Fiscalité

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Artistes, éditeurs : unification du régime de TVA

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 844 mots

FRANCE

L’administration fiscale vient d’uniformiser le régime de TVA applicable aux ventes des artistes et à celles des éditeurs, fondeurs, lithographes et lissiers. Objectif : réduire des distorsions de concurrence.

Une note de la direction de la Législation fiscale (1) précise l’approche nouvelle du fisc, résultant d’une décision ministérielle du 24 novembre 2003. Jusqu’alors, les taux applicables aux ventes des artistes et à celles réalisées par les éditeurs de leurs œuvres étaient différents. Suivant les principes posés par la 7e directive TVA, applicable depuis janvier 1995, les ventes de leurs œuvres par les artistes sont soumises au taux réduit (en France 5,5 %). En revanche, les tirages des fondeurs, lithographes, lissiers, dès lors qu’ils étaient vendus par les éditeurs et non les artistes, étaient soumis au taux normal (19,6 %). L’écart est très important et alimente depuis longtemps la grogne des éditeurs. Il attise un risque de détournement des circuits de vente. En France, il peut en effet être beaucoup moins coûteux fiscalement de faire réaliser par l’artiste la vente de l’œuvre éditée ; la transaction supporte alors la TVA à 5,5 % tandis que l’éditeur, lui, facture les frais d’édition à l’artiste en les majorant de la TVA, certes calculée au taux de 19,6 % mais récupérable par l’artiste. Exemple, un artiste qui vend une fonte de sculpture sur la base d’un prix hors taxe de 10 000 euros la facturera à l’acheteur pour un montant de 10 550 euros, soit 550 euros de TVA. Si le fondeur lui débite 7 000 euros hors taxe de coût d’édition, il majorera sa facture de 1 372 euros de TVA (19,6 %) que l’artiste pourra récupérer. In fine, l’acheteur paiera 550 euros de TVA et le fisc devra rembourser à l’artiste 822 euros (1 372 moins 550). Si l’opération est faite directement par le fondeur sur le même tarif hors taxe et selon un accord équivalent avec l’artiste (dans l’exemple 30 % du HT), l’éditeur facturera à l’acheteur 1 960 euros de TVA (19,6 % sur 10 000 euros), recevra de l’artiste une facture de 3 165 euros (3 000 euros HT plus la TVA à 5,5 % soit 165 euros). Et l’éditeur devra verser au fisc 1 207 euros (1 372 moins 165). Le risque est important. L’administration pourtant, saisie de longue date par les professionnels – lesquels ont même porté le litige devant les juges administratifs –, n’avait pas jugé opportun de modifier le dispositif. En cause : les recettes fiscales, mais également la conformité aux normes européennes puisque la législation nationale en matière de TVA doit s’y conformer. Le souci d’encourager l’édition d’art et la pression des professionnels, combinées sans doute aux distorsions de la concurrence intra-européenne et à une évolution de la jurisprudence de la cour européenne de justice, ont abouti à l’assouplissement des règles. En effet, les distorsions internes étaient plus visibles encore dans les échanges intra-européens. Ainsi, des lithographies réalisées en Europe ou à l’étranger et introduites en France bénéficiaient du taux réduit de 5,5 % à l’importation ou lors de l’acquisition intracommunautaire.

Portée symbolique
Relevant le « risque réel de distorsions entre les œuvres d’art importées ou acquises dans le cadre des échanges intracommunautaires, et celles fabriquées et livrées sur le sol français » et soulignant que « l’intérêt culturel et patrimonial qui s’attache à la préservation du savoir-faire dont sont détentrices les entreprises concernées (lissiers, fondeurs et lithographes) », l’administration a donc décidé l’application du taux réduit à la première vente de ces œuvres d’édition. Le texte précise que le principe vaut non seulement pour les livraisons effectuées au profit de l’artiste, mais également pour celles réalisées par le producteur en tant qu’éditeur (dans le cas où il aurait acquis les droits de l’artiste). Pour rester en ligne avec la jurisprudence française et européenne, la circulaire mentionne un arrêt du Conseil d’État du 5 juin 2002 et un autre de la Cour de justice des Communautés européennes du 7 mars 2002 (affaire C-169-00, Commission c/Finlande) dans lequel il était souligné que, « quelle que soit par ailleurs l’importance de l’apport intellectuel voire artistique nécessaire à sa réalisation, une opération qui se traduit, in fine, par la fourniture d’un bien constitue, non une prestation de services, mais une livraison de biens ». Cette considération, qui unifie la notion fiscale de livraison, devrait satisfaire les métiers d’art à la fois par l’allégement fiscal qu’elle induit et par sa portée symbolique.
Prudente, l’administration veut sans doute éviter que les « assujettis-revendeurs », en particulier les galeries, ne montent au créneau à leur tour pour obtenir que le taux réduit soit également applicable à leurs premières livraisons d’œuvres d’édition, voire de toutes les pièces d’artistes (elles sont actuellement soumises au taux normal). C’est sans doute pourquoi la circulaire rappelle que les galeries en France ont la possibilité de calculer la TVA sur une marge forfaitaire égale à 30 % du prix de vente. Si ce n’est pas une révolution, c’est tout de même une bonne nouvelle pour la profession.

(1) Note de la direction de la Législation fiscale du 18 décembre 2003.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : Artistes, éditeurs : unification du régime de TVA

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