promenade architecturale ponctuée de passerelles, de passages et de plans inclinés, scandée d’événements et d’accidents visuels (le bloc liquide et réversible de la fontaine vibratile ; les couleurs changeantes et magiques du bloc toilettes ; les lumières de la salle de projection ; les sensations provoquées par les tissages métalliques pris en sandwich dans les parois de verre…), déambulation conclue par une somptueuse terrasse dominant la ville, archétypiquement romaine.
Un parcours initiatique en quelque sorte dont l’objectif est bien d’amener à la découverte de l’art contemporain. Et là se vérifie parfaitement le concept d’hyper-tension qui consiste à mettre les corps en mouvements, avec des matières travaillées en plissés, twistés, drapés ou froncés.
Dans le bâtiment existant et jusqu’au 4 janvier 2004, le projet est présenté aux Romains en même temps qu’une rétrospective des travaux de l’agence Decq et Cornette. Une exposition en forme d’installation une fois encore et conçue par Francis Rambert, pour illustrer la phrase fétiche d’Odile Decq : « Je ne dessine jamais, je raconte une histoire et fabrique avec mes mains. »
Et d’enfourcher, à l’instar d’Audrey Hepburn dans Vacances romaines, son motorino pour filer depuis la Porta Nizza jusqu’au Campo dei Fiori.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°181 du 21 novembre 2003, avec le titre suivant : Vacances romaines pour l’architecte française

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