Paroles d’artiste

Olivier Millagou

« Une dérive de toutes les cultures »

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 19 décembre 2003 - 677 mots

À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie Erna Hécey, au Luxembourg, et de l’exposition collective conçue en collaboration avec l’artiste Arnaud Maguet à la galerie Roger Pailhas, à Marseille, Olivier Millagou répond à nos questions.

 Arnaud Maguet et vous-même êtes les commissaires de « Taboo ! The Art of Exotica Entertainment » à la galerie Roger Pailhas, à Marseille. Comment avez-vous conçu cette exposition ?
Arnaud et moi travaillons ensemble assez souvent. On ne considère pas cela comme du commissariat d’exposition. C’est seulement une proposition. Tous les artistes ont construit l’exposition ensemble.
Nous sommes partis du film Tabu de Murnau, qui date de 1931. C’est le dernier film muet produit par Hollywood. Il entretient un rapport entre le Paradis et le Paradis perdu et nous avons intégré cette idée à l’ensemble de l’exposition. On entre par une salle colorée représentant le Paradis et on aboutit dans une deuxième salle entièrement noire, évoquant le Paradis perdu. Cependant, ces deux parties sont poreuses : les wall drawings de Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau font la transition. Ils sont comme aspirés d’une salle à l’autre.

Qu’est-ce que l’ « exotica entertainment » ? Vous-même, qu’y présentez-vous ?
L’« exotica entertainment » est une sorte de dérive de toutes les cultures. C’est une idée d’exotisme présente autant dans le travail d’Arnaud que dans le mien. Je parle des clichés de l’exotisme et du balnéaire : Hawaï… tous ces clichés de l’American Dream dont nous sommes nourris depuis les années 1950 à travers la télévision ou le cinéma, entre autres. Ce n’est bien sûr pas le même exotisme pour tous les artistes présents dans l’exposition.
Je présente un fer forgé, qui fait allusion aux noms affectifs que l’on attribue aux villas de la Côte d’Azur. Il reprend le titre d’une chanson des Beach Boys : Heroes and Villains. Je montre aussi une série de cartes postales et un drawing pin (dessin à partir de punaises) reprenant [l’image de] palmiers.

L’exposition organisée à la galerie Erna Hécey au Luxembourg est intitulée « Muscle Beach Party »... 
Muscle Beach Party de William Asher (1964) est un « surf movie », incarnation d’un rêve américain climatisé : un monde blanc immaculé, des adolescents sains et sans vice, le tout sous un ciel sans nuage. Au même moment, des articles du Times et autres magazines « sérieux » dépeignaient la mystique du surf sous un jour souvent défavorable, l’associant au monde dépravé des motards, des conducteurs de bolides et des drogués écoutant du hard-rock ou du metal. Muscle Beach Party est comme la rencontre mi-imaginaire mi-réelle de ces deux univers.
J’ai reconstitué un environnement pour la musique de ce film. Au sol, j’ai posé un amplificateur relié à une platine disques. Le visiteur peut déclencher le 45 tours lorsque bon lui semble. Il se retrouve alors au centre de la pièce avec un solo de guitare électrique, et c’est un peu comme si c’était lui qui jouait ! Le vinyle édité à cette occasion est un morceau original d’un ami musicien à ses heures, Frédéric Fournier. La production musicale fait partie intégrante du travail artistique d’Arnaud. Il a été produit sur son label : Les Disques en rotin réunis (1).

À quoi nous renvoie la punaise dont vous vous servez pour réaliser vos œuvres ?
Au passage à l’âge adulte. Adolescent, on recouvre ses murs de posters. En grandissant, lorsque l’on a arraché tous ses posters, il ne nous reste en mémoire qu’une image pas très nette de ce que ce mur représentait vraiment, toute cette culture dont on s’est nourri. Tout cela est symbolisé par la punaise qui, elle, reste au mur. Et finalement, l’ensemble de ces punaises forme une sorte de dessin en points qu’il suffit de relier pour reconstituer l’image de son adolescence.

(1) www.ldrr.com

- Taboo ! The Art of Exotica Entertainment, galerie Roger Pailhas, 20 quai de Rive-Neuve, 13007 Marseille, tél. 04 91 54 02 22. Jusqu’au 14 janvier 2004. - Muscle Beach Party, galerie Erna Hécey, 25 boulevard du Prince-Henri, Luxembourg, tél. 352 24 11 74. Jusqu’au 31 janvier 2004.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°183 du 19 décembre 2003, avec le titre suivant : Olivier Millagou

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