Floride

Palm Beach Classic, un salon en devenir

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 20 février 2004 - 784 mots

Sous la férule de sa nouvelle direction, Palm Beach Classic a fait peau neuve du 29 janvier au 8 février.

 PALM BEACH - Organisée par l’International Fine Art and Antique Fair (IFAE), la dernière édition de Palm Beach Classic marque un tournant dans son histoire pour le moins chaotique. Après des années d’enlisement, le nouveau vice-président de l’IFAE, Lorenzo Rudolf, a su redresser la barre. Même si le salon n’est pas le Maastricht américain auquel il prétend, il en adopte les allures professionnelles et l’organisation au cordeau. En un an, l’équipe de Lorenzo Rudolf a permis de véritables avancées en augmentant le budget consacré à la communication et en installant la foire dans le tout nouveau Palm Beach Convention Center. Les stands spacieux et une circulation aérée enterraient pour de bon l’ambiance brouillonne des anciennes tentes. Le directeur de la foire, David Setford, a aussi instauré une commission d’expertise composée de conservateurs et d’experts indépendants. Histoire d’éviter les règlements de comptes qui polluent de nombreux salons.
Les ordonnateurs ont toutefois commis une maladresse en prenant comme oriflamme L’Homme au gilet rouge et à l’embonpoint jovial de Rembrandt. Achetée par le marchand hollandais Robert Noortman chez Christie’s en 2001 pour 11,5 millions de dollars (environ 13,3 millions d’euros), puis trimbalée à Tefaf (Maastricht) et à la Biennale des antiquaires de Paris, cette toile se déclinait sur les étendards de Palm Beach. La préface du catalogue précisait qu’il s’agissait du premier Rembrandt jamais exposé dans une foire américaine. Un échange de « bons procédés » au terme duquel le marchand Robert Noortman a sans doute plus à gagner que les organisateurs. Même exceptionnelle, une œuvre galvaudée de salon en salon comme un gadget messied comme emblème à une manifestation en devenir.

Une poche avec un grand potentiel
Pour qui voulait chercher, la foire comptait pourtant quelques motifs de réjouissance, sans commune mesure certes avec le sieur goguenard de Rembrandt. Bon point pour l’enseigne londonienne et new-yorkaise Mallett, qui déployait un lustre en verre spectaculaire réalisé vers 1790 en Inde ou encore un étonnant cabinet doré réalisé en Angleterre pour la famille royale portugaise. Son directeur Henry Neville avoue des marges plus réduites, faiblesse du dollar oblige. Il réfléchit aussi davantage en billets verts qu’en livres sterling, alors que 70 % de son stand était importé d’Angleterre. Le tandem Gérard Orts et Guillaume Féau mérite une mention spéciale pour l’ambition de ses décors. Les boiseries de Féau ont su séduire le milliardaire Donald Trump qui a passé commande pour 3 millions de dollars. Les marchands de spécialités n’étaient pas en reste. Carolle Thibaut-Pomerantz proposait deux remarquables papiers peints par Dufour. L’un d’entre eux resplendissait de ses couleurs d’origine, donnant au visiteur le même effet que la chapelle Sixtine après restauration. Spécialiste réputé en armes, Peter Finer offrait un stand séduisant et « viril » avec ses fusils de chasse raffinés et une très belle plaque de sépulture médiévale. Mais tous les marchands ne s’étaient pas donné la peine de renouveler leur inspiration. Beaucoup songeaient déjà à Tefaf, baromètre du marché pour le moment incontesté si ce n’est par la Biennale des antiquaires de Paris. Dans le domaine des tableaux anciens, point fort de la manifestation hollandaise, Palm Beach Classic s’est révélée décevante. Grands marchands devant l’Éternel, Colnaghi (Londres) et Noortman proposaient l’un des peintures XIXe siècle peu affriolantes, l’autre une majorité de postimpressionnistes sans sel. Ils répondaient en cela à une clientèle locale portée sur la grande décoration.
La reprise serinée par l’administration Bush n’a pas eu d’effet immédiat sur la foire. Le quart des grandes fortunes américaines concentrées à Palm Beach en hiver n’ont pas dépensé leurs dollars aussi goulûment que les marchands l’espéraient. Malgré une amélioration ressentie lors du Winter Antique Show de janvier, Carolle Thibaut-Pomerantz reconnaît que les dépenses ne furent pas débridées, sauf pour les joailliers. « On s’attendait à ce que ce soit plus dynamique. Mais Palm Beach reste une poche avec un grand potentiel. Les clients qu’on y fait sont fidèles », confie la galeriste. L’argent est bien là, comme en témoigne la multitude de charities [dîners organisés au profit de bonnes causes] programmées en quelques mois. Même si le bilan commercial n’est pas fulgurant, Lorenzo Rudolf n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. Martelant en vrai prédicateur le leitmotiv de la qualité, il s’est déclaré prêt à faire le ménage chez les marchands de faible niveau. Si l’ex-artisan de la Foire de Bâle souhaite concurrencer Maastricht, il aura aussi intérêt à fusionner Palm Beach Classic et Palm Beach Contemporary. Une façon de concentrer les efforts et la clientèle. Une manière aussi de séduire les collectionneurs d’art contemporain dont le goût est plus sûr que la moyenne des old money du cru.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°187 du 20 février 2004, avec le titre suivant : Palm Beach Classic, un salon en devenir

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