Acquisitions

L’union fait la force

Le Journal des Arts

Le 14 mai 2004 - 755 mots

Dans un climat économique qui rend les achats d’œuvres difficiles, la collaboration entre les musées se renforce.

 NEW YORK - Le Museum of Contemporary Art (MCA) de Chicago, le New Museum of Contemporary Art, à New York, et le UCLA Hammer Museum, à Los Angeles, viennent de s’associer pour passer commande de trois œuvres vidéo aux artistes Fiona Tan, Aernout Mik et Patty Chang. Ces pièces seront exposées dans chacun des trois musées et seront accompagnées de publications éditées conjointement. Les conservateurs se sont rencontrés à New York l’an dernier pour sélectionner des artistes ne figurant pas déjà dans les collections respectives de leurs musées. La première exposition résultant de cette collaboration devrait être présentée d’ici au printemps 2005. Lisa Phillips, directrice du New Museum, précise que le budget pour les trois œuvres s’élève à 300 000 dollars (252 717 euros). Les musées ont déposé des demandes collectives de subventions et ont reçu 50 000 dollars de la part de l’American Center Foundation et 60 000 dollars de la Peter Norton Family Foundation. L’acquisition des œuvres produites est encore à géométrie variable. « Il est vraisemblable que nous les achèterons », indique pourtant Lisa Phillips, précisant que les frais de production sont parfois déduits du prix d’achat. « Si nous décidons que nous souhaitons tous les trois avoir une œuvre dans notre collection, nous négocierons pour en faire l’acquisition. Ainsi, l’œuvre nous appartiendra à tous les trois. Nous n’avons jamais fait cela auparavant. C’est une expérience inédite. »

Partage de propriété
Si le « Three m project » (le « Projet trois m ») s’autoproclame « éclaireur d’une nouvelle ère de la coopération des musées », un tel arrangement n’est pas le premier à voir le jour. En 2000, le Walker Art Center à Minneapolis et le San Francisco Museum of Modern Art (SFMoMA) ont acheté ensemble l’imposante installation de Matthew Barney, Cremaster 2: the Drones’ Exposition, après sa présentation au Walker Art Center. « La spécificité du “Three m project” est qu’il découle d’une volonté originelle de travailler en commun », explique la directrice de cette dernière institution, Kathy Halbreich. « Le grand public ne se soucie guère de savoir qui est le propriétaire d’une œuvre, il veut juste la voir. Ainsi, le fait pour des institutions d’abandonner une propriété individuelle n’est pas une idée radicale. Cela est plutôt sain pour les institutions et pour nos publics et c’est un modèle que nous allons reprendre », poursuit-elle, ajoutant que le Walker Art Center est en cours de négociation avec un autre musée américain pour l’acquisition d’œuvres d’art. « [Cette pratique] est très fréquente, renchérit Neal Benezra, directeur du SFMoMA. Il était inhabituel pour les musées de partager, mais cela devient de plus en plus banal alors que nous essayons de faire face à un climat économique difficile et à une offre limitée d’œuvres d’art qui se font rares et onéreuses. » Selon Neal Benezra, le SFMoMA a commandé des installations vidéo à Christian Marclay et à Pipilotti Rist de concert avec le Musée d’art moderne Grand-Duc Jean du Luxembourg : « Les artistes réalisent des éditions de trois ou quatre exemplaires et nous avons la possibilité d’en obtenir un. » Aucun autre type d’art que la vidéo ou l’art conceptuel, qui ne nécessitent pas d’assurance liée au transport, ne se prête aussi facilement au partage de propriété, ajoute Neal Benezra. À l’instar du Walker Art Center, le SFMoMA est en négociation avec un autre musée américain en vue d’une acquisition.

Présentation alternée
La première collaboration internationale de ce genre a été négociée entre le Whitney Museum, à New York, la Tate Gallery, à Londres, et le Centre Pompidou, à Paris, en 2002 ; les trois institutions avaient acheté Five Angels for the Millennium : Ascending Angel de Bill Viola. L’accord spécifiait que le titre de propriété serait partagé et la présentation, alternée. Les peintures anciennes ne sont pas en reste : la Norton Simon Art Foundation et le Getty Trust ont procédé ensemble à l’acquisition de la Sainte Famille (vers 1651) de Nicolas Poussin, chez Christie’s Londres en avril 1981, et de L’Attente (1882), d’Edgar Degas, chez Sotheby’s New York en mai 1983. Les deux tableaux font la navette entre les musées tous les trois ans. En 1982, le Minneapolis Institute of Arts et le Des Moines Art Center, à des Moines, dans l’Iowa (États-Unis), ont préféré acheter conjointement Birthplace of Herbert Hoover (1931), signé Grant Wood, plutôt que d’entrer en compétition. Aujourd’hui, le tableau fait le voyage d’un musée à l’autre tous les deux ans.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°193 du 14 mai 2004, avec le titre suivant : L’union fait la force

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