Musique intérieure

Les voix de l’espace

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 6 février 2004 - 538 mots

Avec « Espace Oyssée », le Musée de la musique questionne les rapports de la musique et de l’espace. Une
interrogation qui flirte avec les arts plastiques et bénéficie de la présentation simultanée du projet « Audiolab ».

 PARIS - Initié en 2000 par Jean-Yves Leloup, critique et musicien, et Hervé Mikaeloff, consultant pour le mécénat de la Caisse des dépôts et consignations, le projet « Audiolab » livre aujourd’hui son troisième épisode. Renouvelée à chaque fois, cette alliance réussie entre le design, la musique et les arts plastiques prend la forme d’une « station d’écoute », un mobilier sonorisé où l’on peut écouter à son aise des œuvres signées par des musiciens et des artistes. Après les modules réalisés par Patrick Jouin et les frères Bouroullec, Laurent Massaloux a posé dans le hall de la Cité de la musique deux balancelles mi-pastorales mi - high-tech. En donnant à entendre dans le paisible roulis des escarpolettes les compositions de David Toop ou de Thomas Brinkmann, l’« Audiolab » opère sous ses atours de confortable banquette hi-fi un passage tranquille dans l’appréciation des musiques, un glissement entre la performance (le concert) et la diffusion.
La même question traverse l’exposition voisine du Musée de la musique. Sous l’intitulé « Espace Odyssée, les musiques spatiales depuis 1950 », la manifestation aborde la musique sous son angle spatial, s’attachant aussi bien aux recherches du Corbusier et de Xenakis pour le pavillon Philips (Exposition universelle de 1958) qu’au montage en séquence des musiques électroniques. Ce faisant, elle passe des compositions savantes aux musiques populaires, de la nature même du son (les expériences de spatialisation par le recours à des sources sonores multiples) à l’imaginaire qu’il véhicule (la science-fiction, inspiration de la musique afro-américaine à partir des années 1960). Confiée à Dominique Gonzalez-Foerster (espace) et Christophe van Huffel (son), la scénographie peine d’ailleurs à unifier des sujets finalement distincts. Malgré sa taille réduite, la diversité de la manifestation pousse à des visites et à des écoutes multiples. Pour ce faire, le visiteur peut utiliser le pick-up mis à disposition, saisir un des nombreux casques à sa portée, ou s’isoler dans un œuf stéréophonique pour apprécier une programmation qui va de l’élévation de l’Helicopter String Quartet de Stockhausen au jazz interstellaire de Marcus Belgrave (A Space Odyssey). L’attention des musiciens pour les conditions de réception de leurs œuvres, comme les compositions, instructions et autres effets spéciaux visant à entretenir avec l’espace un dialogue complexe, rejoignent évidemment des considérations développées dans les arts plastiques ces cinquante dernières années. Nulle surprise donc si les vidéos de Grazia Toderi envisagent l’espace de la musique comme celui de la représentation. Dès l’entrée, une reconstitution d’Imaginary Landscape IV de John Cage rend quant à elle physique un paysage d’onde invisible et muet dans des conditions normales. Douze postes de radio permettent d’arpenter par l’écoute des territoires sonores établis selon les thèmes de la voix, du minéral et de la ville. Des airs de musique ou de la musique dans les airs.

AUDIOLAB, jusqu’au 29 février, ESPACE ODYSSÉE, LES MUSIQUES SPATIALES DEPUIS 1950, jusqu’au 5 septembre, Musée de la musique, Cité de la musique, 221 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris, tlj sauf lundi 12h-18h, dimanche 10h-18h, tél. 01 44 84 44 84, www.cite-musique.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°186 du 6 février 2004, avec le titre suivant : Les voix de l’espace

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque