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Le bonheur versatile

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2007 - 565 mots

Signe des jeux de balancier propre à la mode, Frieze s’est fait voler la vedette cette année par la Zoo Art Fair. « La taille de Zoo est plus gérable que celle de Frieze, où le visiteur est déboussolé et n’a plus de surprises. Ici il y a de l’énergie et de l’excitation », affirmait Jane Noraika, de la galerie One in the Other (Londres). Un esprit proche de la première édition de Frieze… La foire off a troqué ses anciens pénates dans le Zoo de Regent’s Park pour les espaces plus labyrinthiques de Burlington Gardens, situés derrière la Royal Academy of Art. Un déménagement qui a permis d’internationaliser un chouia un contingent habituellement très britannique. Qui dit international ne dit pas nécéssairement qualité et, excepté quelques recrues comme Travesía Cuatro (Madrid) et Annex 14 (Berne), la plupart des exposants jouaient, qui sur le grandiloquent, qui sur le bout de ficelle. Les ventes furent toutefois globalement soutenues. Travesia Cuatro a cédé un ensemble de trente dessins de José Dávila à l’artiste Keith Tyson et un alignement vertical de boîtes en carton vissés au mur du même Davila à la Colecção Madeira Corporate Services (Madère, Portugal). La galerie One in The Other a vendu une peinture de Luke Caulfield à la collectionneuse Anita Zabludovic tandis que Charles Saatchi a emporté une installation bruyante de Graham Hudson chez Rokeby (Londres). Les autres foires alternatives ont, du coup, fait les frais du succès de Zoo. Logée dans les bâtiments cosy du County Hall, Year07 a pêché par un cruel manque de communication et une organisation chaotique. En offrant le stand le plus cohérent de la mêlée, la galerie Anne Barrault (Paris) a toutefois fait mouche avec les dessins de Killoffer, lesquels ont séduit le collectionneur australien David Walsh.

Même amnésie
Last but not least, la foire « DesignArt London », lancée par Patrick Perrin, s’est imposée d’emblée comme un rendez-vous pour les collectionneurs en quête d’élégance et de respiration. Une élégance qui se déclinait notamment dans la céramique, entre les mélanges velouté-granulé de Kristin McKirdy chez Pierre-Marie Giraud (Bruxelles) et la matière en apparence caoutchouteuse d’Anita Manshanden chez Clara Scremini (Paris). De son côté, Patrick Seguin (Paris) a cédé sans coup férir son ensemble de Royère. Pour Sebastian  Barquet (New York), qui ouvrira l’an prochain une antenne à Londres, « il y a en Angleterre un vide de pièces de grande qualité et le salon l’a comblé ». La palme qualitative est revenue à Dewindt (Bruxelles), avec de vrais petits bijoux d’objets en argent d’Andrea Branzi et une salle à manger de Gerrit Rietveld des années 1930. Étrangement, cet ensemble pourtant rare n’a pas trouvé preneur. « Peut-être cela se serait-il vendu si c’était doré ou brillant », ironisait Jacques Dewindt. L’amnésie qui frappe les amateurs d’art contemporain n’épargne pas ceux de design – il s’agit somme toute de la même tribu. « Les gens aujourd’hui vendent du design comme un produit de luxe, regrette Philippe Denys (Bruxelles). Je suis favorable au mélange art contemporain et design, mais pas n’importe quel art contemporain et n’importe quel design. » Cette réflexion prenait tout son sens sur le stand de la galerie Jablonka (Cologne, Berlin) sur Frieze. Celui-ci déployait en vis-à-vis de photographies vulgaires de David LaChapelle les dernières œuvres plus sculpturales que fonctionnelles de Ron Arad, remix d’Anish Kapoor et Tony Cragg affichées dans une gamme indécente allant de 450 000 à 800 000 euros. L’extension du domaine du design vire au grand n’importe quoi.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°267 du 19 octobre 2007, avec le titre suivant : Le bonheur versatile

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