Paroles d’artistes

Petra Mrzyk & Jean-François Moriceau

« Nous avions envie de présenter un nuage de dessins »

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 8 juillet 2004 - 811 mots

Des Caliméro, des super-héros, des explosions, des bulles, des bing, bang, paf... Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau (nés respectivement en 1973 et 1974) nous entraînent depuis quelques années dans une partie de ping-pong graphique. Leur encre noire ne se contente pas toujours des limites d’une feuille de papier, elle déborde des cimaises, se propage des murs au plafond et prend même du relief pour parfois s’offrir en 3D. Le duo fait aussi des bonds dans l’industrie musicale ou le monde publicitaire puisqu’ils viennent de réaliser une publicité télévisuelle pour Volvic. À la galerie Air de Paris, avec « Moonraker », ils nous invitent à un enchaînement visuel d’idées... comme dans un rêve. Personnage principal de cette aventure : Mister Frame.

 Après « Diamonds Are Eternal » et « Only For Your Eyes », à quoi fait allusion « Moonraker », le titre de votre exposition ?
Jean-François Moriceau : C’est le titre d’un James Bond. À chaque exposition personnelle, nous utilisons l’un des titres de la série. Nous en avons déjà utilisé six ou sept.
Petra Mrzyk : Les James Bond correspondent bien à notre univers : un cocktail d’amour, de sexe, de gadgets, d’action, d’explosions…

Mais pourquoi précisément « Moonraker » ici ?
P. M. : C’est un mot qui n’existe pas tel quel dans le dictionnaire. Il y a Moon, la lune. Raker est quelque chose qui est lié à la marche, au fait de progresser...
J.-F. M. : Dans l’exposition, il y a un petit personnage vautré contre le mur, à moitié dans la lune : Mister Frame (Monsieur Cadre). Il y a des cadres qui partent de sa tête comme des bulles.
P. M. : C’est l’histoire de ce personnage qui rêve. Nous avions envie de présenter un nuage de dessins. Et avec ces cadres qui passent du mur au plafond, ça devient un peu une histoire d’apesanteur.

Qui est Mister Frame ?
P. M. : Une effigie, un peu comme le Bibendum Michelin entièrement composé de pneus ; on a inventé un personnage-cadre parce que çela coulait presque de source.

Comment votre univers dessiné se met-il en place ?
J.-F. M. : Les idées ne viennent pas simplement d’un ping-pong entre nous mais aussi de discussions que nous pouvons avoir, de films que nous avons vus… Il y a aussi beaucoup d’images que nous récupérons çà et là. Nous avons de grosses boîtes à chaussures remplies d’images. Nous  en utilisons beaucoup pour les déformer, les remixer...
P. M. : Après, nous nous échangeons nos dessins. Si l’un invente un personnage, l’autre le récupère pour le mettre dans une nouvelle situation.

Comment le duo que vous formez travaille-t-il ?
J.-F. M. : Grosso modo, nous partons tous les deux d’une feuille différente. Ensuite, nous récupérons le dessin de l’autre. Nous l’améliorons, ou le contraire… c’est un mélange.

Pourquoi le parti pris du noir et blanc ?
J.-F. M. : C’est ce qu’il y a de plus simple. Décider de faire de la couleur, ce sont de nouveaux problèmes. Le dessin noir et blanc est très rapide. Ce que l’on aime, c’est le côté productif. Faire beaucoup de dessins…
P. M. : Cela nous démange parfois de faire de l’aquarelle. Mais le temps d’installer l’aquarelle, d’aller chercher de l’eau, de trouver les pinceaux, nous n’avons déjà plus envie. Du coup, nous rangeons tout et repassons au noir et blanc. Et en même temps, il y a tellement de possibilités en noir et blanc.

Vous avez réalisé un clip pour le groupe Air (Don’t Be Light), deux pochettes de disque (dont celle de Philippe Katerine, 8e Ciel) et, dernièrement, un dessin animé pour un spot publicitaire.
P. M. : Oui, la publicité Volvic avec Wanda Productions.
J.-F. M. : C’était vraiment une commande, cela comportait un vrai cahier des charges.
P. M. : De toutes les choses proposées au départ dans le story-board, beaucoup sont passées à la trappe. Cela a été épuré...
J.-F. M. : Oui, mais en même temps, nous sommes vraiment contents du résultat. J’ai trouvé cela enrichissant. J’ai adoré ça en fait.

Publicité et art, comment articulez-vous ces deux mondes ?
J.-F. M. : La différence, c’est l’argent. Dans une publicité, des millions d’euros sont en jeu. Pour une exposition, le rapport à l’argent n’est plus du tout le même… C’est bien de faire les deux. Le monde de la publicité pompe beaucoup les idées des artistes. Il suffit de regarder les spots à la télévision. Les créatifs ont énormément de catalogues d’artistes. Ils feuillettent, font leur marché. Quand il y a une idée qui leur plaît, ils la déforment un peu pour qu’il n’y ait pas de procès. Je trouve cela aussi bien qu’ils viennent à la source récupérer les artistes pour travailler avec eux.

Moonraker

Air de Paris, 32, rue Louise-Weiss, 75013 Paris, tél. 01 44 23 02 77, du mardi au samedi 11h-19h. Jusqu’au 24 juillet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°197 du 8 juillet 2004, avec le titre suivant : Petra Mrzyk & Jean-François Moriceau

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