Expositions collectives

Tous les ensembles

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 10 septembre 2004 - 668 mots

À Nice et à Villeurbanne, deux expositions abordent sous des angles différents les thèmes de l’identité et de la communauté.

 NICE, VILLEURBANNE - Qu’est-ce qui fait communauté ? qu’est-ce qu’une identité dans un environnement culturel et social en constant bouleversement ? comment l’individu se situe-t-il par rapport à la collectivité ? Par une coïncidence favorisée par l’actualité, mais avec des partis pris et des artistes différents, deux expositions répondent simultanément à quelques-unes de ces interrogations. La première, intitulée « Shake » et présentée à Nice, est le dernier volet d’un programme d’échange entre des centres d’art européens. Elle associe le OK Centrum für Gegenwartstkunst, à Linz (Autriche), et la villa Arson, à Nice, pour une proposition réunissant une vingtaine d’artistes (parmi lesquels Jun Yang, Luca Vitone, Candice Breitz, Ross Sinclair et Jens Haaning) sur les thèmes de la nationalité et de l’identité. Un sujet, qui, malgré l’humour et la bonne volonté d’un Stéphane Bérard se proposant de représenter le Gabon aux Jeux olympiques (Essai de participation aux Jeux olympiques d’hiver de 1998 sous les couleurs de la République du Gabon, 1997), n’est pas sans provoquer embarras et exercices circonstanciés. « Adel a démissionné » répète dans une vidéo en boucle la compagne de l’artiste Adel Abdessemed. Dans la droite ligne du tapage médiatique provoqué l’an passé par le succès du soda Mecca Cola, Kader Attia présente lui une griffe de vêtements sportswear siglée « Hallal (1) ». Une collection si tendance qu’elle a été immédiatement citée en exemple par la presse comme symptomatique des dérives communautaristes. À côté des cintres et étagères où il a disposé ses vêtements, Kader Attia a accroché des articles et courriers montrant le succès de sa petite entreprise.

Paysage hétérotopique
Plus distancié, Saâdane Afif affiche pour sa part une désinvolture superbe avec son National, une série de trois drapeaux français cousus dans des vêtements de friperie, des étendards dont la gloire est à chercher dans le rapiéçage. Sobrement nommée « Communauté », la seconde exposition a été élaborée en deux temps (2) par l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne à partir d’un noyau d’œuvres des collections du Fonds régional d’art contemporain Rhône-Alpes – citons Francis Alÿs, Dan Perjovschi, Jimmie Durham, Melik Ohanian, Henrik Olesen, Elena Panayotova, Anri Sala ou Adrian Piper –, noyau enrichi par des prêts. C’est sur un versant plus esthétique que les thématiques de l’identité et du collectif sont ici abordées, le terme de communauté étant à rapprocher de ceux d’échange et de nomadisme. Ainsi du 7e Continent de Berdaguer & Péjus, qui articule les nécessités premières de l’architecture (chaleur, abri, foyer) pour proposer un feu de camp électrique, « territoire pour le passage de quelques personnes à travers une courte unité de temps ». Mais c’est indéniablement la Proposition pour un monument dans le parc de l’amitié, Jacksonville, Fl. (Proposal for a Monument in Friendship Park, Jacksonville, Fl., 2000) de Sam Durant qui reflète le mieux les dissonances et divergences à l’œuvre sous la notion de communauté. La maquette à l’échelle 1 du monument est un paysage hétérotopique, dans ses formes comme dans ses significations : une folie bâtarde entre la cabane typique du sud des États-Unis et le jardin zen et moderniste d’Isamu Noguchi. De part et d’autre de la maison, deux tourne-disques permettent d’écouter une collection de « rock sudiste », un genre musical réactionnaire, contemporain et opposé à la culture hippie des années 1960 et 1970. Dans son bayou postmoderne, l’artiste californien noie les références et les repères pour donner un visage vernaculaire aux utopies.

(1) terme arabe désignant la viande autorisée à la consommation dans le cadre de la pratique religieuse.
(2) Un premier volet a eu lieu du 7 mai au 4 juillet.

- COMMUNAUTÉ, jusqu’au 26 septembre, Institut d’art contemporain, 11, rue du Docteur-Dolard, 69100 Villeurbanne, tél. 04 78 03 47 00, www.i-art-c.org, tlj sauf lundi et mardi, 13h-19h, 13h-20h le jeudi. - SHAKE, jusqu’au 10 octobre, villa Arson, 20, avenue Stephen-Liégeard, 06105 Nice, tél. 04 92 07 73 73, tlj sauf mardi, 14h-19h, www.villa-arson.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°198 du 10 septembre 2004, avec le titre suivant : Tous les ensembles

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