Bibliophilie

L’étrange odyssée de lettres de Rimbaud

Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 364 mots

Une mauvaise estimation de lettres manuscrites d’Arthur Rimbaud risque de léser le vendeur et de nuire au marché des ventes publiques en France.

 PARIS - L’erreur est bien humaine, mais, dans certains cas, elle peut coûter cher, surtout lorsque c’est un expert qui se trompe. La maison de ventes Rossini devait proposer à la vente, le 4 mai, quatre lettres autographes signées d’Arthur Rimbaud que le poète a écrites en 1887 et 1888 à Aden (Yémen). Ces missives étaient adressées à M. de Gaspary, consul de France à Aden et à Beyrouth (Liban).
L’expert, François Valleriaux, a estimé ces lettres entre 300 euros et 600 euros, alors qu’une seule d’entre elles vaut au minimum 50 000 euros, selon l’avis unanime des experts Alain Nicolas, Thierry Bodin et Frédéric Castaing. Pire, le libraire Jean-Claude Vrain était prêt à débourser jusqu’à 100 000 euros pour l’obtenir.
Le commissaire-priseur Patrick Dumousset a dû – in extremis – retirer de la vente ces lettres, réclamées par la direction des Archives du ministère des Affaires étrangères. « Ces lettres, de toute évidence, ont été volées aux ambassades, explique une collaboratrice de la directrice des Archives Mireille Musso. C’est pourquoi nous avons demandé à surseoir à la vente pour éclaircir les titres de propriété. Depuis, le vendeur nous a cédé les lettres. »
Le vendeur – détenteur de bonne foi, comme le souligne le commissaire-priseur Patrick Dumousset – risque d’être lésé, car sa base de négociation repose sur le prix d’estimation du catalogue de vente. Circonstance aggravante, ces lettres ont été publiées et même reproduites dans des ouvrages, soulignent les experts. En observant ces reproductions, on pouvait voir, au bord de la feuille, à gauche, un cachet d’enregistrement. Or, à l’examen des documents actuels, ce bord manque. Cette constation « représente un signe alarmant pour tout expert, relève Frédéric Castaing, président du Syndicat de la librairie ancienne, car une inscription ou un tampon effacé ou arraché est généralement l’indication que l’objet a été volé. »
Après l’intervention du ministère des Affaires étrangères, Maître Dumousset a demandé conseil au président du Conseil des ventes, Gérard Champin. Celui-ci instruira le dossier, dans un souci, nous a-t-il assurés, de fiabilité du marché parisien.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : L’étrange odyssée de lettres de Rimbaud

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