Design

Panton dans son for intérieur

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 794 mots

Dans une scénographie parfaitement orchestrée, la Saline royale d’Arc-et-Senans accueille une vision de cet « intérieur idéal » dont rêva le célèbre designer suédois des années 1950-1970.

Arc-et-Senans - Conçue, en 2000, au Vitra Design Museum de Weil-am-Rhein (Allemagne), l’exposition « Verner Panton » a, depuis, fait halte dans bon nombre de capitales européennes (Berlin, Vienne, Lisbonne, Copenhague…), à l’exception de la France, aucune institution n’ayant jugé bon de l’accueillir, pas même le Centre Pompidou où les présentations dédiées au design ne sont pourtant pas légion. C’est la Saline royale d’Arc-et-Senans qui se charge aujourd’hui de réparer ce ratage, en recevant cette vaste rétrospective consacrée au célèbre designer danois. Et finalement, ce n’est peut-être pas un hasard si la « cité idéale » imaginée par Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) héberge la vision de cet « intérieur idéal », tel que le rêva sa vie durant Verner Panton (1926-1998).

Une fois franchie l’entrée de la Saline, sous le bâtiment des Gardes et sa grotte de pierre très kitsch, impossible de manquer les grands panneaux de bois colorés sur l’édifice qui jouxte, à l’ouest, la maison du directeur. Restaurée dans les années 1930, cette construction oblongue, jadis appelée « berne » – ou salle des poêles –, arbore désormais de minces charpentes en béton armé qui lui donnent l’allure d’une nef de cathédrale. À l’intérieur, la rétrospective Panton offre un panorama remarquable – dessins, photographies, mobilier, éléments modulaires… – de l’œuvre du designer, depuis sa première collection de meubles dessinée pour la société danoise Plus-linje jusqu’à ses projets d’aménagements « globaux », en passant par les tissus d’ameublement qu’il a créés pour la firme suisse Mira-X et dont les graphismes flirtent allégrement avec l’op art.

Au fil d’un parcours chronologique – du milieu des années 1950 au milieu des années 1970 –, on découvre la passion de Panton pour la géométrie et, surtout, pour les couleurs vives. « La couleur est plus importante que la forme, disait-il. On s’assoit plus confortablement sur une couleur que l’on aime. » Pionnier dans l’expérimentation des nouvelles matières et méthodes de production industrielle, le designer danois est, en réalité, en quête de nouveaux modes de vie. « Je déteste rentrer dans une pièce et voir le canapé, la table basse et deux chaises, sachant immédiatement que nous allons être coincés ici pour toute la soirée, expliquait-il. J’ai conçu des meubles qui peuvent être levés et baissés dans l’espace pour que chacun ait une vue différente des alentours et un nouvel angle de vie. » À voir sa Chaise volante, drôle d’assise en forme de balançoire dont deux prototypes sont, ici, suspendus, on imagine aisément la scène.
Mais la qualité première de Panton était sa ténacité hors pair. À preuve : la fameuse chaise qui porte son nom, la chaise Panton, dont la mise au point a nécessité plus de dix années de travail. Une kyrielle de prototypes et de pièces finies évoquent les divers stades de sa conception, de la première maquette en contreplaqué cintré (Thonet, 1956), alors baptisée chaise S, à la première mini-série en polyester et fibre de verre (Vitra, 1967). Afin de convaincre les fabricants, le designer n’aura pas hésité à sillonner l’Europe à bord de son Combi Volkswagen, son invention sous le bras.

« Impression unifiée »
Du sol au plafond, Verner Panton a tout dessiné. Dans une salle sont reconstitués quelques aménagements complets, telle cette série de meubles à roulettes datant de 1963 : la chaise, le bar, la chaîne hi-fi… Plus loin, une étagère haute exhibe quelques-uns de ses luminaires parmi les plus connus, comme les suspensions SP1 ou Pot de fleur. Le Scandinave pulvérise les frontières traditionnelles entre le sol, les murs et le plafond. Lui milite pour « une impression unifiée de l’espace ». Une philosophie de la conception globale dont l’apogée est, sans doute, le Phantasy Landscape [« Paysage fantasmagorique »], conçu, en 1970, pour l’exposition « Visiona II », à Cologne, sorte de grotte psychédélique avec un mobilier intégré tout en mousse. Il est, ici, en partie reconstitué et, selon l’affluence, accessible. Pénétrer à l’intérieur permet alors d’éprouver pleinement l’espace « pantonien ». Dans un film publicitaire d’époque, on entend le commentaire d’un visiteur : « C’est très nouveau, bien intéressant, surtout pour les jeunes qui ont l’avenir devant eux. » C’est effectivement un avenir radieux que leur réservait Panton. En 1998, quelques semaines avant sa mort, lors d’un entretien accordé à la télévision suédoise, le designer confiait : « Enfant, j’ai toujours rêvé d’une grande pièce remplie de coussins colorés. » Tout était dit.

VERNER PANTON

Jusqu’au 10 octobre, Institut Claude-Nicolas-Ledoux, Saline royale, 25610 Arc-et-Senans, tél. 03 81 54 45 45, jusqu’à fin mai tlj 9h-12h, 14h-18h, juin tlj 9h-18h, juillet-août tlj 9h-19h, septembre tlj 9h-18h, octobre tlj 9h-12h, 14h-18h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : Panton dans son for intérieur

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