Première

Monet fait son show à Las Vegas

Le Journal des Arts

Le 19 mars 2004 - 664 mots

Stupeur dans le monde des musées américains. Le Museum of Fine Arts de Boston loue ses tableaux de Claude Monet à un espace commercial de Las Vegas.

 LAS VEGAS - Le Museum of Fine Arts (MFA) de Boston (Massachusetts) loue depuis le 30 janvier 21 de ses 36 tableaux de Claude Monet à la Bellagio Gallery of Fine Arts, installée dans un hôtel de Las Vegas (Nevada). Parmi ces œuvres figurent des vues de la Cathédrale de Rouen, des Nymphéas, et des Meules. L’heureux bénéficiaire est un espace d’exposition à vocation commerciale, installé au sein de l’hôtel et du casino du Bellagio. Ce lieu est géré par Paperball, une maison d’édition affiliée à la célèbre galerie d’art new-yorkaise, PaceWildenstein.
Andrea Bundonis, qui dirige Paperball avec son époux Marc Glimcher, lui-même président de PaceWildenstein, a refusé, tenue au secret par contrat, de dévoiler les conditions financières de l’opération. Elle spécifie toutefois que « Paperball gère cet espace comme une affaire commerciale, laquelle ne sera rentable qu’une fois les prêteurs satisfaits sur le plan financier ». « Nous ne gagnons pas d’argent tant qu’ils n’en gagnent pas », précise-t-elle encore. En effet, les associés pourront se partager les recettes de la vente des billets d’entrée et des produits dérivés seulement lorsque Paperball sera rentrée dans ses frais, notamment après paiement de l’assurance et du transport des pièces.
D’après l’hebdomadaire américain Newsweek du 26 janvier 2004, Paperball – ou PaceWildenstein – a garanti au musée de Boston un revenu minimum de 1 million de dollars dans cette opération. Le directeur du MFA, Malcolm Rogers, nous a pour sa part confié que « ce chiffre est une pure spéculation ».
Cette location à une société commerciale d’œuvres d’art issues du fonds d’un musée est un véritable pavé dans la mare. Selon certains, elle enfreindrait le code de déontologie de l’Association of Art Museum Directors (AAMD, l’Association de directeurs de musées d’art). Ce texte stipule que, « pour toute décision sur le prêt d’une collection, le mérite intellectuel et les bénéfices sur le plan de l’enseignement ainsi que la protection de l’œuvre d’art doivent être pris en considération, et ce en priorité face aux bénéfices financiers potentiels ». Selon Peter Morrin, président de l’AAMD, « les avis sont partagés chez les membres de l’AAMD autour de ce prêt consenti par Boston. C’est un sujet de discussion à l’ordre du jour de plusieurs de [leurs] comités ».

Enjeu financier
Si Malcolm Rogers estime qu’exposer ces œuvres dans une autre ville profite à l’enseignement – « j’y ai vu plusieurs groupes scolaires », note-t-il, se souvenant d’une visite récente à Las Vegas, entouré de membres du conseil d’administration du MFA –, il concède qu’« il y a également une dimension financière, et que [cette combinaison] crée un cercle vertueux. »
Selon Andrea Bundonis, c’est Marc Glimcher qui a eu l’idée de cette exposition, et non le MFA. La directrice de Paperball précise que le président de PaceWildenstein avait approché Malcolm Rogers en avril 2003 ; l’été dernier, le conseil d’administration du musée de Boston a approuvé ce « prêt » pour une durée de sept mois. L’ensemble du dispositif d’information de l’exposition, y compris les audio-guides gratuits, les textes pour les visiteurs et le catalogue-souvenir, a été conçu, réalisé et financé par Paperball, avec l’accord du MFA. Malcolm Rogers compare ce mode de financement à celui mis en place avec le MFA Boston de Nagoya, satellite japonais du musée américain. L’enjeu financier semble cependant être le moteur principal de ce nouvel accord : « Nous avons tous vu les effets de la récession, de la tragédie du 11 Septembre et des budgets en diminution, et nous cherchons tous une solution pour joindre les deux bouts », nous a ainsi déclaré Malcolm Rogers, le directeur du Museum of Fine Arts de Boston.

CLAUDE MONET, CHEFS-D’ŒUVRE DU MUSEUM OF FINE ARTS DE BOSTON

Jusqu’au 13 septembre, Bellagio Gallery of Fine Arts, 3600 South Las Vegas Boulevard, Las Vegas, tél. 1 866 828 9849, tlj 9h-21h, www.bellagio.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°189 du 19 mars 2004, avec le titre suivant : Monet fait son show à Las Vegas

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