Ventes aux enchères

Sotheby’s

Les œufs Fabergé regagnent leur nid

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 20 février 2004 - 844 mots

Les œufs Fabergé de la collection Forbes, promis à une vente publique chez Sotheby’s à New York en avril, ont été achetés par un milliardaire russe pour être ramenés et exposés au pays.

NEW YORK - La vente aux enchères des deux cents objets Fabergé de la collection Forbes, comprenant neuf œufs de Pâques impériaux, programmée les 20 et 21 avril chez Sotheby’s à New York, n’aura pas lieu. L’industriel russe Victor Vekselberg a racheté en début d’année les neuf précieux œufs ainsi que le reste de la collection afin qu’ils soient exposés dans un lieu public en Russie. Victor Vekselberg, 46 ans, dont le patrimoine est évalué à 2,5 milliards de dollars (1,9 milliard d’euros), est la quatrième fortune de Russie. Patron du groupe pétrolier russe TNK et président du conseil d’administration du groupe d’aluminum sibérien Sual – dont il est l’un des plus gros actionnaires –, il a expliqué que cet achat était « la chance d’une vie de rendre à son pays l’un de ses trésors les plus vénérés, peut-être le plus significatif de l’héritage culturel [de ses habitants] hors de Russie. Le contenu religieux, spirituel et émotionnel de ces œufs touche l’âme du peuple russe ».

La famille Forbes, dont le patriarche Malcom Forbes décédé en 1990 a commencé à constituer cet ensemble unique de pièces Fabergé à partir des années 1960, a accepté la transaction pour une somme non dévoilée. « Nous sommes enchantés que l’avènement d’une ère nouvelle en Russie y permette le retour de ces objets extraordinaires, ont déclaré les héritiers Forbes. Il y a plus de quatre-vingts ans, les œufs impériaux de Fabergé ont été dispersés à travers le monde. Notre père a passé des décennies à tenter passionnément de les réunir. » L’ensemble de la collection avait été estimé 90 millions de dollars au bas mot par Sotheby’s, mais l’accord se serait conclu pour environ 100 millions de dollars. Annuler des enchères en préparation pour procéder à une vente de gré à gré demeure un fait « extrêmement rare », indique-t-on chez Sotheby’s, qui, à l’occasion, se fait une publicité non négligeable, tout en économisant d’importants frais en marketing, publicité, logistique, assurance et sécurité, comme en impression et diffusion de catalogues. « Nous étions très excités à l’idée de ces enchères extraordinaires, mais nous savions que cette offre remarquable et le retour des œufs impériaux en Russie devaient être considérés très sérieusement », a commenté le président de la société, Bill Ruprecht.

Cinquante œufs ont été créés par le joaillier Peter Carl Fabergé pour la famille impériale russe entre 1885 et 1916, avant d’être vendus à l’Ouest par le régime bolchevique. Le tout premier œuf, L’Œuf à la poule (estimé 3 à 4 millions de dollars), qui fait partie de la collection Forbes, avait été commandé par le tsar Alexandre III comme présent de Pâques pour la tsarine Maria Fiodorovna. Joyau d’entre tous les joyaux et pièce maîtresse de la collection, L’Œuf du couronnement, estimé entre 18 et 24 millions de dollars, avait été offert par le tsar Nicolas II à l’impératrice Alexandra en 1897, à Pâques, pour célébrer son accès au trône. Sur ces cinquante trésors, huit ont disparu. Dix se trouvent au Kremlin. La reine d’Angleterre en possède trois, le prince Rainier de Monaco, un. D’autres sont visibles dans des musées, dont cinq au Musée de Virginie, trois au Musée de la Nouvelle-Orléans, deux au Hillwood Museum, à Washington. Nul ne sait encore où les neuf œufs impériaux de la collection Forbes seront exposés en Russie. Plusieurs institutions souhaiteraient les accueillir dans leur collection, à l’instar du palais des Armures du Kremlin à Moscou ou du Musée national de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg. Le directeur de cette dernière institution, Mikhail Piotrovsky, a défendu sa position : « Contrairement au Kremlin, qui dispose déjà de plusieurs œufs Fabergé (la plus grande collection au monde), l’Ermitage n’en possède aucun. Pourtant, c’est à l’Ermitage, au célèbre Palais d’Hiver, que la famille impériale gardait les fameux œufs. » Mais l’industriel russe, qui ne s’est pas encore décidé, s’est déclaré ouvert à « d’autres options », en mentionnant notamment la cathédrale du Christ-Saint-Sauveur à Moscou, détruite sur ordre de Staline en 1931 et reconstruite par la suite. Il a aussi exprimé la volonté d’acquérir dans un proche avenir d’autres biens culturels russes, ceci par le biais de la fondation qu’il a créée pour acheter la collection Forbes. Les œufs de ladite collection devraient rentrer en Russie à temps pour Pâques, dont la date – le 11 avril – coïncide cette année pour l’Église russe orthodoxe et l’Église catholique. Pour faciliter ce transfert, le gouvernement russe a levé les droits et taxes dus à l’importation, dont le taux devait avoisiner les 30 % du prix d’achat. Afin d’éviter de payer de tels droits, presque toutes les œuvres d’art acquises à l’étranger par de riches Russes demeurent dans leurs résidences hors de Russie. Victor Vekselberg a accepté que les fameux œufs soient exposés au siège de Sotheby’s à New York du 12 au 15 février avant qu’ils ne regagnent la Russie.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°187 du 20 février 2004, avec le titre suivant : Les œufs Fabergé regagnent leur nid

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