Architecture

6 projets pour Beaubourg 2

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 9 janvier 2004 - 722 mots

Remporté par Shigeru Ban, Philip Gumuchdjian et Jean de Gatines, le concours pour l’antenne du Centre Pompidou à Metz a vu se confronter des conceptions divergentes de l’architecture.

METZ - Rarement concours n’aura été aussi rondement mené, a fortiori dans le cadre d’une commande publique. La création du premier site décentralisé du Centre Pompidou à Metz (comme si les exemples du Guggenheim et, dans une moindre mesure, celui de la Tate en Angleterre faisaient école) a été annoncée en janvier 2003. La consultation d’architecture, qui allait recueillir 157 candidatures en provenance du monde entier, a été lancée en mars 2003 et c’est en mai 2003 que six équipes ont été retenues pour participer au concours. Le 26 novembre 2003, le jury, réuni à Metz, a choisi le lauréat. En tout, seulement huit mois et huit jours auront été nécessaires, ce qui constitue pour la France un véritable record.
L’objectif est l’ouverture au public du CPM (Centre Pompidou Metz) au tout début 2007, avec pour programme la création d’un équipement décentralisé mais rayonnant sur l’Europe. Au cahier des charges était inscrit un bâtiment d’une surface totale de 12 000 m2, dont 6 000 spécifiquement destinés à la présentation des œuvres, sans oublier, comme toujours dans ce type d’équipement, des espaces d’accueil, de projections, de conférences, de performances, ainsi qu’une librairie, un restaurant, une cafétéria et des parkings. L’ensemble sera situé sur une sorte de friche urbaine, le quartier de l’Amphithéâtre, promis à un développement rapide et lié à l’implantation de la future gare TGV de Metz.
Non content de choisir un lauréat parmi les six projets en compétition, le jury leur a conféré un classement. Voilà qui en simplifie donc l’ordre d’analyse.
Le projet des trois lauréats, Shigeru Ban, Philip Gumuchdjian et Jean de Gatines (lire le JdA n° 182, 5 décembre 2003), est déjà baptisé par le milieu du sobriquet de « chapeau chinois », eu égard, probablement, à la nationalité japonaise (!) et à l’engagement dans le registre du développement durable du membre le plus médiatique du trio, Shigeru Ban. Le projet, s’il a emporté l’adhésion du jury, n’a pas encore gagné celle des observateurs.
Vient ensuite celui de Stéphane Maupin et Pascal Cribier, projet dont on disait qu’il était le favori du Centre Pompidou Paris. Ce semblant de soucoupe volante aux longues jambes posées dans un jardin est présenté par ses concepteurs comme un « espace poétique, un site plutôt qu’un monument, un événement plutôt qu’un bâtiment, un spectacle plutôt qu’une construction ». Les buses (tuyaux de béton) répondent aux tubes du projet lauréat.
En troisième position, le projet des deux stars internationales actuelles de l’architecture, Herzog et de Meuron. Ce bloc compact et cubique de trois volumes empilés est comme suspendu dans l’espace dans une alternance de vides et de pleins. Ses concepteurs le définissent en « niveaux comprimés et introspectifs » et « niveaux décomprimés, panoramiques et extravertis ». L’ensemble constitue un bel exercice de style dans le jeu des masses, mais les intérieurs et surtout les circulations ne sont pas réglés.
Enfin, les trois projets restants sont classés quatrièmes ex æquo, manière de signifier combien le travail du jury s’est révélé ardu… Que dire de plus du projet FAO (Foreign Office Architects) que ses concepteurs qualifient eux-mêmes de « silo d’art » ? Quant aux projets de Nox ou de Dominique Perrault, ce sont sans doute les plus excitants du lot. Vedette incontestée et incontestable de l’exposition « Architecture non standard », présentée actuellement au Centre Pompidou (lire page 12), à Paris, le projet Nox, qui s’inscrit dans cette logique, propose un édifice monolithique de forme complexe à double courbure. Et surtout, un jeu dialectique à la fois mental et plastique, savant et universel, et affichant la valeur « iconique » de l’architecture. À l’inverse, Dominique Perrault livre un manifeste de la dématérialisation et de la déréalisation de l’architecture du plus bel effet architectural. Son projet « nomade », sorte de tente monumentale, qui joue avec virtuosité de l’apparition/disparition, du scintillement et de l’absence grâce à son travail sur la maille métallique, évoque un ailleurs, bien plus qu’un ancrage. Sans doute les deux meilleurs projets, mais dont la force du percept pour le premier, et du concept pour le second, a probablement constitué aux yeux du jury une erreur stratégique en termes de « corporate identity ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°184 du 9 janvier 2004, avec le titre suivant : 6 projets pour Beaubourg 2

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