Trois questions à

Axel Vervoordt, antiquaire à Anvers

« Il faut utiliser l’instrument des maisons de ventes »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 30 avril 2004 - 639 mots

Quel est votre sentiment sur le marché actuellement ?
Je pense que le marché est difficile. Les gens sont prudents. Ils étudient la valeur des pièces beaucoup plus qu’avant. Ils veulent faire des investissements. C’était peut-être moins le cas à l’époque où l’argent se gagnait facilement. On continue à très bien vendre quand les pièces sont affichées à leur vrai prix. Certaines choses ont perdu de l’intérêt, d’autres en ont gagné comme l’archéologie ou l’art contemporain, qui correspondent tous deux à notre époque. Tout ce qui est romain rappelle l’ambiance très impériale dans le monde, le grand empire américain après le grand empire russe ! Je constate que tous les objets qui incarnent une certaine richesse d’esprit, même dans une pauvreté de matière, ont beaucoup gagné en valeur. Pour être en avant sur le marché, il faut observer où va le monde. On est dans deux extrémités, l’une matérialiste, l’autre universaliste. Il faut être réaliste et agir dans les deux directions.

Quel objet vous a marqué dernièrement ?
J’ai acquis voilà deux semaines, grâce à l’exposition que j’ai faite autour du groupe Zéro, un tableau minimaliste de 1959 par Jef Verheyden. C’est le seul peintre belge de ce mouvement, un ami de Lucio Fontana et d’Yves Klein. Le tableau est brun noir et dégage une immense profondeur, une paix intérieure presque mystique. L’art contemporain me semble complémentaire des antiquités car il rend les choses anciennes plus actuelles. J’ai aussi acheté un très beau torse romain représentant Hercule enroulé dans une peau de lion. L’expression de la tête du lion rappelle celle d’un bouddha. Cette étrangeté m’a fasciné. Mais la chose la plus rare que j’ai achetée est une statue grandeur nature d’un moine bouddhiste d’époque Dvaravati, cette période où les moines avaient quitté l’Inde pour prêcher une philosophie méditative. J’en cherche depuis trente ans et je n’en ai trouvé que cinq à ce jour.

Quelle est votre actualité ?
Je fais une house sale avec Christie’s du 6 au 12 mai dans mon château de ’s-Gravenwezel. On fait une vente de 1 000 objets puisés dans mon stock de 13 700 pièces. Je ne me suis jamais arrêté d’acheter et je manque de place. Beaucoup de mes confrères disent que les maisons de ventes sont une concurrence. Certes, mais leur force est une réalité et il faut l’accepter car ces maisons sont très bien organisées. De plus en plus de clients sont abonnés à leurs catalogues et envoient leurs décorateurs ou leurs conservateurs acheter sur la base de ce qu’ils ont vu en photo. Il faut utiliser cet instrument. J’ai déjà vendu des choses dans des ventes publiques anonymement. Lorsque vous achetez dans une collection privée un ensemble dont un quart ne vous intéresse pas, vous n’avez d’autre choix que de le céder aux enchères. Je suis incapable de vendre quelque chose qui ne m’intéresse pas ! Christie’s nous avait demandé depuis trois ou quatre ans de faire une house sale. On s’est dit l’an dernier que peut-être l’année 2004 serait très calme et qu’il serait bon de faire une grande manifestation. Christie’s a fait le tour des objets avec l’un de mes assistants. Dans le catalogue, il n’y a rien que je n’aime moi-même, des choses avec lesquelles je n’aurais envie de vivre. Christie’s a beaucoup insisté pour qu’on inclue dans la vente un vase en porphyre d’Égypte qui était un peu dans l’ombre au château, mais que j’aimais. Idem pour une série de quinze portraits d’empereur par Otto Venius, le maître de Rubens. Au final, on a retiré deux lots qui n’avaient pas d’esprit. L’objectif n’est pas de refaire une vente l’année prochaine, ni de faire de cela un système. Je pense qu’il est indispensable pour les amateurs de continuer à acheter chez les bons marchands. Toutes les grandes collections au monde se sont constituées avec l’aide des marchands.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°192 du 30 avril 2004, avec le titre suivant : Axel Vervoordt, antiquaire à Anvers

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