Art chinois

Sur la route de l’Est

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 14 mai 2004 - 684 mots

Regroupant une vingtaine d’artistes chinois à Nice, une exposition de la Villa Arson revient sur les mouvements inhérents à une scène artistique éclatée.

 NICE - Les tableautins du Fifth System (Cinquième système, 2003) de Yan Lei sont des petits formats innocents, des natures mortes bleutées d’un terrain vague sans localisation apparente mais qui représente l’espace immobilisé pendant deux ans par la municipalité de Shenzen à la demande de l’artiste, ceci dans le cadre du projet « Fifth System : Public Art in the Age of Post-Planning » organisé en 2003 par les deux commissaires d’exposition Pi Li et Hou Hanru. D’une surface équivalente à celle d’un terrain de sport, cette zone de non-construction située au cœur d’une mégapole en plein pic de construction est un pavé dans la mare de la croissance exponentielle de la région. Comme un acte de propriété pictural, l’œuvre est actuellement accrochée à la Villa Arson où se déroule le premier volet de l’exposition « À l’est du sud de l’Ouest/À l’ouest du sud de l’Est » (le second se tiendra au Centre régional d’art contemporain de Sète du 18 juin au 12 septembre). Un titre, sous la forme d’un brouillage géographique, pour regrouper, à l’occasion de l’Année de la Chine en France et sous la houlette de Laurence Gateau (Villa Arson) et Noëlle Tissier (Sète), associées à Hou Hanru, une vingtaine d’artistes chinois. Si, comme toute exposition « nationale », celle-ci a ses limites, elle a choisi de les dépasser en s’appuyant sur des zones de turbulence et de porosité. Dans la vaste installation du Yangjiang group, la calligraphie se transforme en mer de signes, traversée par un pont pittoresque, et sert à retranscrire le discours d’adieu de Margaret Thatcher (Êtes-vous en train d’aller apprécier la calligraphie ou de mesurer votre pression artérielle ; À Shanghaï 2002 ; À Yangjiang, quelques événements se produisent ; L’océan subversif ; Cascade, 2003-2004).

Une mémoire perturbée
La manifestation, qui fait la part belle à la « diaspora » chinoise (Yan Pei-Ming et Wang Du sont réunis dans la galerie carrée du rez-de-chaussée avec, pour le premier, un cycle de peintures, Éloge des métissages, et pour le second, un Tapis de piéton, vaste tôle où est reproduite la « une » du Times montrant l’attentat du Word Trade Center), se refuse à un enfermement territorial, pour préférer des œuvres résultant de transactions et de passages plus ou moins violents entre tradition et réalité contemporaine, Chine et mondialisation. Projeté lors de la dernière Biennale de Venise, le film de Yang Fudong, Seven Intellectuals in the Bamboo Forest (2003), retranscrit dans une ambiance très Nouvelle Vague l’histoire ancestrale de sept sages coupés du monde, retranchés dans une forêt de bambous pendant les troubles survenus au milieu du IIIe siècle. Ici, un groupe de jeunes gens modernes méditent dans la brume des Montagnes jaunes sur l’amour et la mort, loin du monde bruyant. La fausse nostalgie de la fable exacerbe d’autant sa dimension contemporaine en déplaçant l’esthétisme poétique du début des années 1960 à l’heure du néolibéralisme.
Comme en rappel d’une mémoire collective perturbée, Zhuang Hui expose, lui, des chromos de propagande sur lesquels, au fil des années, les dignitaires changent selon les tournures du régime. Un marché de dupes qui, dans une certaine mesure, rejoint l’esthétique de faussaire de Fu Jie, lequel a posé une maquette de la Villa Arson dans une valise Vuitton maquillée au marqueur (Re : Staying at the Villa Arson, 2004). L’histoire s’écrit donc ici sur un mode iconoclaste. Xu Tan a lancé un appel à projets pour la salle de concert « Zheng Daoxing », du nom de ce cow-boy du Far East qui, dans ses performances-concerts, raconte à travers sa vie celle de son pays. Militaire embrigadé, puis chef d’entreprise ruiné après la période d’ouverture des années 1980, ce dernier joue maintenant son épopée accompagné d’une guitare en plastique.

À L’EST DU SUD DE L’OUEST/À L’OUEST DU SUD DE L’EST

Jusqu’au 13 juin, Villa Arson, 20, avenue Stephen-Liégeard, 06105 Nice, tél. 04 92 07 73 732, tlj sauf mardi, 14h-18h, www.villaarson.org À lire : Michel Nuridsany, L’Art contemporain chinois, lire p. 21.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°193 du 14 mai 2004, avec le titre suivant : Sur la route de l’Est

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