Mécénat

L’engagement de George Soros en Europe de l’Est

Le Journal des Arts

Le 30 avril 2004 - 881 mots

D’origine hongroise, le financier milliardaire a beaucoup œuvré pour le développement de la culture dans les pays de l’ex-bloc soviétique.

Au cours des années 1990, George Soros a eu une influence majeure sur le développement artistique et culturel des pays de l’ex-bloc soviétique. Son réseau d’organisations à but non lucratif en Europe de l’Est, les Centres Soros et les Open Society Institutes (OSI), aurait bénéficié d’environ 400 millions de dollars versés chaque année par le financier milliardaire. Aujourd’hui, George Soros préfère consacrer la majorité de ses dons à des pays comme le Kazakstan ou les États-Unis – où, selon lui, la liberté de pensée et l’expression de la société civile doivent être encouragées.
Financier, homme d’affaires aux pratiques douteuses pour certains, philanthrope, George Soros est à la tête d’une fortune estimée à 7 milliards de dollars (5,8 milliards d’euros). La revue américaine Forbes Magazine (en date du 6 octobre 2003) lui a décerné la 28e place de son classement des personnalités les plus riches et les plus influentes des États-Unis en 2003.
Né à Budapest en 1930, l’homme a survécu à l’occupation nazie avant de quitter la Hongrie à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour suivre des études à la prestigieuse London School of Economics. En 1956, il s’installe aux États-Unis où, avec les années, il accumule une fortune colossale grâce à son fonds d’investissement international, le Soros Fund Management LLC. À la fin des années 1970, George Soros élabore un projet philanthropique de programmes culturels et, après la chute du communisme, se met à investir dans le développement des sociétés civiles et démocratiques des pays de l’ex-bloc soviétique, à travers les Centres Soros et les Open Society Institutes installés dans toute l’Europe de l’Est. Les OSI ont joué un rôle important dans le soutien de la liberté de pensée, du développement d’une conscience politique démocratique dans une région souffrant de la guerre des Balkans, d’irrégularités électorales, d’anomalies politiques et plus particulièrement de l’absence de politique culturelle menée par les gouvernements.
La majeure partie des programmes des Centres Soros est dédiée à la culture, que George Soros considère comme un moyen efficace pour faire évoluer les nations vers des sociétés plus tolérantes et plus ouvertes.

Vers des régions en plus grand besoin
Les Centres Soros agissent notamment dans le domaine de l’art contemporain. Les premiers Centres Soros pour l’art contemporain (SCCA) furent établis au début des années 1990 ; il existe aujourd’hui un réseau d’une vingtaine de ces institutions à but non lucratif. Ces organes font office de centres de ressources pour les artistes, d’espaces d’exposition, comme de centres de formation, lieux d’échanges et de débats. Parallèlement, ces organismes peuvent faire pression sur les gouvernements et les institutions artistiques ; ils distribuent également des bourses à des artistes et financent divers projets. Parmi les objectifs des SCCA : la création d’infrastructures culturelles et le lancement d’initiatives encourageant les artistes à rester dans leur pays d’origine, l’utilisation de la culture comme une force pour combattre le nationalisme, l’assistance aux communautés artistiques pour les aider à s’unir et à interagir avec le monde de l’art international, la formation des professionnels de l’art et la promotion de débats et de réseaux au sein des pays d’Europe de l’Est.
À la fin des années 1990, George Soros, estimant qu’ils avaient rempli leurs missions, a souhaité suspendre de manière progressive son aide financière aux SCCA et aux OSI du sud de l’Europe centrale. Ludvik Hlavacek, directeur de la Fondation pour l’art contemporain à Prague, anciennement SCCA (1), salue cette initiative : « Le SCCA a développé ces activités dans l’espoir que ce soutien aux arts contribuerait à promouvoir une société ouverte et libérerait les initiatives individuelles, un sens de la responsabilité et une conscience sociale capable d’accepter des points de vue différents au sein d’une société pluraliste. »
Le philanthrope a réorienté son mécénat vers des régions en plus grand besoin : le Caucase (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie), l’Asie centrale (Kazakstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Turkménistan, Ouzbékistan), la Mongolie, l’Iran et l’Afghanistan, des pays où la culture est rarement reconnue ou ne reçoit pas le soutien nécessaire de la part des gouvernements locaux.
Par ailleurs, George Soros apporte une aide financière importante au Parti démocrate des États-Unis. Il a déclaré à plusieurs reprises qu’il considère l’administration actuellement au pouvoir comme antidémocratique et dangereuse dans sa fusion de l’extrémisme religieux, du fondamentalisme de marché et de darwinisme social. Opposant farouche de George W. Bush, George Soros a offert des sommes considérables à des candidats de l’opposition et il a même récemment publié un anathème passionné à l’encontre du gouvernement, The Bubble of American Supremacy : Correcting the Misuse of American Power (Pour l’Amérique, contre Bush, édité chez Dunod, 2004).
Depuis l’arrêt du versement des subventions, les SCCA d’Europe de l’Est et du Sud sont devenus des associations à but non lucratif indépendantes, existant sous l’égide de l’ICAN (Réseau international d’art contemporain), basé à Amsterdam (2). Mais les fonds manquent et le risque encouru de fermeture est grand. George Soros avait compté sur la responsabilité de l’Union européenne et des pays membres envers la culture, mais très peu d’argent est consacré à ses centres. Ceux-ci misent aujourd’hui sur un changement de politique de la part de l’Union européenne mais aussi sur la récolte de fonds.

(1) www.fcca.cz
(2) http://ican.artnet.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°192 du 30 avril 2004, avec le titre suivant : L’engagement de George Soros en Europe de l’Est

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