Arts graphiques

Rembrandt, un génie multimédia

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 720 mots

Le Musée de l’Albertina à Vienne célèbre le maître hollandais en mettant l’accent sur ses dessins et gravures.

 VIENNE - Inauguré l’an dernier (lire le JdA n° 167, 21 mars 2003), le Musée de l’Albertina à Vienne possède dans ses collections une quarantaine de dessins et gravures de Rembrandt (1606-1669). Pour évoquer le génie pluridisciplinaire du peintre, l’institution dévoile aujourd’hui son fonds, enrichi de prêts internationaux. Au total, 150 œuvres graphiques ont été réunies ainsi qu’une vingtaine de peintures, parmi lesquelles Flore (1635) provenant de la National Gallery de Londres, Sophonisba (1634), du Prado à Madrid, le Paysage avec pont de pierre (1638-1640), du Rijksmuseum d’Amsterdam, la Femme [accoudée] à une porte ouverte (1656) de la Gemäldegalerie de Berlin ou encore le célèbre Autoportrait en jeune homme (1629), appartenant à la Pinacothèque d’art ancien de Munich. « Le parcours nous montre comment Rembrandt pouvait utiliser tous les médiums, toutes les techniques, et aussi aborder tous les sujets », explique la commissaire de la rétrospective et conservatrice du musée, Marian Bisanz-Prakken. Conformément aux méthodes de classement de l’artiste, qui conservait ses études dans des albums rangés par genre, l’exposition est agencée de manière thématique (autoportraits, portraits, études d’animaux, nus, sujets mythologiques ou religieux, paysages) et fait la part belle aux gravures et dessins. « Les travaux sur papier sont le résultat d’un processus artistique à part entière, et peuvent être regardés de manière autonome, sans forcément les rattacher à tel ou tel tableau », précise Marian-Bisanz Prakken. Vaste composition théâtrale figurant la crucifixion selon saint Luc, Les Trois Croix (1653) est sûrement l’une de ses œuvres gravées les plus impressionnantes. La scène se déroule dans un lieu ténébreux, limité à l’arrière-plan par une ombre et, à droite, par un gouffre. Au centre de l’image : le Christ, les yeux clos, révélé par un rayon lumineux, vient de succomber. Outre son caractère mystique, l’eau-forte est remarquable par son expression d’habilité technique : la planche a été gravée directement à la pointe sèche avec quelques traits au burin, un procédé spontané réservé d’habitude aux petites estampes. Les gravures Jésus-Christ présenté au temple (1655) et la Descente de croix au flambeau (1654) témoignent elles aussi du caractère grandiose et dramatique propre à Rembrandt. Au cours des années 1640, l’artiste multiplie les sujets religieux tout en affirmant sa volonté d’organiser l’espace selon des mises en page très structurées.

Transcrire les émotions
Le parcours souligne, évidemment, l’importance du portrait et de l’autoportrait chez le maître. Dès ses années de jeunesse à Leyde (1625-1631), avec ses œuvres aux tons chaleureux et aux clairs-obscurs saisissants, le peintre fait preuve d’une grande liberté dans le traitement de la figure humaine. Son sens aigu de l’observation, qui n’échappe pas à ses contemporains, lui permet de transcrire les émotions, les traits de caractère de chaque individu. S’inspirant souvent de ses proches, il réalise quantité de petites études aux visages très expressifs. Dès son installation à Amsterdam en 1631, il remporte un vif succès en portraiturant bourgeois et notables. Autre sujet qui permet à Rembrandt d’affirmer sa singularité : le paysage, auquel il s’intéresse à partir des années 1630. Renonçant à la méthode purement descriptive, il utilise déjà ce genre pour exprimer un état d’âme. En témoigne le poétique Paysage au pont de pierre. Les sujets profanes, empruntés notamment à la mythologie, lui inspirent également des tableaux étonnants, telle Flore, déesse du Printemps représentée le front ceint d’une guirlande végétale, munie d’un bouquet de fleurs et d’un bâton printanier. À l’origine, Rembrandt avait représenté Judith portant dans son bras gauche la tête d’Holopherne, celle-ci étant ensevelie par la suite sous le bouquet de fleurs ! Rembrandt n’hésitait pas en effet à changer l’identité de ses sujets en modifiant les attributs des personnages.
À partir des années 1650, l’artiste a davantage recours aux grands formats, plus adaptés à ses ambitions de peintre d’Histoire. Rembrandt s’éteint à Amsterdam en 1669, laissant derrière lui plus de 400 tableaux, près de 300 gravures et des milliers de dessins dont l’Albertina offre un bel aperçu.

REMBRANDT

Jusqu’au 27 juin, Musée de l’Albertina, Albertinaplatz 1, Vienne, tél. 43 1 534 83 0, tlj 10h-18h, jusqu’à 21h le mercredi, www.albertina.at. Catalogue en allemand, éd. Minerva, 372 p., 29 euros. À lire également : Simon Schama, Les Yeux de Rembrandt, traduit de l’anglais par André Zavriew, Le Seuil, 2004, 839 p., 69 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : Rembrandt, un génie multimédia

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