Analyse

Ouvrir les premiers sas

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2007 - 495 mots

Aujourd’hui, les conseillers en œuvres d’art occupent auprès des collectionneurs américains un rôle aussi prépondérant que leurs psychanalystes ou leurs décorateurs. Outre la minimisation des risques et le gain de temps, le recours au conseiller s’explique par la diversité de l’offre. Même pour les amateurs les plus aguerris, quadriller les centres traditionnels de Londres ou New York relève du tour de force. Qui plus est quand il s’agit de défricher les nouvelles périphéries !
Marc Blondeau fut le premier à instituer ce métier en 1987. Depuis, l’élargissement de la clientèle et sa méconnaissance tant des œuvres que des mécanismes du marché a donné des ailes à cette profession. Les conseillers font office de sésame dans un contexte où les galeries d’art contemporain exigent un curriculum vitae, pire un pedigree, de la part des collectionneurs. « Certains amateurs ont été écœurés par le mépris de quelques galeries. En ayant un conseiller qui est aussi commissaire d’exposition, le regard qu’on porte sur eux change. Je leur ouvre les premiers sas », indique Laurence Dreyfus. Pour Patricia Marshall, conseillère de la Collection Jumex à Mexico, « le conseiller est une sorte de protecteur pour le client qui ne sait pas où aller. Il donne une cohérence à sa collection, étudie les prix, fait un tamis, ouvre la route pour regarder les choses ». Il est toutefois rare qu’il forge l’ensemble d’une collection. « On est moins adviser que poisson-pilote, souligne le courtier Philippe Ségalot. La clé de notre métier, c’est d’avoir accès aux œuvres sur le premier marché, ou auprès des familles d’artistes et des collectionneurs. » Truffiers ou fournisseurs, les conseillers analysent aussi les courbes du marché et anticipent les retours de bâton.

Proie facile
Ces services ont bien sûr un prix. Les prestataires perçoivent généralement des commissions d’environ 10 % du montant de la transaction, sommes accordées par leurs clients et non par les galeries, pour éviter les conflits d’intérêts. Laurence Dreyfus a instauré le principe d’un contrat d’un an renouvelable avec les quatre collectionneurs dont elle s’occupe. Cet arrangement induit un forfait fixe, de 5 000 à 10 000 euros par an, et une commission de 5 à 10 %. « Quand je ne percevais pas d’honoraires fixes, les gens prenaient les noms que je leur indiquais et allaient acheter tout seul, précise Laurence Dreyfus. Je suis aussi amenée à proposer des œuvres qui n’aboutissent pas forcément à un achat. Or il y a un grand travail de recherche qui se paye. »
Le dynamisme du marché a toutefois provoqué l’affluence dans cette profession de nouveaux venus aussi parasites qu’ignorants. Ces derniers, qui bien souvent prennent eux-mêmes conseil auprès des vraies têtes chercheuses, font illusion auprès des acheteurs naïfs. « Un jeune collectionneur est une proie facile. Les gens achètent souvent pour de mauvaises raisons, pour la mode ou le passeport social. Ils peuvent du coup tomber dans le panneau », avertit Patricia Marshall. Faute d’un vrai bagage artistique, ces conseillers sortis du chapeau embarquent leurs clients vers des artistes branchés que l’histoire ne retiendra probablement pas. Tout conseil n’est pas bon à prendre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°267 du 19 octobre 2007, avec le titre suivant : Ouvrir les premiers sas

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