Piasa

Un meuble très convoité

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 23 janvier 2004 - 776 mots

Une belle commode Louis XV estampillée C. C. Saunier, symbole d’un changement
de goût au XVIIIe siècle, s’est envolée à 543 388 euros le 19 décembre à Drouot.

 PARIS - Le 19 décembre à Drouot, la SVV Piasa présentait un ensemble de 140 pièces de très bel ameublement. Grands antiquaires et collectionneurs n’ont pas manqué ce rendez-vous, avec pour point d’orgue le lot 78, une exceptionnelle commode Louis XV (vers 1765) à côtés évasés de forme légèrement incurvés, en placage de satiné, ornée de bronzes dorés – dont de superbes masques grotesques sur les côtés –, estampillée C. C. Saunier et estimée 250 000-300 000 euros. Ce bijou, dûment documenté, s’inscrit « dans le registre des meubles mis au goût du jour postérieurement à leur fabrication », comme indiqué au catalogue. Caractéristique des productions des années 1730-1740 par sa forme trapézoïdale accentuée et son décor de marqueterie, le meuble s’inspire d’un modèle réalisé par Gaudreaux pour la Chambre du roi et livré à Versailles en 1739. Mais, mis à part ses masques latéraux, son tablier de bronzes est plutôt néoclassique de style Louis XVI, un style qui devient à la mode dès les années 1760. Cette commode, que l’on n’avait pas vue sur le marché parisien depuis 1936, a attiré bon nombre d’enchérisseurs. Les grands marchands de la capitale, un fonds d’investissement étranger ainsi qu’un collectionneur, propriétaire d’une commode similaire estampillée Oeben et achetée chez Sotheby’s en 1982 à Monaco, ont bataillé dur jusqu’à 543 388 euros, la deuxième meilleure enchère de la saison à Drouot toutes spécialités confondues. La commode a finalement été emportée par une enchère téléphonique dont la provenance est restée secrète.
« Les objets atypiques, classiques ou décoratifs, pas connus du marché, ont bien marché », note Guillaume Dillée, l’un des experts de la vacation. Il en a été ainsi pour un Christ en croix de la Renaissance en bronze doré, « représenté nu, ce qui est très rare d’un point de vue iconographique », adjugé 12 973 euros ; un précieux rouet de table avec sa roue de bronze doré festonné, le plateau et les porte-ustensiles en écaille brune décorée d’un placage d’écaille parqueté de nacre et de cuivre jaune, un travail du XVIIIe siècle qui est monté jusqu’à 18 870 euros, ou encore un paravent extraordinaire à six panneaux, vers 1730-1740, en cuir gaufré de dessins géométriques dorés à décor polychrome de branchages d’arbres fleuris animés d’oiseaux exotiques, parti à 31 843 euros.
Le décoratif, genre spectaculaire, fut également payant comme en témoignent les résultats obtenus pour un grand lustre corbeille à quinze lumières de style XVIIIe mais datant du XIXe siècle, qui a déchaîné les passions pour atteindre 44 820 euros alors qu’il était estimé au mieux 8 000 euros, ou encore pour une imposante paire de potiches du XIXe siècle, en terre cuite laquée noir au décor japonisant d’oiseaux fantastiques et de poissons dans des branchages fleuris, acquise 13 000 euros (dix fois l’estimation), et ce, malgré une restauration et une fêlure notifiées. Les acheteurs, sensibles au beau mobilier classique, ont emporté notamment un bureau bonheur-du-jour de forme ovale en marqueterie, de la fin du XVIIIe siècle, estampillé Topino, pour 48 355 euros, et une commode à vantaux et à léger ressaut d’époque Louis XVI (vers 1785-1790), estampillée C. C. Saunier, pour 229 200 euros, « tellement classique mais un modèle peu courant chez Saunier et rare par son placage de citronnier », précise Guillaume Dillée. Celui-ci constate que « la vente a été plus difficile pour les pièces étrangères », à l’exemple d’un bureau scriban allemand du XVIIIe siècle à façade en arbalète vendu 9 435 euros, soit juste au prix de réserve, ou d’un cabinet anglais à deux corps, vers 1700, qui a été ravalé.
En fin de compte, le bilan est positif pour la dernière vente de prestige de l’année 2003 à Drouot, avec plus de 76 % des lots vendus et 1,7 million d’euros de produit de vente contre une estimation basse de 1,1 million d’euros. « On est passé après tout le monde, observe Guillaume Dillée. Mais nous avons eu l’avantage de clôturer le catalogue et de récupérer de ce fait quelques meubles importants. »
Le jour de la vente, l’hôtel Drouot grouillait d’acheteurs d’autant plus nombreux que, dans une salle voisine, la SVV Delvaux dispersait un ensemble de tableaux, meubles et objets d’art dont le point de mire était un lot de trois magnifiques tapisseries de la tenture des Arts libéraux, illustrant La Grammaire, L’Arithmétique et La Géométrie, exécutées à Bruges dans la seconde moitié du XVIIe siècle d’après les cartons du peintre flamand Cornélis Schut et adjugées 190 624 euros l’ensemble.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°185 du 23 janvier 2004, avec le titre suivant : Un meuble très convoité

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