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Instinct animal

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 11 juin 2004 - 611 mots

Réunissant des œuvres du Néolithique à nos jours, quatre musées de Strasbourg évoquent les rapports de l’homme et l’animal.

STRASBOURG - Depuis la préhistoire, les artistes donnent à  l’homme une apparence animale pour symboliser le pouvoir, évoquer la puissance divine et les fléaux de l’humanité, glorifier ou ridiculiser les hommes publics… Démonstration à Strasbourg où quatre musées explorent les rapports souvent ambigus que nous entretenons avec nos amis les bêtes, à travers des œuvres de l’Égypte ancienne, de la Grèce antique, de l’Occident médiéval ou de l’entre-deux-guerres en Europe. Ainsi que le montre le Musée archéologique, les animaux apparaissent dans le mobilier funéraire et dans les objets du quotidien dès la préhistoire. Des pièces comme une parure à défense de sanglier datant du Néolithique, une statuette égyptienne du dieu Thot sous les traits d’un babouin ou un vase mis au jour à Thèbes sur lequel défile un cortège de Satyres (Ve siècle avant J.-C.) évoquent les mythes et croyances des mondes anciens.

Êtres légendaires
À partir du haut Moyen Âge, l’animal devient un outil de propagande au service de l’Église. En témoignent les sculptures, manuscrits et gravures réunis au Musée de l’Œuvre-Notre-Dame, lequel dévoile les créatures fabuleuses de l’imagerie gothique, Centaures, êtres hybrides, diables, loups-garous et hommes sauvages… Parmi les œuvres présentées, La Tentation de saint Antoine (1506) gravée par Lucas Cranach l’Ancien offre un bel exemple de la manière dont les artistes opposaient à la morale chrétienne la violence du monde bestial. Saint Antoine est en prise avec d’incroyables démons (sortes de dragons-sangliers, cochons aux becs crochus, monstres à têtes de lion et de bélier, chèvres-insectes…) qui tentent de l’empêcher de monter au ciel.
Les êtres légendaires, de nature mi-humaine mi-animale, imaginés par Goya pour sa série d’estampes Les Caprices (1797-1798) ont, quant à eux, élu demeure dans les espaces de la Galerie Heitz. Cette exposition fait la part belle à la caricature avec, notamment, les têtes d’André Legrand, lequel met en exergue les similitudes anatomiques entre un individu et un aigle, un âne ou un bœuf. Elle présente aussi des créations plus récentes tel l’autoportrait de Wanda Wulz, Moi chat (1932). Souvent associée au mouvement des futuristes italiens, l’artiste a superposé sur une même photographie la gueule d’un chat et son propre visage.
Pas toujours très subtiles, les caricatures ont le mérite d’être évidentes. Ainsi de l’eau-forte révolutionnaire La Famille des cochons ramenée dans l’étable (1791), où l’on peut voir la tête de Louis XVI greffée à un corps de porc. Un procédé efficace auquel a eu également recours John Heartfield dans les années 1930 pour dénoncer les dangers du nazisme. Ses photomontages mettant en scène, entre autres, un officier S.A. affublé d’un corps d’insecte et une hyène parée de décorations militaires sont présentés au Musée d’art moderne et contemporain, dernière étape de la manifestation. L’institution donne aussi à voir des extraits du « roman collage » de Max Ernst Une semaine de bonté (ou Les Sept Éléments capitaux) réalisé en 1934, les différentes versions de l’Homme-loup (1995) et les crocodiles imaginés en 1996 par Jean-François Gavoty. Comme le soulignent dans le catalogue les commissaires de l’exposition, Laurent Baridon et Martial Guédron, « quel que soit le caractère parfois divertissant de ces images, elles ramènent toujours le spectateur à lui-même ».

HOMME-ANIMAL, HISTOIRE D’UN FACE À FACE

Jusqu’au 4 juillet, Musée archéologique, Musée de l’Œuvre-Notre-Dame, Galerie Heitz, 2-3 place du Château, Strasbourg, tél. 03 88 52 50 00, tlj sauf mardi, 10h-18h ; Musée d’art moderne et contemporain, 1, place Jean-Arp, Strasbourg, tlj sauf lundi, 11h-19h (18h le dimanche) et 12h-22h le jeudi, tél. 03 88 23 31 31. Catalogue coédité avec Adam Biro, 300 pages, 45 euros, ISBN 2-87660-393-4.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°195 du 11 juin 2004, avec le titre suivant : Instinct animal

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