Salon

Forum berlinois

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2007 - 718 mots

La foire, organisée du 23”¯septembre au 3”¯octobre, s’est nettement améliorée.

 BERLIN - Sans coup de force ni coup de semonce, la foire Art Forum Berlin s’est bonifiée en deux ans. Malgré l’absence de prestations très marquantes, le visiteur avait de quoi butiner, entre les peintures historiquement référencées de Matthias Bitzer chez Iris Kadel (Karlsruhe), l’univers intime de Miri Segal reconstitué sur Second Life chez Dvir (Tel-Aviv), ou encore Andrey/Andris, une vidéo troublante de Mark Raidpere présentée par Michel Rein (Paris).
Le salon révélait aussi quelques tics des artistes actuels, comme l’abus du collage, mis à toutes les sauces au gré d’emprunts à Dada ou aux vétérans des seventies. Autre gimmick, la tentation du cabinet de curiosités. Néanmoins, si un Ed Templeton, à l’affiche de la galerie Tim Van Laere (Anvers), a toujours réuni ses pièces sous la forme de constellations, le dispositif utilisé par Klara Wallner (Berlin) pour présenter un pot-pourri de ses artistes est apparu très artificiel. L’architecture était aussi en odeur de sainteté, entre la structure éclatée de Jürgen Mayer H. dont les couleurs se prolongeaient sur le sol de Magnus Müller (Berlin), et les volumes chaotiques de Nicolas Guiot chez MBProspects (Berlin). Anselm Dreher (Berlin) avait, lui, repoussé les contraintes de son stand grâce à une mezzanine conçue par Folke Köbberling & Martin Kaltwasser.
Cortex Athletico (Bordeaux) questionnait autrement les limites d’une foire comme lieu de monstration. Ainsi le travail complexe de Benoît Maire sur le mythe de Tirésias nécessitait-il un temps d’arrêt que s’autorisent rarement les arpenteurs des salons. Les écouteurs d’une sculpture en apparence fragile grésillaient de façon inaudible dans le tohu-bohu général. Tirésias n’est-il d’ailleurs pas l’incarnation de la cécité ?
En tout cas, le public – composé de poids lourds comme la Londonienne Anita Zabludovic ou les Horst venus de New York – n’était en rien aveugle. « Le niveau des visiteurs est supérieur à celui d’il y a deux ans. Les gens sont informés, ce qui est très stimulant intellectuellement », remarquait la consultante new-yorkaise Uta Scharf. Le commerce a toutefois été mitigé. Si les galeries allemandes affichaient des mines réjouies, tel n’était pas le cas de toutes les enseignes françaises. Nathalie Obadia (Paris) a certes fait feu de tout bois en vendant une grande huile de Frank Nitsche au collectionneur turc Can Elgiz et un Nicola Tyson au photographe Mario Testino. De même, Praz-Delavallade (Paris) a réussi son baptême berlinois sur le plan tant des contacts que des transactions, en cédant notamment des pièces de Jim Shaw et de Marnie Weber. Le reste du contingent hexagonal et certains étrangers comme Anna Helwing (Los Angeles) se sont cependant tourné les pouces. « Le fait que les grandes galeries de Berlin ne participent pas à la foire pose un problème, tout comme l’absence d’un marché local », regrettait Laurent Godin (Paris), bien marri malgré son beau one-woman show de Delphine Coindet. « La foire est anecdotique par rapport aux galeries. L’offre dans la ville est tellement dense et intéressante que les gens passent peu de temps sur le salon pour visiter plutôt les galeries. » Michel Rein, dont les transactions n’ont pas été délirantes, inscrit pourtant Art Forum Berlin sur son calendrier 2008. « Nous sommes tenus d’être présents à Berlin, car la moitié des artistes que nous exposons, ainsi Saâdane Afif ou Maja Bajevic, y vivent, observe-t-il. C’est même dangereux à terme qu’autant d’artistes partent vivre à Berlin, car cela les rapproche des galeries locales. Soit on accepte de perdre une relation de proximité avec eux, soit on doit émigrer à Berlin. »

L’apothéose de Mike Kelley

Avec l’exposition « Kandors » chez Jablonka (jusqu’au 24 novembre), l’événement sans doute le plus réussi à Berlin, le tonton flingueur Mike Kelley montre qu’il a encore beaucoup de ressources. Qu’est-ce que Kandor ? La capitale de Krypton, la planète mère de Superman. D’après la légende, cette ville mythique aurait été conservée en réduction dans une bouteille. Dans l’iconographie de Superman, la représentation de cette ville a fortement évolué. Mike Kelley a choisi de reconstituer dix bouteilles, accompagnées de vidéos et de caissons lumineux. Ce travail de réactivation de la mémoire n’est pas sans rappeler les ferments de son Educational Complex (1995), une modélisation de tous les établissements scolaires que l’artiste a fréquentés dans sa jeunesse. À exposition exceptionnelle, prix corsés, allant de 650 000 à 900 000 dollars (460 800 à 638 000 euros).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°267 du 19 octobre 2007, avec le titre suivant : Forum berlinois

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