Scénario probable

PARIS - Créée en 1991 à Rotterdam par Winy Maas, Jacob van Rijs et Nathalie de Vries, l’agence MVRDV a approché l’architecture en plaçant le scénario en amont du projet. Avec l’outil informatique, les Hollandais ont trouvé des procédés aptes à modéliser des schémas nourris par des masses de données économiques, politiques et géographiques. Si, à leur crédit, figurent différents projets pour des concours internationaux (le Musée du quai Branly ou la Fondation Pinault en France) et nombre de constructions remarquées (la récente Housing Silo dans le port de Rotterdam), ils ont aussi signé des travaux théoriques rendus sous la forme de courts-métrages en images de synthèse, à mi-chemin entre le cinéma d’anticipation et l’urbanisme. Imaginé en 1999, Metacity/Datatown est ainsi un programme urbain fondé sur de la pure statistique. L’accélération de la consommation et de la production à l’échelle des pays les plus développés pousse ici à rationaliser au maximum la surface du globe et à faire rentrer dans une ville de 400 km2 une population égale à celle des États-Unis. Rendue en pixels, la mégapole n’est que simulations numériques, mais la radicalisation des choix proposés pour son développement donne le sentiment inquiétant d’une virtualité à deux doigts du réel.

L’intensification des faits et le développement de situations critiques conduisant à la formulation de solutions parfois perçues comme extrêmes est une stratégie récurrente pour MVRDV. Réalisée en collaboration avec la Cité des sciences et de l’industrie, l’exposition scénario « Climax » consacrée au réchauffement de la Terre et à ses conséquences porte indéniablement la marque de l’agence. Originellement consultée pour la scénographie, MVRDV a proposé un concept complet, avec l’option « de ne pas se contenter d’expliquer le fonctionnement du climat mais de se consacrer à la recherche de solutions éventuelles [nous sommes des architectes] et d’“utiliser” le budget pour accroître nos connaissances, comme l’explique Winy Maas dans le catalogue de l’exposition. Au lieu de se contenter de représenter la science, la créer – production et non simple reproduction, analyse suivie de réalisation. Autrement dit, allier l’éducation au développement, l’accumulation du savoir à la création de savoir ». La première des trois parties de « Climax » est exemplaire de ce parti pris. Après une explication de l’effet de serre, un court-métrage de 20 minutes, volontairement spectaculaire par l’emploi d’une projection vidéo à 360°, décrit l’état probable de la Terre en 2100 (Chicago sous 40 °C, Paris transformée en Venise). Emploi du nucléaire, des énergies alternatives, baisse du recours à l’automobile, ralentissement du trafic aérien, les solutions pouvant réduire les émanations de CO2 et absorber les variations climatiques afférentes occupent la troisième partie du film d’animation. Mais c’est plus loin que MVRDV, excellant dans un cynisme pragmatique, fait le pari de la croissance et du progrès et dévoile les solutions les plus imaginatives pour s’adapter à une hausse de 6 °C : reconfiguration des villes pour aller dans le sens des vents dominants, pulvérisation de particules de sulfate dans l’atmosphère pour réfléchir la lumière du Soleil, ou satellites parasols délivrant sur Terre de larges surfaces d’ombre. Cela dit, la Hollande est aussi le pays du vélo.