De l’autre côté du miroir

 NICE - « Re : Location » est un projet d’expositions européen qui a gardé de la « Communauté » l’idée d’échange, tout en tentant d’en évacuer les contraintes. Libre aux huit centres d’art qui y participent d’inventer leurs modes de collaborations et de choisir leurs partenaires pour la réalisation des sept manifestations bilatérales organisées dans ce cadre. Le Casino, forum d’art contemporain de Luxembourg, le Centre international pour l’art contemporain de Bucarest, la Fondation ArtStudio de Cluj en Roumanie, le Centre d’art contemporain Laznia de Gdansk en Pologne, la galerie Jana Koniarka de Trnava en Slovaquie, le Migros Museum de Zurich en Suisse, le OK-Centrum de Linz en Autriche et la Villa Arson de Nice poursuivent l’expérience depuis 2002. À l’occasion de « Re : Location 6 », ce dernier lieu accueille quatre expositions monographiques d’artistes, et autant de propositions se référant au lieu de monstration lui-même, de son architecture à son rôle social. Sans aucun recul dans sa confrontation à l’autorité, Fabrice Gygi a disposé à l’extérieur des salles des barrières à déployer en cas d’insurrection, et assourdi la « Galerie carrée » du premier étage en y accrochant une série de monochromes gris, une copie de mine maritime suspendue au plafond. Plus décalé, Pierre Malphettes a déroulé dans l’enfilade du premier étage son univers doucement enjoué et utopique (lire le JdA n° 173, 13 juin 2003), prolongé par le Vent dans les arbres d’une récréation buissonnière. Avec ses massifs d’eucalyptus et de ventilateurs, l’installation introduit une turbulence légère dans l’espace protégé du centre d’art.
À l’inverse, c’est la possibilité d’une action artistique comme zone d’instabilité à l’extérieur des lieux habituellement consacrés à l’art qui taraude les performances et sculptures du jeune duo belge Simona Denicolai et Ivo Provoost (respectivement nés en 1972 et 1974). En 1999 à Saint-Nazaire, leur détournement de matériaux de récupération aboutissait à la réalisation de sculptures publiques. Ici, une parade équestre orchestrée dans une zone industrielle débouche sur un étal où sont exposés des produits abandonnés témoins de l’action : container, chaise ou mannequin, tous décorés d’un logotype inspiré par le convoi de chevaux. Entre les photographies documentant Fanfara di Merda d’Artista et l’exposition des produits qui en résulte, une mire de télévision cousue dans un patchwork de tissus met un terme au spectacle : un cortège sans foule ni liesse, ou le déplacement d’une cérémonie non identifiée dans un paysage périurbain inhabité.
Dernière invitée, Monika Sosnowska a trouvé dans l’enfilade des trois dernières salles de la Villa Arson une configuration idéale. Poussant la logique de l’architecture dans ses retranchements, la Polonaise a parsemé la longue galerie d’une série de volumes, semblables aux reliefs des « pop-up books », ces constructions de papier qui se dévoilent au fil des pages. Comme nées dans la mise à plat de l’espace, ces structures légères entretiennent un rapport ambigu à la sculpture, puisqu’elles sont simultanément posées sur le sol et parties de lui-même. À l’extrémité de la galerie, après un passage obligé dans un couloir en coude étriqué, le renversement s’opère. Le spectateur débouche dans une salle remodelée par l’inversion de son escalier central, le regard projeté à l’intérieur des plis.