Collection

Amour, art et beauté

Le Journal des Arts

Le 11 juin 2004 - 526 mots

À Paris, le Musée Jacquemart-André dévoile
les trésors cachés réunis par le couple de collectionneurs.

 Paris - « Lorsque Nélie Jacquemart meurt en 1912, on dénombre dans son hôtel parisien du boulevard Haussmann plus de 2 000 lots. On mesure donc l’accumulation quasi obsessionnelle à laquelle elle s’était livrée tout au long de sa vie, sans parler de celle, équivalente, de son mari. Cette boulimie d’achats pourrait expliquer que près des deux tiers de cet ensemble soient restés entreposés dans les caves de la maison et que beaucoup d’amateurs ignorent de nos jours la véritable nature de la collection Jacquemart-André », observe Nicolas Sainte-Fare-Garnot, conservateur du musée. Pour combler cette lacune, ce dernier a réuni aux côtés des collections permanentes une centaine d’œuvres acquises par le couple, pour la plupart inédites. Le parcours comprend peu de salles, mais la visite séduit par son caractère intimiste et par la qualité des pièces présentées.
Lui était riche et bien né, elle d’origine modeste. Fils de banquiers protestants, Édouard André fréquentait la « gentry » impériale. Sans autre talent que son métier – elle était peintre –, Nélie Jacquemart n’aspirait qu’à rentrer dans le cercle. « Au départ, on ne peut trouver caractères plus dissemblables, personnalités, traditions et cultures aussi différentes », poursuit Nicolas Sainte-Fare-Garnot. L’exposition s’en fait le témoin, en juxtaposant les effigies officielles immortalisant le jeune Édouard, fringant officier flatté par Winterhalter (1857), et les peintures exécutées non sans talent par Nélie Jacquemart, qui fut l’une des premières femmes à fréquenter les ateliers des Beaux-Arts. Les salles suivantes évoquent les domaines de prédilection des deux collectionneurs, souvent réduits à leurs seuls penchants pour le Quattrocento italien (dans le cas de Nélie) ou le XVIIIe français (en ce qui concerne Édouard). Or Nélie Jacquemart ne dédaignait pas la Renaissance nordique, comme le montre cette tapisserie en laine, soie et fils d’or et d’argent tissée à Bruxelles d’après un carton de Bernard van Orley (Le Portement de croix, vers 1520), ou cette étonnante Allégorie de la Chasteté (vers 1480), une œuvre de jeunesse de Hans Memling. Avec une précision toute flamande, ce petit tableau met en scène une jeune fille enserrée dans un massif rocheux, massif isolé à son tour par une rivière et surveillé par deux lions. Rarement vertu n’aura été aussi bien gardée !
Davantage porté sur les arts décoratifs, Édouard André appréciait les céramiques, sculptures (Buste de l’amiral Coligny attribué à Jean Goujon) et reliures du XVIe siècle, sans dédaigner la peinture de la même époque, comme l’illustrent quatre portraits de Corneille de Lyon.
Mais les deux époux partageaient une même passion pour les XVIIe et XVIIIe siècles, dont les collections permanentes du musée se font largement l’écho (les deux dessus-de-porte exécutés par Boucher en sont d’ailleurs issus). Elles sont ici enrichies de meubles attribués à Golle, B.V.R.B ou Jacques Dubois (Bureau de Louis XV), d’un portrait récemment rendu à Largillierre, et de dessins de Gillot, Watteau et Lancret.

PAR AMOUR DE L’ART. ORIGINES ET SECRETS DE LA COLLECTION D’ÉDOUARD ET NÉLIE JACQUEMART-ANDRÉ

Jusqu’au 15 août, Musée Jacquemart-André, 158, bd Haussmann, 75008 Paris, tél. 01 45 62 11 59, tlj 10h-18h, www.musee-jacquemartandre.com. Livre guide, éd. Institut de France.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°195 du 11 juin 2004, avec le titre suivant : Amour, art et beauté

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