Diplomatie

Le Parlement autorise la création du Louvre-Abou Dhabi

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 23 octobre 2007 - 933 mots

Le texte de l’accord signé le 7 mars a subi peu de critiques de la part des sénateurs et des députés.

PARIS - C’est sans surprise que le projet de loi autorisant l’approbation des accords relatifs au « musée universel d’Abou Dhabi » a été voté le 9 octobre par l’Assemblée nationale devant une poignée de députés. Seul le groupe socialiste, par la voix de Patrick Bloche, s’est abstenu. Le texte avait été adopté le 25 septembre par les sénateurs, dans le cadre d’un débat un peu plus enlevé au cours duquel le groupe communiste et quelques socialistes avaient défendu l’abstention. Ainsi l’ancienne ministre de la culture, Catherine Tasca, soulignant une contradiction dans la politique de l’État : « D’une part, depuis quelques années, on prône à tout va l’autonomisation des musées […]. D’autre part, dans le même temps, on lance cette opération d’Abou Dhabi en y impliquant avec le Louvre les principaux musées nationaux, de la façon la plus autoritaire, la plus directive, la moins concertée. » Au sein de la majorité présidentielle, plusieurs parlementaires ont regretté que ce projet ait été négocié de manière opaque, déplorant n’avoir été sollicité que pour l’entériner. « Peut-on raisonnablement percevoir une telle somme sans que l’Assemblée nationale ne reçoive des éclaircissements ? », s’est ainsi interrogé Patrick Bloche. Deux députés, François Rochebloine (Nouveau Centre) et Christian Kert (UMP) ont par ailleurs demandé à l’agence France-Muséums de venir rendre compte chaque année de son travail devant le Parlement. Christine Albanel s’y est engagée. « Cette extrême discrétion avait été souhaitée par les Émiratis », a néanmoins précisé la ministre de la Culture.

Clause de retrait
La balle est désormais dans le camp de France-Muséums, l’Agence internationale des musées de France, récemment remaniée pour piloter le seul projet du Louvre-Abou Dhabi. Celle-ci a en effet du travail en perspective. Selon les termes de l’accord conclu le 6 mars 2007 pour une durée de trente ans et six mois, France-Muséums doit non seulement établir le projet scientifique et culturel du musée, mais aussi piloter sa stratégie de développement, lancer sa politique d’acquisition, jouer un rôle d’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour la construction du bâtiment de Jean Nouvel, aider les Émiratis à constituer et à former leur équipe de direction, et enfin, dès l’ouverture du musée, organiser quatre expositions temporaires par an durant quinze ans. « Le projet est maîtrisable dans ses dimensions, a toutefois tenu à souligner Marc Ladreit de Lacharrière, son président. Les salles des expositions permanentes équivalent à un étage de Beaubourg et celles des expositions temporaires, au hall Napoléon du Louvre. » Pourtant, d’après le P.-D. G. de Fimalac – groupe très impliqué dans le projet –, l’agence ne doit pas se disperser, pour une simple « question de bon sens ». Ce dernier est en effet l’instigateur du choix d’un statut de droit privé. À sa demande, les représentants de l’État (ministères de la Culture et des Affaires étrangères) ont par ailleurs renoncé en juillet dernier à leur droit de veto au sein du conseil d’administration (lire le JdA no 264, 7 septembre 2007, p. 5). De même, des incertitudes demeurent sur le mode de redistribution des sommes perçues vers les musées participant aux prêts d’œuvres. Celui-ci sera défini ultérieurement. « Je travaillerai au consensus », a précisé le directeur de France-Muséums, Bruno Maquart. Dans une optique nouvelle de transparence, le projet scientifique et culturel de l’établissement sera rendu public le 13 décembre. La question des prêts est l’un des sujets sensibles de cette opération. L’accord en détaille les conditions : trois cents, dont « une part raisonnable d’œuvres du Louvre » dès l’ouverture du musée, deux cent cinquante à partir de la quatrième année d’ouverture, deux cents la septième année. Les prêts cesseront à la onzième année. Ils seront octroyés pour une durée allant de six mois à deux ans, leur liste étant soumise à l’approbation émiratie. Plusieurs mesures conservatoires ont été prévues, notamment une clause de retrait en cas de menace pour la sécurité des œuvres, les tribunaux français ayant une compétence exclusive en cas de litige. En gratification, les salles d’un étage du pavillon de Flore sis au palais du Louvre, réattribuées au Musée, seront rebaptisées du nom d’une personnalité des Émirats arabes unis. « Cela permettra au Centre de recherche et de restauration des musées de France de se retirer du Louvre », a précisé la ministre, sans en dire plus sur l’avenir de cette institution. L’enjeu semble supérieur, à en croire les déclarations d’Henri Loyrette, reprises le 9 octobre par le député Olivier Dassault (UMP), dans l’Hémicycle : « Les Émiriens ont fait le choix que la Révolution a fait en 1793, celui d’un musée universel, privilégiant, à l’heure du repli identitaire, les intérêts de ce qu’on appela la “République des Lettres”. Le nom du Louvre, l’expertise du Louvre en sont le garant et le symbole. » Monnayés au prix fort (lire l’encadré).

Une affaire de gros sous

- Budget annuel moyen pour l’acquisition des œuvres : 40 millions d’euros

Expositions (sommes versées à l’ouverture du musée)
- Budget annuel moyen pour la programmation des expositions temporaires : 13 millions d’euros
- Budget annuel moyen pour l’organisation des expositions :8 millions d’euros (hors frais d’assurances)
- Contribution annuelle de soutien aux musées français : 5 millions d’euros
- Redevance pour les prêts hors expositions temporaires : 190 millions d’euros échelonnés sur dix ans (hors frais de transport)
- Redevance versée pour l’utilisation pendant trente ans du nom Louvre : 400 millions d’euros (dont 150 ont déjà été versés)
- Mécénat pour le Musée du Louvre : 25 millions d’euros
- Mécénat pour Fontainebleau : 10 millions d’euros

Les bénéfices et redevances versées à France-Muséums et au Musée du Louvre sont exonérés d’impôts. Le Musée du Louvre percevra par ailleurs un intéressement sur les produits dérivés estampillés Louvre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°267 du 19 octobre 2007, avec le titre suivant : Le Parlement autorise la création du Louvre-Abou Dhabi

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