Oregon

Le XVIIe français outre-Atlantique

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 19 décembre 2003 - 683 mots

Le Portland Art Museum célèbre la peinture française du XVIIe siècle à travers 41 tableaux réunis par Frame, un groupement de 18 musées.

 PORTLAND - Poussin, La Tour, Laurent de La Hyre, Nicolas Tournier, Claude Vignon, Simon Vouet, Philippe de Champaigne, Jacques Stella... tous ces maîtres de l’histoire de l’art ont été réunis au Art Museum de Portland, qui célèbre les fastes de la peinture française du XVIIe siècle. « Il s’agit d’une période particulièrement importante pour la France : c’est le moment où le pays se libère des influences flamandes et italiennes pour développer son propre style », estime le directeur du musée John E. Buchanan Jr. La manifestation réunit 41 tableaux, prêtés par les 18 musées membres de Frame (French Regional and American Museum Exchange). Créée en 1999 à l’initiative de Françoise Cachin (alors directrice des Musées de France), et d’Elizabeth Rohatyn (épouse de l’ancien ambassadeur des États-Unis en France) – qui en assument aujourd’hui encore la direction –, l’association regroupe 9 musées régionaux français (parmi lesquels les musées des beaux-arts de Lyon, Strasbourg, Rennes, le Musée Fabre à Montpellier ou le Musée des Augustins à Toulouse) et 9 établissements américains, dont celui de Portland. « Ce projet collectif a permis de convaincre tous les musées membres de prêter des œuvres parmi les plus précieuses de leurs collections, précise E. Buchanan Jr. C’est aussi un geste politique fort. Il est plus que jamais important pour nos deux pays de communiquer et d’échanger. Pour cela, la culture représente un moyen idéal. » Dans cette optique, le commissariat a été confié à des conservateurs à la fois français et américains : Penelope Hunter-Stiebel, conservatrice « consultante » à Portland, Arnauld Brejon de Lavergnée, ancien directeur du Musée des beaux-arts de Lille, et Michel Hilaire, directeur du Musée Fabre de Montpellier.
Thématique, le parcours débute avec Le Portrait de Nicolas Mignard (1672), par Paul Mignard, le peintre père représenté à son chevalet, muni de tous ses attributs (équerre, règle et autres instruments de mesures, palette, esquisse, toiles, livres…). Un soin particulier a été apporté à l’éclairage qui fait ressortir au mieux toutes les nuances des peintures de Claude Vignon, Le Nain ou Charles de La Fosse. À l’image de L’Adoration des mages (1636) de Georges Lallemant ou de Suzanne et les vieillards (1628) de Jacques Blanchard, les premières toiles sont encore dans le sillage de l’École flamande ou du maniérisme italien. Leur succèdent des œuvres dans le goût caravagesque telle la menaçante Judith (1626-1628) réalisée par Valentin de Boulogne, ou la célèbre Scène du banquet avec joueur de luth (1626-1627) de Nicolas Tournier, conservée au Saint Louis Art Museum, un tableau fascinant par l’atmosphère mystérieuse qui s’en dégage et l’incroyable minutie apportée aux détails.
Œuvres de jeunesse, Vieil homme et Vieille Femme (1618-1619) de Georges de La Tour offrent un bon exemple de la peinture de genre au XVIIe, tandis que, accrochés face à face, les Christ en croix de Simon Vouet (1636) et de Philippe de Champaigne (1655) témoignent de l’importance du thème religieux et de la grande diversité du style « à la française ». « Ce qui, à mon sens, distingue la peinture française de cette époque, c’est la rigueur intellectuelle, l’extrême logique dont elle fait preuve », note E. Buchanan Jr. Après les œuvres mystiques de Pierre Mignard (Christ parmi les soldats, 1690) ou Jacques Stella (Christ servi par les anges dans le désert, 1635-1640), le visiteur découvre des peintures caractéristiques du classicisme, comme Le Retour d’Égypte de la sainte Famille de Poussin, puis des scènes mythologiques, prétexte idéal à la représentation du nu féminin. En témoigne la langoureuse Vénus endormie (1638-1639) d’Eustache Le Sueur, prêtée par le Fine Arts Museum of San Francisco. Une belle illustration de ce siècle où « triomphèrent » les peintres français.

LE TRIOMPHE DE LA PEINTURE FRANÇAISE, CHEFS-D’ŒUVRE DU XVIIe SIÈCLE DES MUSÉES DE FRAME

Jusqu’au 4 janvier 2004, Portland Art Museum, 1219 SW Park Avenue, dowtown Portland, Oregon, États-Unis, tél. 1 503 226 2811, www.portlandmuseum.org, tlj sauf lundi 10h-17h et 21h le vendredi. Catalogue en anglais, éd. RMN/Portland Art Museum,128 p., 22,50 euros. ISBN 2-7118-4632-6.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°183 du 19 décembre 2003, avec le titre suivant : Le XVIIe français outre-Atlantique

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