Delacroix

Du dessin au tableau

Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 500 mots

Le Musée du Louvre consacre deux expositions à Delacroix présentant l’une,
la genèse de « Dante et Virgile aux Enfers », l’autre, une sélection de ses dessins.

 PARIS - « Le dessin de Delacroix est à celui de Monsieur Ingres ce que le feu est à la glace », constatait le critique d’art Théophile Silvestre en 1864. Démonstration au Musée du Louvre, qui présente simultanément les feuilles du maître néoclassique (lire le JdA n° 190, 2 avril 2004) et celles, bouillonnantes et colorées, du peintre romantique. Après la froide perfection des nus académiques et portraits d’Ingres, les 72 œuvres (sur les 3 000 possédées par le musée) de Delacroix (1798-1863) exposées dans l’aile Sully font l’effet d’une tornade. « Les traits chez lui varient à l’infini, tantôt appuyés, tantôt impalpables, juxtaposés, entrecroisés, spirales ou lacis, de façon à rendre l’impression du volume et du mouvement », souligne dans le catalogue Arlette Sérullaz, commissaire de l’exposition. En témoignent ses études foisonnantes au graphite, où se devine la main de l’artiste cherchant avec fièvre les grandes lignes d’une composition, esquissant un geste ou une attitude, répartissant les zones d’ombre et de lumière. Mais Delacroix sait aussi assagir son trait et privilégier le détail ornemental, délicatement rehaussé d’aquarelle (Mariée juive de Tanger), ou faire l’économie de la ligne au profit de la seule expression colorée (Montagnes des Pyrénées par temps sombre et brumeux). Aucun genre ou technique (aquarelle, pastel, dessin au graphite ou à la plume) ne semble lui résister. Cette prédilection pour le dessin est également illustrée un étage plus bas, dans la salle de la Chapelle. Une exposition didactique y décortique la réalisation de l’une de ses toiles majeures, Dante et Virgile aux Enfers, plus connue sous le nom de la Barque de Dante. Exécutée en 1822, alors que Delacroix n’a que 24 ans, l’œuvre devint le manifeste du romantisme naissant, d’une nouvelle manière de peindre faisant la part belle à l’expression des sentiments et au pouvoir de la couleur. Elle suscita, par son sujet moderne autant que par son exécution rapide et dense, indignation et admiration au Salon. C’est une « vraie tartouillade », déplorait un critique de l’époque. « Rien ne révèle mieux l’avenir d’un grand peintre », s’enthousiasmait Adolphe Thiers. Pour faire comprendre la genèse et les enjeux d’une telle composition, à la fois novatrice et nourrie de références classiques (en particulier Michel-Ange et Rubens), le Louvre montre à ses côtés des copies de l’artiste d’après Rubens, une étude de Géricault pour le Radeau de la Méduse, référence absolue du jeune Delacroix, ou encore des dessins et esquisses préparatoires au tableau.

EUGÈNE DELACROIX, DESSINS DU LOUVRE et DANTE ET VIRGILE AUX ENFERS

Jusqu’au 5 juillet, Musée du Louvre, aile Sully, tél. 01 40 20 53 17, tlj sauf mardi (et jeudi pour les dessins), 9h-17h30, mercredi 9h-21h30, www.louvre.fr. Catalogues : Delacroix, Cabinet des dessins, coéd. 5 Continents/Musée du Louvre, 95 p., 15 euros ; « Dante et Virgile aux Enfers », d’Eugène Delacroix, éd. RMN, 119 p., 25 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : Du dessin au tableau

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