Patrimoine

Au secours de l’Imprimerie nationale

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2007 - 679 mots

Un ambitieux projet prévoit de rapprocher la maison d’édition et l’École Estienne,
même si des problèmes de tutelle persistent.

 IVRY-SUR-SEINE - Démantelé, déménagé provisoirement dans des locaux devenus trop exigus depuis 2005, ce qui reste du département patrimonial de la prestigieuse Imprimerie nationale (IN) se meurt lentement du côté d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), en dépit des 21 500 signatures recueillies par le collectif Garamonpatrimoine lors d’une pétition internationale. Depuis 2005, l’Atelier du livre d’art et de l’estampe fonctionne au ralenti, avec un risque d’incendie permanent pour ses machines, dont certaines datent du XVIIIe siècle. Les chefs d’atelier (lithographes, phototypeurs, typographes au plomb, graveurs), détenteurs d’un savoir-faire unique, se sont désormais résignés à transmettre leurs connaissances à des artisans indépendants, de peur de voir disparaître leurs métiers. Ceci dans l’indifférence générale malgré les promesses de campagne des candidats à l’élection présidentielle. « Conserver et valoriser le patrimoine, assurer sa transmission sont à mes yeux les premiers devoirs de l’État. […] Les collections historiques de l’Imprimerie nationale ont une grande valeur. […] Si je suis élu président de la République, je demanderai qu’elles soient examinées avec la plus grande attention, compte tenu des enjeux historiques et culturels que vous évoquez », n’a pas hésité à écrire Nicolas Sarkozy au collectif Garamonpatrimoine en avril 2007. Depuis, l’un de ses membres, l’écrivain Jérôme Peignot, se désespère. Reçu en juin par les services de la ministre de la Culture sans obtenir l’assurance d’une évolution du dossier, il vient d’adresser une nouvelle lettre au président de la République, lui demandant en priorité le transfert de tutelle des collections du ministère des Finances vers le ministère de la Culture.
Les malheurs de l’IN commencent en 1994, quand, à la demande de Bruxelles, celle-ci doit abandonner son monopole sur les publications de l’État et perd progressivement 40 % de son chiffre d’affaires (annuaires, rapports, pièces d’identité…). Seule l’édition de livres d’art, largement déficitaire, perdure. En 2003, l’État, unique actionnaire de la société anonyme, décide de vendre ses locaux situés rue de la Convention (Paris-15e) afin d’éponger les dettes. Les bâtiments seront cédés pour 85 millions d’euros, avant d’être rachetés à destination d’une autre affectation… par l’État en 2007 pour 376 millions d’euros ! Ce problème a été soulevé dans un rapport publié début octobre par l’inspection des Finances. La présence de collections classées monuments historiques (quelque 500 poinçons) empêche toutefois de se débarrasser de l’ensemble qui est déménagé à Ivry-sur-Seine. En 2006, plusieurs projets mal ficelés sont esquissés dans le cadre d’une mission d’étude menée par les services de l’État. Ceux-ci privilégient la seule conservation muséale de ce patrimoine.

Un « plan livre » pour bientôt
Depuis 2004, Garamonpatrimoine défend pourtant un projet cohérent de « Conservatoire de l’imprimerie, de la typographie et de l’écrit » (CITÉ), alliant patrimoine, exploitation commerciale et enseignement. Une implantation dans les anciens locaux de L’Illustration, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), a été envisagée sans jamais voir le jour, malgré le soutien de la Ville, du département de Seine-Saint-Denis et de la Région Île-de-France. Un second projet, plus novateur, prévoit de lier l’avenir de l’IN à celui de l’École Estienne (École supérieure des arts et industries graphiques). Trop à l’étroit dans ses locaux vétustes du boulevard Blanqui (Paris-13e), celle-ci voudrait s’implanter plus au large. Et pourquoi ne pas y inviter l’Atelier du livre d’art et de l’estampe avec ses collections et sa bibliothèque riche de 30 000 volumes, en créant des connexions autour des métiers du livre, à partir de trois mots-clés : formation, création, recherche ? Séduisant et porté par son proviseur, Catherine Kuhnmunch, le projet bute sur quelques tristes réalités administratives. L’École Estienne est en effet placée sous la double tutelle de l’Éducation nationale et de la Ville de Paris, alors que l’IN dépend toujours du ministère des Finances. Seul le ministère de la Culture, en acceptant un transfert de tutelle, pourrait opérer la liaison. Mais Rue de Valois, et malgré les déclarations de la ministre Christine Albanel voulant faire du livre une priorité de son action, personne ne semble pressé d’assumer des charges supplémentaires. À moins que le « plan livre », annoncé pour l’automne, ne fasse enfin une place à l’IN et à ses collections uniques au monde sur l’histoire de l’écrit ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°267 du 19 octobre 2007, avec le titre suivant : Au secours de l’Imprimerie nationale

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