Arts africains

A fond la forme

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2007 - 680 mots

Succès pour la collection Ginzberg d’objets africains non figuratifs aux formes pures, dispersée le 10”¯septembre chez Sotheby’s à Paris.

 PARIS - La collection Marc et Denyse Ginzberg, dispersée le 10 septembre à la galerie Charpentier à Paris chez Sotheby’s, a connu un réel succès, avec peu d’invendus, des prix dépassant souvent largement les estimations et un pas de plus effectué dans la reconnaissance de l’art ethnographique. « Les collectionneurs du monde entier (Europe, États-Unis, Brésil ou encore Afrique du Sud) ont été nombreux à se disputer les œuvres non figuratives de cette collection phare, d’origine américaine, guidée par une exigence aigue d’esthétisme et de qualité, note l’expert Marguerite de Sabran. Cet ensemble unique et original a déclenché des vocations et a attiré beaucoup de nouveaux amateurs venant de divers domaines artistiques, parfois très différents. »

Boucliers et cuillers
Des armes aux appuis-tête en passant par les instruments de musique, bijoux, textiles et cuillers, chaque catégorie d’objets a été auréolée de belles enchères. La plus élevée revient à un superbe tambour à fente Mangbetu du Congo aux formes épurées, véritable sculpture à part entière. Il a été emporté à 110 400 euros, le double de son estimation, par un collectionneur européen au téléphone. C’est l’un des meilleurs prix établis en ventes publiques pour un instrument de musique. Le public a marqué un intérêt constant pour l’ensemble des boucliers africains aux formes abstraites et aux qualités picturales appréciables. Ayant presque tous doublé voire triplé leur estimation, ils rivalisent en valeur avec ceux d’Océanie. Hissé au deuxième prix de la vente, un bouclier Kikuyu du Kenya, gravé en méplat de motifs géométriques, est monté à 108 000 euros grâce à un acheteur anonyme au téléphone, soit trois fois l’estimation haute et un record pour un bouclier africain. Le troisième objet de la vente est sans doute le plus fascinant. Les rares marchands à être présents dans la salle étaient essentiellement venus pour cette curiosité monoxyle évoquant un personnage stylisé. Ils n’ont cependant pas poussé au-delà de 72 000 euros pour cette boîte à priser Sotho d’Afrique du Sud, sculptée dans une corne d’antilope, à l’allure complètement surréaliste, et qui était estimée 25 000 euros. Ce rare objet, qui avait figuré dans l’exposition « African Forms » du Musée des arts africains de New York en 2001, a trouvé place dans une collection privée européenne. Un bouclier de danse, originaire de Madagascar, en bois, recouvert d’une peau de bovidé, estimé 4 000 euros, a fait l’objet d’une bataille d’enchères s’élevant jusqu’à 26 400 euros. La plus importante cuiller du catalogue, un modèle en ivoire de 21,5 cm du Congo, utilisée chez les Lega comme objet-symbole dans les rituels d’initiation de la société Bwami, a été adjugée 36 000 euros, le double de son estimation. Toujours à des prix très supérieurs à ceux attendus, un tabouret Tetela du Congo en bois recouvert de feuilles de cuivre martelées et incisées, avec un motif répété de lézards stylisés, est parti à 27 600 euros, tandis qu’un collectionneur allemand s’est emparé d’un appui-tête Zulu d’Afrique du Sud pour 20 400 euros. Notons aussi les prix enregistrés pour un superbe tissu à broderie de perles multicolores, véritable tableau coloré adjugé 24 000 euros ; une parure en or composée d’un collier de deux pendentifs Baoulé de Côte d’Ivoire, cédée 22 800 euros, ou encore un éventail Baoulé de Côte d’Ivoire, en bois plaqué de feuilles d’or incisées de motifs géométriques, emporté par un Anglais pour 21 600 euros. « Ce patrimoine formel qui a été constitué sur les quinze dernières années, par des pièces de conception hautement créative et à vocation pratique, a été valorisé par de nombreuses expositions et la publication d’un ouvrage de référence (1). Il est logique que cela se termine par une reconnaissance du marché », conclut Marguerite de Sabran. Même si l’on est encore loin des prix des canons de la statuaire africaine, la réussite de cette vente contribuera à changer le regard sur l’art africain non figuratif et à en faire évoluer les cotes.

(1) Afrique, l’art des formes, coéd. Skira/Le Seuil, 2000.

COLLECTION GINZBERG

- Experts : Marguerite de Sabran et Patrick Caput (consultant) - Nombre de lots : 174 - Résultat : 1 million d’euros - Lots vendus : 89,7 % - Nombre de lots vendus/invendus : 156/18

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°265 du 21 septembre 2007, avec le titre suivant : A fond la forme

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