Profession

Emailleur d’art sur métaux

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2007 - 827 mots

Ce métier traditionnel pourrait connaître un nouvel essor grâce à la réouverture d’une formation à Limoges.

L’avenir des métiers d’art passe aussi par la mobilisation des professionnels. C’est ce qu’ont compris les émailleurs limousins, inquiets de voir ce savoir-faire régional, moins connu que la porcelaine, s’évanouir faute de formations. Déplorant la fermeture de l’atelier d’émail au sein de l’École nationale supérieure d’art (ENSA) de Limoges-Aubusson depuis 1996, l’Association professionnelle pour l’émail de Limoges (APPEL) a décidé en 2001 de se mobiliser afin de relancer ce métier traditionnel qui compte aujourd’hui une centaine de professionnels français. Sollicitée, l’Association de formation professionnelle de l’industrie du Limousin (AFPI), organisme de formation, a fait le pari de ressusciter le CAP d’émailleur d’art sur métaux, soutenu financièrement par la région. Depuis, moins d’une dizaine d’élèves sortent chaque année avec un CAP en poche. Leur profil est très hétérogène (élèves sans bac, étudiants en histoire de l’art, titulaires d’un BTS tourisme…), le critère principal de sélection étant la motivation et le projet professionnel. Intensive, la formation de dix mois permet d’acquérir les différentes techniques : émail champlevé, gravure à l’échoppe, émail peint et grisaille, émail cloisonné. On y apprend également la pose des émaux au revers de la pièce, l’émaillage à la spatule ou au tamis, la cuisson mais aussi quelques notions de dinanderie (découpe et mise en forme du support métal). Au-delà de ces aspects technologiques sont également enseignés le dessin, l’histoire de l’art, la communication et le projet. « Il faut néanmoins beaucoup de pratique pour connaître tous les aspects relatifs à l’émail », reconnaît Marie Oberlin, ancienne élève du CAP et aujourd’hui enseignante à l’ENSA Limoges-Aubusson. « Nous souhaitons former des élèves avec une palette large, explique Olivier Julia, cofondateur du projet et animateur de l’Appel. L’objectif est de les rendre autonomes car il n’y a pas d’embauches dans ce secteur ». Les débouchés sont, en effet, limités à l’artisanat et l’artisanat d’art, notamment dans la bijouterie et la décoration. L’industrie du luxe s’intéresse de nouveau à l’émail mais avec un bémol : les artisans ne sont pas toujours capables de produire seuls des petites séries soumises à un cahier des charges très strict. « Nous incitons les artisans à se réunir en coopératives, à l’exemple de ce qui se fait en Italie, afin de mieux répondre à cette demande spécifique », poursuit Olivier Julia. Dans les faits, pour qui veut s’orienter vers la création, mieux vaut compléter sa formation par un passage dans une école d’art. C’est ce qu’a fait Natacha Baluteau, émailleuse et plasticienne, ancienne élève de l’école d’art de Limoges : « Je n’étais venue chercher au CAP que la technique et rien d’autre », confirme-t-elle. Olivier Julia a parfaitement conscience des limites de cette formation : « Nous cherchons à développer des partenariats avec les écoles d’art afin d’aller vers davantage de créativité, développe-t-il. Il faut rappeler la situation particulière de l’enseignement artistique dans les écoles d’art, où l’artisanat a été chassé au profit du conceptuel. Fort heureusement, les choses commencent à changer ». Depuis deux ans, l’ENSA de Limoges-Aubusson a donc rouvert un atelier d’émail, animé par Marie Oberlin, qui accueille plus d’une trentaine d’élèves. Restera ensuite, pour ces créateurs, à trouver les circuits de distribution. « La période faste des foires artisanales, qui marchaient très bien, a cessé à la fin des années 1980, précise Dominique Gilbert, émailleur et président de l’Appel. Mais on en vit encore très bien aujourd’hui en créant son propre circuit ! ». Ce dernier réalise 80 % de son chiffre d’affaires dans une galerie associative, Le Canal, ouverte à Limoges avec d’autres artisans. « L’émail est un micro-créneau avec un aspect culturel de préciosité qu’il ne faut pas dévaluer. Il faut donc tendre vers le haut de gamme », renchérit Bernard Gonnet, émailleur dans La Bresse. Le luxe constitue indubitablement une planche de salut pour l’artisanat d’art. Au risque de la contrefaçon. Si l’appellation émail est protégée par un décret, les professionnels déplorent que des marchands peu scrupuleux vendent sous ce terme des objets en résine. « Il faut donc aussi faire redécouvrir cette matière oubliée », souligne Cécile Teissier, présidente du syndicat professionnel des émailleurs français. Une Maison de l’Émail, lieu de rencontre destiné à la fois à la promotion touristique et aux professionnels, a ainsi ouvert ses portes le 1er octobre à Limoges.

Formation aux savoir-faire rares

La Fédération régionale des métiers d’arts d’Alsace (FREMAA) met en place une formation aux métiers d’art ne disposant plus de filières de formation. Le dispositif s’appuie sur un enseignement direct délivré par un artisan d’art au sein de son atelier, pendant une durée d’une année renouvelable. Les ateliers d’accueil doivent répondre à des critères de rareté, de qualité et de potentialité en termes de débouchés, dans les domaines de la tradition, de la création ou de la restauration. Les stagiaires recevront en complément un programme pédagogique (création, communication, création-reprise d’entreprise). Critères : avoir entre 16 et 45 ans, être demandeur d’emploi inscrit à l’ANPE ou en congé individuel de formation, avoir un projet professionnel dans le métier concerné. Tél. 03 89 23 65 65.

Formations

- CAP Émailleur d’art sur métaux, AFPI Limousin, 9, rue Jean-Baptiste Say, 87000 Limoges, tél. 05 55 30 08 08 - ENSA de Limoges-Aubusson, 19, av. Martin Luther King, BP 73824, 87038 Limoges Cedex 01, tél. 05 55 43 14 00 ; www.ensa-limoges-aubusson.fr - Maison de l’Émail, 18-28, boulevard de la Cité, 87000 Limoges, tél. 05 55 34 37 68, www.maison-email.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°266 du 5 octobre 2007, avec le titre suivant : Emailleur d’art sur métaux

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