Artcurial

Fin de saison moyenne à l’hôtel Dassault

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 25 juin 2004 - 762 mots

À l’exception de la session d’art contemporain, la plus importante en France depuis dix ans, les ventes d’Artcurial ont manqué d’éclat.

 PARIS - Les ventes-fleuves d’Artcurial-Briest-Poulain-Le Fur ont démarré mollement le 7 juin avec la session nocturne consacrée à l’art moderne. Avec un produit de 3,4 millions d’euros et près de 46 % d’invendus, le bilan était loin des 5 millions d’euros escomptés. Faute d’un vrai noyau de pièces phares, l’armature générale laissait à désirer. Les 16 dessins de Juan Gris – un dessin  a été volé en cours d’exposition – n’ont pas déchaîné les foules, les dix adjudications restant bien en dessous des estimations basses. Le Vaporisateur a obtenu 41 000 euros au téléphone, sur une estimation de 70 000 euros. Le même acheteur américain a déboursé 45 000 euros pour une Nature morte au gobelet, soit 15 000 euros de moins que l’estimation basse. « Je ne m’attendais pas à ces prix-là, confie Violaine de La Brosse, responsable du département moderne. Les particuliers français se sont montrés frileux. C’est un marché encore étroit. » Le galeriste Quentin Laurens, qui avait présenté ces dessins à la galerie Louise Leiris en 2001, avance une autre explication : « Il y avait sans doute trop de dessins offerts d’un seul coup. De plus, ils ne sont pas signés, ce qui freine les amateurs. »
Initialement intéressés, le Musée Reina Sofía de Madrid et celui d’art moderne de Barcelone n’ont finalement pas dégagé les crédits nécessaires. Pourtant, un même dessin de Juan Gris de 1916 était proposé pour 300 000 dollars sur le stand de la galerie Gmurzynska à Bâle. Quelques pièces ont tiré leur épingle de l’atonie ambiante. Une plaque en céramique double face de Joan Miró a été adjugée au prix record de 110 000 euros au terme d’un combat entre plusieurs téléphones. Le marchand Helly Nahmad, de Londres, a fait une bonne affaire en emportant pour 370 000 euros, en dessous de l’estimation basse, le très beau Pierrot de Georges Rouault, issu d’une collection japonaise. Amateur de Picasso tardifs, il a aussi décroché pour 385 000 euros un paysage de 1967 du maître. Étonnamment, certaines œuvres de Fernand Léger issues de sa ferme de Lisores s’en sont bien sorties, mais presque toujours à l’estimation basse. La plus belle pièce, la Fleur qui marche, a obtenu 305 000 euros. En revanche, les 7 derniers vitraux et la mosaïque représentant une fermière et une vache n’ont pas trouvé preneur. Le public a été refroidi par la difficulté de désolidariser ces pièces des murs de la ferme.
La vente d’art contemporain du lendemain soir, plus sexy, fut aussi plus énergique. Mais à nouveau, les lots chèrement estimés se sont vendus en dessous ou à la lisière de l’estimation basse, totalisant 3,2 millions d’euros. Le premier lot, une belle huile sur toile de Hans Hartung, estimée modestement autour de 25 000 euros, a grimpé à 110 000 euros au profit d’un marchand américain. Un départ qui a chauffé la salle. La sculpture Hourloupe de Jean Dubuffet a été adjugée 152 000 euros au téléphone à un collectionneur américain contre Helly Nahmad. Judicieusement regroupées, les 12 Children Paintings d’Andy Warhol ont été enlevées pour 335 000 euros, juste au-dessus de l’estimation basse, par une collection américaine. Mais la composition de 1966 de Serge Poliakoff, à l’estimation trop élevée de 280 000 euros, a dû se contenter de 250 000 euros. Le regret vient du Portrait de Jean-Michel Basquiat par Warhol, ravalé à 300 000 euros. Très décevante, la section d’art brut du lendemain après-midi, montée de manière précipitée, accuse près de 65 % d’invendus. Pendant les deux soirées de vente, on notait la présence de Rodica Seward, propriétaire de Tajan. Un intérêt qui nourrit les rumeurs, démenties par les intéressés, d’un éventuel rapprochement entre les deux maisons. Sans doute était-elle là pour jauger des performances de l’école de Paris puisqu’elle organisera le 7 décembre une vente baptisée « Paris-Europe centrale-Paris ».
La vente de photographies du 9 juin fut catastrophique, avec près de 88 % d’invendus. Pourtant, le premier lot donnait un ton positif. Le marchand Marc Pagneux emportait pour 12 200 euros un album de vues anonymes de Rome sur une estimation de 3 000 euros. La rafale d’invendus a connu une brève accalmie avec la préemption pour 68 000 euros des portraits multiples de Marcel Duchamp par le Centre Pompidou. Notons au pasage que beaucoup d’acteurs du marché ne confèrent pas le statut d’ œuvre d’art à ce lot. Après son second galop d’essai, le secteur photographique d’Artcurial n’a toujours pas trouvé ses marques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°196 du 25 juin 2004, avec le titre suivant : Fin de saison moyenne à l’hôtel Dassault

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