Japon

Art contemporain

Portrait d’une nouvelle génération d’artistes nippons

Par Kay Itoi · Le Journal des Arts

Le 9 janvier 2004 - 1218 mots

Les jeunes artistes japonais sont de plus en plus présents sur le marché international. Le « Journal des Arts » vous propose d’en découvrir quelques-uns parmi les plus prometteurs.

TOKYO - Au Japon, face aux galeries traditionnelles spécialisées dans l’art occidental destiné aux collectionneurs locaux, l’ouverture de nouvelles galeries ambitieuses comme Tomio Koyama, Kodama et Koyanagi a beaucoup attribué à l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes artistes. Mais, après une longue période de récession, le marché nippon reste convalescent et l’intérêt pour les artistes japonais s’est émoussé. En se liant à d’autres galeries locales et en participant aux foires internationales, les jeunes marchands ont beaucoup œuvré pour la reconnaissance de ces artistes par le public occidental, même si, sauf exceptions, les cotes de ces derniers demeurent faibles par rapport à des artistes occidentaux de statut comparable. Les marchands et les collectionneurs intéressés par l’art contemporain japonais, autrement dit ceux qui sont aujourd’hui prêts à se lancer dans cette aventure, se comptent encore sur les doigts de la main. De plus, seule une poignée d’artistes japonais se retrouve pour l’instant sur le second marché ou dans les ventes aux enchères. En d’autres termes, c’est peut-être le moment d’acheter...
Ainsi, Yutaka Sone, basé à Los Angeles, remporte déjà un succès certain. Il a représenté son pays à la Biennale de Venise 2003 avec un paysage mystérieux – une montagne enneigée, une jungle et des plages. L’été dernier, il a présenté lors de sa première exposition personnelle dans un musée américain, au Musée d’art contemporain de Los Angeles, quatre échangeurs autoroutiers de la mégalopole, sculptés dans du marbre. D’après Hanna Schouwink, directrice à la galerie new-yorkaise David Zwirner, ses dessins valent autour de 2 000 dollars (1 600 euros), les prix des tableaux démarrent à 4 000 dollars, les sculptures à 5 000  et une grande installation atteint 200 000 dollars. L’intérêt que suscitent ses œuvres s’est vérifié lors de sa première exposition personnelle dans cette même galerie en septembre 1999, où l’artiste a rencontré un succès auprès de collectionneurs américains et européens. Depuis, ceux-ci ont été suivis par de nombreux musées japonais, quelques musées américains et des jeunes collectionneurs. En 2004, Sone exposera à nouveau à la galerie David Zwirner, mais aussi au Van Abbemuseum à Eindhoven.
Le Huntsville Museum of Art, en Alabama, a accueilli jusqu’au 4 janvier la sixième et dernière étape de l’exposition itinérante intitulée « Réalité : l’art contemporain et la culture de l’animation japonaise ». Momoyo Torimitsu a réalisé l’une des œuvres les plus marquantes de cette manifestation : un couple de lapins gonflables de taille gigantesque, Somehow I Don’t Feel Comfortable (2000). Cette pièce avait déjà été présentée à Paris en 2000 à la galerie Xippas, son marchand en France. Torimitsu bénéficie de deux expositions personnelles à New York en janvier, à la galerie Deitch Projects, qui la représente, et au Swiss Institute. Elle est surtout connue pour sa performance teintée d’humour dans les rues de Tokyo ou New York : habillée en infirmière, elle faisait alors mine de suivre un robot télécommandé qui rampait habillé en homme d’affaires japonais. En décembre, à Art Basel Miami Beach, Deitch Projects a immédiatement vendu le businessman – dans sa version européenne et sous-titrée « l’œuvre la plus intrigante » par le quotidien Miami Herald –, pour 35 000 dollars. Torimitsu, âgée de 36 ans, devrait participer à des expositions collectives au Brooklyn Museum of Art et à la Kunsthalle d’Oslo en 2004. D’après l’artiste, ses œuvres ont intégré la Norton Family Foundation et la collection Dikeou.

Satire sociale et agences matrimoniales
À l’instar de Torimitsu, la satire et le commentaire social tiennent un rôle central dans le travail de Miwa Yanagi, âgée de 36 ans et résidente à Kyoto. « The American Effect », l’exposition d’automne 2003 du Whitney Museum de New York, présentait l’une de ses photographies hilarantes issues de la série « Mes grand-mères » : une femme âgée, surexcitée et folle de vitesse, chevauchant un side-car. Le modèle est en réalité une jeune femme déguisée qui prend la pose et présente une vision idéalisée d’elle-même en anticipant sur l’évolution future de son physique. Plus récemment, la série de « La fille de l’ascenseur » mettait en scène des femmes en uniforme étendues sur le sol… d’un ascenseur. L’artiste expose également jusqu’au 25 janvier dans l’église Sainte-Marie-Madeleine à Lille, dans le cadre de Lille 2004, capitale européenne de la culture (1). Elle est soutenue par Yoshiko Isshiki, son agent basé à Tokyo, qui travaille par ailleurs pour Yasumasa Morimura et Nobuyoshi Araki. L’exposition monographique de Yanagi à la Galerie Wohnmaschine de Berlin, pendant l’été 2003, a succédé à « Rêves de caméléon : trans/formation de l’identité dans la photographie japonaise contemporaine », à la Julia Friedman Gallery à Chicago en 2002. Ses œuvres apparaissent en ventes publiques, à l’exemple de Elevator Girl House b4 (1998), qui s’est vendue en novembre 2001 pour 9 000 dollars chez Phillips, de Pury & Luxembourg à New York. À Paris, Yanagi est représentée par la galerie Almine Rech, où les prix varient entre 7 000 et 20 000 euros.
Alors que ses contemporains optent qui pour la technologie numérique  – les images de synthèse – qui pour l’univers pop, Yoshihiro  Suda, sculpteur âgé de 34 ans, se tient en marge de l’animation et réalise seul l’ensemble de ses œuvres. Il a bénéficié cet été d’une exposition à l’Art Institute of Chicago ; celle de la Galerie Wohnmaschine de Berlin s’est achevée en octobre. Il est représenté par la galerie new-yorkaise D’Amelio Terras et la galerie Koyanagi à Tokyo, laquelle s’occupe également de Mariko Mori et Hiroshi Sugimoto. Ses sculptures sur bois, d’un réalisme extrême imitant des fleurs et des herbes, sont de plus en plus demandées. D’après le directeur de la galerie Koyanagi, Tomoko Kimata, ces œuvres requèrent un travail minutieux. L’artiste n’ayant pas d’assistant, il lui est difficile de répondre à la demande des collectionneurs. Si le prix de ses grandes compositions varient, une rose vaut entre 15 000 et 20 000 dollars. Collaborant avec des galeries comme la Entwistle Gallery à Londres, Suda a vu ses pièces intégrer de nombreuses collections, ainsi le Fukuoka Asian Art Museum au sud du Japon, le Taipei Fine Arts à Taiwan et la collection Hoffman à Berlin. En France, Suda participe  actuellement à l’exposition « Flower Power », présentée dans le cadre de Lille 2004 (1).
Ces artistes promettent d’être à l’avenir de plus en plus présents sur la scène internationale, tout comme Tomoko Sawada, âgée de 26 ans. Cette dernière a récemment posé sous les différents déguisements de 400 personnes dans un Photomaton. Un photographe professionnel a, lui, réalisé 30 portraits d’elle, dans la tradition des photographies omiai utilisées pour les dossiers d’agence matrimoniale. L’été dernier, Sawada a présenté ces deux séries dans le cadre de sa première exposition monographique aux États-Unis, à la Zabriskie Gallery de New York, pour laquelle elle a reçu les critiques élogieuses du New York Times. Selon la Third Gallery Aya d’Osaka, ses travaux se vendent entre 380 et 22 800 euros. Sawada, qui réside à Kobe, présente actuellement ses nouvelles séries à la Third Gallery Aya et, au mois de mars 2004, exposera à la Govett-Brewster Art Gallery de New Plymouth, en Nouvelle-Zélande. Encore un jeune artiste japonais prometteur...

(1) Lire p. 18-19.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°184 du 9 janvier 2004, avec le titre suivant : Portrait d’une nouvelle génération d’artistes nippons

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