Collection manifeste

Les petits riens de la vie

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2007 - 616 mots

À l’origine, un drôle de bonhomme, vif comme l’argent, débordant d’enthousiasme et d’appétit, au geste ample et au rire communicatif : Nicolas Samsoen, 36 ans, directeur général de l’Établissement public d’aménagement du Mantois-Seine-aval (Epamsa). 

Normalien, ingénieur des Ponts et Chaussées, titulaire de deux DEA (diplômes d’études approfondies, en mathématiques et en économie), le voilà donc, en 2004, à la tête de l’Epamsa, qui réunit cinquante et une communes des Yvelines et concerne 370 000 habitants, de Poissy à l’est jusqu’à Limetz-Villez à l’ouest, en passant par Conflans-Sainte-Honorine, Flins-sur-Seine, Porcheville et Mantes. Confronté à un considérable programme d’aménagement de territoires multiples, Samsoen est un convaincu du développement durable et n’envisage pas l’avenir autrement. Ce qui ne l’empêche pas de savourer pleinement, sur son trajet quotidien, ce témoignage d’une modernité triomphante qu’est la villa Savoye, édifiée à Poissy par Le Corbusier en 1928, et qui, pour lui, a valeur d’exemple.

Naît alors dans son esprit l’idée d’une action exemplaire qui entraînerait tout le reste dans la direction qu’il souhaite : « Une “collection manifeste” qui sera le moyen d’ancrer le projet dans le XXIe siècle, à travers le développement durable certes, mais aussi et surtout par la créativité et l’enthousiasme qu’elle suscitera, fédérant ainsi les cinquante et une communes et inscrivant l’ensemble dans le temps. »

Samsoen rencontre François de Mazières, président de la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, et les deux entités s’accordent sur le projet : cinquante et une communes, autant de projets, d’années de construction, d’architectures, de moments d’architecture. Marie-Hélène Contal, de la Cité, va structurer et peaufiner le projet. L’objectif dès lors devient clair : chacune des architectures sera « publique, progressiste et éthique ». Et constituera un équipement de petit format.

Sélection sur dossier
Jana Revedin entre ici en scène en tant que commissaire général de l’opération. Issue d’une vieille famille prussienne d’origine huguenote française, elle a étudié l’architecture à Buenos Aires et Milan, puis travaillé à Naples, Venise et Vienne. Belle comme la nuit, tout aussi enthousiaste que Samsoen, engagée dans des projets humanitaires et caritatifs, ouverte au monde, grande spécialiste des avant-gardes et par ailleurs titulaire d’un CAP de menuisier-ébéniste, elle va sélectionner cinq candidats pour le premier projet qui sera un gîte urbain, petit centre d’hébergement et de séminaire d’une surface de 300 m2  à édifier en 2008 à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Cinq candidats (l’Allemand Stefan Behnisch, l’Indien Balkrishna Doshi, la Française Françoise-Hélène Jourda, l’Autrichien Hermann Kaufmann et le Chinois Wang Shu), parmi lesquels le lauréat sera choisi non pas sur projet mais sur dossier. Le 24 septembre, le jury, présidé par le photographe et académicien Yann Arthus-Bertrand et réuni, comme il se doit, à la villa Savoye, à Poissy, désigne Hermann Kaufmann lauréat et en charge du gîte de Chanteloup-les-Vignes. Né en 1955 dans le Vorarlberg, Kaufmann a passé son enfance sur les pentes et dans les scieries d’une région dont la seule richesse était la forêt. Rien d’étonnant, dès lors, que son architecture fasse la part belle au bois. Mais voilà, comme le souligne Marie-Hélène Contal, « le thème central de son travail est la recherche d’une architecture qui soit actrice d’une gestion durable des ressources, en repoussant les limites des possibilités constructives du bois ». Tout laisse donc à penser qu’avec Kaufmann architecture et développement durable feront bon ménage, et dans un registre autrement enthousiasmant que ce que prévoit l’étroite et contraignante réglementation de la HQE (haute qualité environnementale).

Un an à attendre pour être fixé puisque le gîte doit ouvrir ses portes dès 2008. Mais cinquante et un ans à patienter avant de pouvoir savourer la collection complète de ces architectures manifestes et durables rêvée et voulue par Nicolas Samsoen, Marie-Hélène Contal, Jana Revedin et beaucoup d’autres.

Rendez-vous est donc pris en 2058 que d’autres honoreront à notre place.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°267 du 19 octobre 2007, avec le titre suivant : Les petits riens de la vie

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