Bordeaux

Blanc comme neige

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2007 - 695 mots

Première exposition en France de l’agence japonaise SANAA, qui va construire le futur Louvre à Lens.

 BORDEAUX - C’est une exposition d’architecture. Ou bien de photographie. Ou les deux, peut-être. C’est en tout cas la première grande exposition monographique de l’agence d’architecture japonaise Sanaa en France. Et c’est un ovni, car elle se compose uniquement de photos représentant des projets récents du duo composé de Kazuyo Sejima, 51 ans, et Ryue Nishizawa, 41 ans, duo dénommé « Sanaa » (Sejima And Nishizawa And Associates). Certes, le visiteur pourra de-ci de-là découvrir une poignée de maquettes ou de dessins, quelques meubles, voire, dans une petite salle adjacente, le projet à échelle réduite de la future antenne du Louvre à Lens (Pas-de-Calais) dont le chantier devrait débuter l’an prochain pour une ouverture des portes prévue en 2010. Mais toutes ces pièces ne sont en réalité que secondaires, reléguées en marge de la galerie centrale clairement dédiée, elle, à la photographie. D’ailleurs, l’exposition s’appelle précisément « Kazuyo Sejima Ryue Nishizawa/SANAA & Walter Niedermayr ». Ce dernier, photographe italien connu notamment pour son fabuleux travail sur les paysages alpins enneigés, est l’auteur des clichés. Il s’agit donc du regard qu’un artiste pose sur l’œuvre de deux autres « artistes », les architectes Sejima et Nishizawa. « On ne peut jamais montrer l’architecture en tant que telle, explique Ryue Nishizawa ; une exposition consiste toujours en un travail de reconstitution, de “re-création”… On peut effectivement présenter des plans ou des maquettes. La photographie également est une reconstitution. C’est donc pour nous une manière possible de montrer l’architecture ». Sans la dévoiler complètement, cependant.

Atmosphère, atmosphère
Le choix du photographe Walter Niedermayr n’est en effet pas anodin. Ses tirages, en majorité sous forme de diptyques, montrent sans montrer. Ils sont comme une mise en abîme de l’œuvre de Sanaa. « Évidemment que je me documente sur les projets avant de prendre mes photos, souligne Niedermayr. Cela ne veut pas dire pour autant que mon travail est documentaire. » Bien au contraire, il est une œuvre en tant que telle.
Une école de management et de design à Essen (Allemagne), un centre de soins de jour à Yokohama (Japon), le campus Novartis à Bâle, le pavillon de verre du Musée d’art de Toledo (Ohio, États-Unis), ou encore le Musée d’art contemporain du XXIe siècle à Kanazawa (Japon) – lequel les a rendus célèbres sur la scène internationale –…, les huit projets ici exposés, soit quatorze diptyques, affichent tous une esthétique sobre, sinon minimaliste. Jamais ou presque de vues d’ensemble d’un édifice mais des fragments, des détails, des reflets, des transparences. Une silhouette qui passe. Et cette blancheur qui ajoute encore au mystère. Ainsi, même lorsqu’il s’agit d’un bâtiment en cours de construction, comme la maison Moriyama à Tokyo, le chantier paraît étonnamment propre, noyé dans une ambiance laiteuse, presque clinique. Ne manquerait plus que les ouvriers soient revêtus de blouses immaculées tels des chirurgiens, mais ils sont invisibles.
Si Walter Niedermayr a pris ses photographies « normalement », autrement dit sans « artifices », il a ensuite « agi » sur le tirage, au moment du développement, en le surexposant. Dès lors, la lumière n’en devient que plus vive, plus présente. Si bien que, étrangement, l’architecture ne prend jamais le dessus. L’espace est fuyant, oscille entre légèreté et évanescence. Y sourd une atmosphère presque sereine et néanmoins mystérieuse. En outre, ce principe du diptyque choisi par Niedermayr donne parfois une sensation de mouvement. Cette exposition est une vraie expérience même si, au final, son sujet – l’architecture de Sanaa proprement dite – se révèle difficilement palpable. Reste que le travail est saisissant.
« Cette exposition n’est pas seulement une exposition de photographie ou bien d’architecture, c’est une créature hybride, résume Ryue Nishizawa. L’objectif était de rendre l’atmosphère qui se dégage d’un édifice, non pas de rendre l’édifice lui-même en son entier. » Contrat rempli donc. « Ce que j’aime chez SANAA, précise Walter Niedermayr, c’est que leur architecture n’est pas spectaculaire. » Ses images en tout cas le sont.

KAZUYO SEJIMA RYUE NISHIZAWA/SANAA & WALTER NIEDERMAYR

Jusqu’au 28 octobre, Centre d’architecture Arc en rêve, 7, rue Ferrère, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 52 78 36, tlj sauf lundi 10h-18h, mercredi jusqu’à 20h, www.arcenreve.com. Catalogue, éd. Hatje Cantz, 2007, 148 pages, 78 illustrations couleur, en anglais et en allemand, 39,80 euros, ISBN 978-3-7757-1890-5.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°265 du 21 septembre 2007, avec le titre suivant : Blanc comme neige

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