Marc Dilet

Paris s’éveille

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 20 février 2004 - 500 mots

L’un des engagements majeurs de Bertrand Delanoë durant sa campagne pour enlever la municipalité parisienne au RPR, qui la détenait depuis vingt-cinq ans (avec Jacques Chirac puis Jean Tibéri), portait sur la création de 45 crèches en cinq ans.
Dès son arrivée à l’Hôtel de Ville, élections gagnées, le nouveau maire met en chantier son programme. Il annonce que les appartements privés du maire (une exception, puisque dans notre pays où foisonnent les « logements de fonction » il est de règle que ces élus-là n’en disposent pas…) seront au plus tôt transformés en une crèche pour 45 enfants de trois mois à trois ans, au premier étage de l’hôtel de ville, structure augmentée d’une halte-garderie pour 22 enfants de 2 à 6 ans au rez-de-chaussée. Un concours est immédiatement organisé, remporté par Marc Dilet, un architecte tout juste cinquantenaire et ayant effectué une large partie de son itinéraire aux États-Unis et au Japon.
Dilet s’empare des 700 mètres carrés à aménager, répartis en 500 mètres carrés sous 5 mètres de hauteur de plafond au premier étage, et 200 mètres carrés sous 3,70 mètres de hauteur de plafond au rez-de-chaussée.
D’emblée, l’architecte décide de conserver les décors intérieurs, les moulures, les cheminées, les portes et les parquets, de les adapter et de les faire dialoguer à travers des juxtapositions, des additions et des superpositions – espaces dans l’espace dont la réalité volumétrique et polychromique crée, pour chacun des lieux, des variations d’échelles et d’aspects. Soit un dédale enchaînant microcosmes et macrocosmes, grands espaces et petits lieux cachés, entrées et sorties : « J’ai articulé des petits lieux publics et d’autres privés, des dedans et des dehors pour entrer, puis sortir et comprendre : le calme et le bruyant, le devant et le derrière… J’ai ajouté à l’espace existant des micro-architectures avec les bow-windows, les oculus, les lambris, les cheminées. Et puis, des portes dérobées, anciennes ou nouvelles, qui autorisent, physiquement ou visuellement, des faufilements », confie l’architecte.

« Petites maisons »
Au total, un pari réussi, grâce à cet enchaînement de séquences caractérisées par des formes arrondies et ondoyantes. Chaque séquence étant une « petite maison » en soi où les enfants jouent, se restaurent, dorment… avec un mobilier intégré d’une extrême praticité. À ces « maisons » s’ajoutent une bibliothèque, une pièce pour le théâtre, le lieu pour les parents, le cabinet médical, la cuisine… et une étonnante salle d’eau, évocation de thermes publics, où les enfants peuvent jouer, éclabousser, « inonder » en toute liberté.
Nec plus ultra, une partie des jardins de l’hôtel de ville – soit 200 mètres carrés à l’angle de la rue Lobeau et du quai de l’Hôtel-de-Ville –, accessible par une légère passerelle, a été récupérée en faveur de la crèche - halte-garderie.
Au total, l’opération dédale/espaces dans l’espace/ruptures d’échelles menée par Marc Dilet constitue non seulement une promenade sur un mode ludique, mais également un exercice d’appréhension de l’espace et du déplacement en tout point remarquable. Soit une promesse électorale tenue avec brio.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°187 du 20 février 2004, avec le titre suivant : Paris s’éveille

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