Décentralisation

Printemps du musée

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 414 mots

Thomas Hirschhorn installe un Musée précaire à Aubervilliers.

AUBERVILLIERS - Deleuze Monument (2000) à Avignon, Bataille Monument (2002) à Cassel, Skulptur Sortier Station à Münster (1997), puis à Paris (2003), les interventions de Thomas Hirschhorn dans l’espace public phagocyté ponctuent à intervalles plus ou moins réguliers une œuvre qui s’est construite par et pour le réel. Les matériaux de l’artiste sont ceux du quotidien (scotch, carton, coupures de presse…), tout comme les thématiques artistiques et politiques brassées dans les ramifications de ses installations. Dans un musée ou une galerie, les travaux de Hirschhorn sont des turbulences ; à l’extérieur, ils opèrent comme des virus. Dès lors, parler de contexte pour aborder les sculptures publiques de l’artiste n’a guère de sens, tant son travail ne cesse d’exprimer un questionnement permanent des liens de cause à effet. Installé depuis un mois rue Albinet à Aubervilliers, en face d’un immeuble de logement social, le Musée précaire est un éclatement supplémentaire. Précaire dans ses formes (un conteneur Algèco pour le musée en lui-même, des constructions de fortune pour la médiathèque et la salle pédagogique) comme dans sa longévité, le musée de Hirschhorn n’en remplit pas moins les missions de ce type d’institution (exposition, conférences, rencontres mais aussi ateliers d’écriture…) dans une intégration complète à la vie du quartier. Sa construction comme son fonctionnement se font en recourant aux services des habitants, auxquels il propose formations et rémunérations.
Chaque semaine, des œuvres des collections du Musée national d’art moderne et du Fonds national d’art contemporain sont prêtées au Musée précaire. Le 15 juin, des toiles de Fernand Léger succéderont à l’Electric Chair d’Andy Warhol (vernissage le 8 juin). Si le Musée précaire s’affirme comme un espace public nécessaire dans un paysage déficitaire en lien social, Thomas Hirschhorn en refuse, lui, toute approche socioculturelle pour le définir comme œuvre d’art. Un art qui se fait au risque de son environnement, place les travaux de tiers dans des circonstances semblables et renouvelle enfin la critique de l’institution muséale telle qu’elle s’était établie depuis les années 1970. Hirschhorn fait porter le centre à la périphérie, inversant le déroulement habituel de la diffusion. L’original est amené à la marge, là où il ne devrait y avoir que reproduction et déperdition. Autrement dit, une exposition consacrée à Le Corbusier (du 25 mai au 1er juin) au pied d’une barre HLM.

THOMAS HIRSCHHORN, MUSÉE PRÉCAIRE

Jusqu’au 14 juin, rue Albinet, 93300 Aubervilliers, tlj 10h-21h, renseignements : Les Laboratoires d’Aubervilliers, tél. 01 53 56 15 90, www.leslaboratoires.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : Printemps du musée

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