Expériences

Veilhan réchauffe Vasarely

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 14 mai 2004 - 496 mots

Feux de bois électroniques, les « Machines lumineuses » de Xavier Veilhan sont regroupées à la Fondation Vasarely, à Aix-en-Provence.

 AIX-EN-PROVENCE - Réunies à l’initiative du Fonds régional d’art contemporain de Provence-Alpes-Côte d’Azur à la Fondation Vasarely, à Aix-en-Provence, sept des dix Machines lumineuses de Xavier Veilhan composent actuellement un épilogue figuratif et mouvementé à l’op art monumental du maître des lieux décédé en 1997. Panneaux d’ampoules à la luminosité modulée par des circuits imprimés volontairement mal cachés, les prototypes de Veilhan s’inscrivent dans une histoire des expérimentations optiques, qui débuterait avec la lanterne magique et passerait par le cinéma d’avant-garde (Les Rues électriques, d’Eugène Deslaw, 1930), tout en jetant un œil sur les panneaux d’affichage des stades. En fait, si les Machines lumineuses n’avaient pas été inventées en 2001, il aurait certainement fallu les déterrer au bord du chemin du progrès, comme une technologie alternative un temps abandonnée. Face à ces surfaces de lumière aux dimensions humaines, le visage caressé par la chaleur des watts, on imagine facilement un scénario divergent où Thomas Edison, l’inventeur de l’ampoule, serait le seul responsable de la formalisation du cinéma. Ici pas de projection, de pellicule ou de clignotement, mais les variations lumineuses de centaines d’ampoules qui forment un écran incandescent où se dessinent des images en mouvement dans des nuances passant du gris au doré. Le jeu initial de la figuration se déplace dans le domaine de la perception. Sur la plus grande des Machines lumineuses (présentée à Paris lors de la dernière édition de la Nuit Blanche), des femmes plongent, sur une autre une route se déroule, ailleurs, dans ce qui peut être lu comme un clin d’œil à Marey, un cheval court, tandis que des scènes de kendo et de boxe raccrochent le tout à l’univers du jeu vidéo… Mais à chaque fois, l’illusion vacille et tient à un filament.
Merveilleuses dans leurs rendus mais faibles dans leurs définitions, les images produites par ces écrans rappellent les sculptures de l’artiste, ces formes animales à la limite du générique et du signe, mais toujours reconnaissables (Rhinocéros, 1999-2000). L’ambiguïté entretenue par ces dispositifs high-tech mais au résultat lo-fi (basse-fidélité) est bien celle d’un feu de bois électronique, émettant chaleur, lumière et en supplément des images, expression de la « modernité contrariée » chère à l’artiste. À la Fondation Vasarely, les Machines lumineuses sont donc chez elles. Flambées cybernétiques dans un bâtiment futuriste qui semble toujours avoir eu des allures de mausolée écaillé, elles peuvent émettre leur lueur sans trop se préoccuper de l’autoroute qui passe juste à côté, oubliées sur une aire de repos jouxtant la route de la vitesse et de la lumière.

XAVIER VEILHAN, LIGHT MACHINES

Fondation Vasarely, 1, avenue Marcel-Pagnol, 13090 Aix-en-Provence, tlj sauf dimanche, 10h-13h, 14h-18h, à partir de juin 11h-13h, 14h-19h, tél. 04 42 20 01 09 À lire : Xavier Veilhan. Portfolio sur les Machines lumineuses et présentation de Jean-Pierre Criqui in Les Cahiers du Musée national d’art moderne, n° 87, avril 2004.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°193 du 14 mai 2004, avec le titre suivant : Veilhan réchauffe Vasarely

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